Le Prix Sobey remis à Kablusiak

C’est lors d’une célébration au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) samedi que le prestigieux Prix Sobey pour les arts a été remis à Kablusiak, originaire de Yellowknife. L’artiste et conservateur inuvialuk multidisciplinaire reçoit un prix en argent de 100 000 $, alors que les finalistes de la courte liste – Séamus Gallagher, Gabrielle L’Hirondelle Hill, Anahita Norouzi et Michèle Pearson Clark – reçoivent chacun 25 000 $. Selon Jonathan Shaughnessy, directeur des initiatives curatoriales du MBAC et président du jury du Prix Sobey pour les arts 2023, l’œuvre de Kablusiak « façonne les réalités inuites et queers à la fois dans le monde de l’art et dans la société en général. L’attention qu’iel porte à la matérialité et à l’incarnation ainsi que l’utilisation critique de l’humour contribuent à la construction et à l’affirmation du monde ». Le jury était composé de conservateurs canadiens et internationaux. Les choix de la longue liste, de la courte liste et de la personne gagnante ont été faits en s’appuyant sur les carrières des artistes.

— Karine Bouchard, collaboration spéciale

Une expo à Ottawa

Une exposition des cinq finalistes de la courte liste du Prix Sobey pour les arts est en cours au MBAC jusqu’au 3 mars 2024.

Les Érotisseries

Le cirque s’érotise

Les Érotisseries sont de retour sur les planches d’Espace Libre, avec une création qui a fait salle comble l’an dernier, mettant en scène des performances uniques en leur genre, qui se veulent libératrices, transformatives, carrément politiques. Pour un public majeur et averti seulement. Par-dessus tout : pour un public consentant.

Le consentement fait d’ailleurs partie intégrante du programme, ce qui a valu à ce spectacle inédit une place parmi les huit finalistes du 37e Grand Prix du Conseil des arts de Montréal, l’an dernier.

À quoi s’attendre, exactement ? À un spectacle hybride audacieux, ni théâtral ni purement circassien, assurément sensuel, par moments drôle, dérangeant, engagé, voire émoustillant, promet-on. Mais ce n’est pas un numéro de danseuses, au sens où on l’entend communément. Ah oui, et on fait aussi appel à des « volontaires » consentants de temps en temps.

Alors, c’est quoi ? Attendez-vous à de la nudité, mais pas que. Certains numéros seront plus pudiques. Il y aura de la danse à la barre verticale (pole dancing), mais aussi des sangles aériennes, des scènes sauvages, tendres, douces ou encore provocantes.

En gros, il s’agit d’« essais érotiques consensuels » (c’est écrit tel quel dans le programme), qui sont en fait une série de tableaux, inspirés du vécu, des expériences, même des fantasmes des trois artistes sur scène, à savoir Éliane Bonin, Catherine Desjardins-Béland et Marie-Christine Simoneau. Ce sont à elles que l’on doit ici la création, la mise en scène et l’interprétation.

Toutes trois issues du monde circassien, les artistes ont donné dans le pur divertissement ou les numéros stéréotypés. Elles se mettent ici à nu (littéralement), dans cette réappropriation philosophique et émancipatrice de leur sexualité, osant l’authenticité, dans toute sa diversité, une proposition qu’on devine à la fois confrontante, mais surtout acrobatiquement et émotionnellement vertigineuse.

Pensez : différentes expressions queers ici, une célébration de l’épanouissement là, ou encore une série de jeux de contrastes entre force et douceur, ici ou là.

Une invitation au « voyage » née en 2005

Ce n’est toujours pas clair ? C’est un « voyage », résume enfin Éliane Bonin, fondatrice des Productions Carmagnoles, à l’origine du projet. Il faut savoir que l’idée de cette proposition audacieuse est née en 2005, et sept éditions distinctes ont été créées à ce jour. Les deux autres artistes (Catherine Desjardins-Béland et Marie-Christine Simoneau) se sont jointes à l’aventure il y a dix ans.

Les différentes relectures avec le temps témoignent d’une recherche artistique en constante évolution, mais aussi de profonds changements sociaux récents. À preuve : en 2005, un personnage de geisha était incarné par un homme blanc, le cirque prenait assurément plus de place, et le tout finissait sur un numéro de « climax ».

Rien de tout cela n’est encore d’actualité. Si la proposition visait à provoquer, on est aujourd’hui d’abord et avant tout dans la « bienveillance ». En début de spectacle, on invite désormais les spectateurs à respecter leurs limites, sortir au besoin, puisque oui, certaines scènes pourraient choquer certains. Un médiateur social est également sur place depuis l’an dernier, pendant chaque représentation.

« Il y a eu une grande réflexion, à savoir comment on gère le consentement du public. On cherche à déranger, mais dans les limites du consentement du public. »

— Catherine Desjardins-Béland

Si tout ce que les artistes vivent sur scène est vrai, que ce soit la peur, la douleur, l’excitation ou le vertige, « le public traverse ces zones-là aussi, et c’est pour ça que quelqu’un est sur place pour faire de la médiation », poursuit Marie-Christine Simoneau.

De l’avis des trois artistes, cette production est la plus aboutie de toutes. « C’est la création dont je suis la plus fière de toute ma vie, reprend Éliane Bonin. Oui, vous serez émoustillés, assure-t-elle, mais en sortant, ce sera peut-être plus profond que ça. Il y a une réflexion transformative qui s’opère », espère-t-elle.

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