La Presse en Colombie-Britannique

« Tout s’est passé très vite, tout est parti »

Hope — Le sud de la Colombie-Britannique retenait son souffle, samedi, alors que de fortes pluies étaient tombées sur les régions montagneuses et la vallée du Fraser. Plusieurs hélicoptères survolaient les zones à risque, où les signes de la première tempête survenue il y a deux semaines étaient toujours bien visibles.

Sur la route Othello, près de Hope, à 90 km au nord d’Abbotsford, Graham Zillwood attend la visite d’un évaluateur de sa compagnie d’assurances. L’évaluation risque cependant d’être de courte durée. Il ne reste plus rien de la propriété dans laquelle il vivait depuis 18 ans.

Graham Zillwood marche sur ce qui lui reste de terrain au bord de la Coquihalla et se demande bien à quoi servira cette rencontre. « Tout est parti. Il y a le toit de ma maison qui se trouve un peu plus loin. Ma roulotte a aussi été emportée. Même ma Volkswagen Thing 1974, une voiture de collection, a disparu. »

Tout s’est passé très vite, raconte-t-il. « J’étais assis chez moi et j’ai jeté un coup d’œil par la fenêtre. J’ai vu quelques billots de bois qui dérivaient dans la rivière. Quelques minutes plus tard, j’ai regardé de nouveau, et tout foutait le camp. Il y avait des billots qui arrivaient de partout. J’ai à peine eu le temps de prendre mon chien et mon chat et je suis parti. »

Il n’y a pas que sa propriété qui soit disparue ce jour-là. La route Othello a été littéralement emportée par la tempête, coupée en deux par la force des eaux. De l’autre côté, plusieurs roulottes ont également disparu, « au moins six », selon M. Zillwood. « Certains ont à peine eu le temps d’accrocher leur roulotte à leur véhicule pour s’enfuir. Tout s’est passé si vite : en une heure, il n’y avait plus rien. J’ai même reçu un avis d’inondations sur mon téléphone huit heures plus tard ! »

Au moment du passage de La Presse, la voisine de M. Zillwood, dont la résidence est toujours intacte, est venue prendre de ses nouvelles. Les deux voisins pestent contre la société Enbridge et son pipeline, qui passe tout près.

« Ils ont fait des coupes à blanc pour leur pipeline, mais ils ont laissé les arbres coupés sur place. Ce sont ces billots qui ont tout détruit. »

— Graham Zillwood, résidant de Hope

Sa voisine acquiesce. « On devrait les poursuivre », ajoute-t-elle, avant de retourner chez elle.

« C’est difficile en ce moment de trouver un sens à tout ça », lance M. Zillwood, qui nous invite du même coup à aller constater les dégâts près des tunnels Othello, situés tout près.

« Ils sont célèbres, vous savez. C’est là qu’ils ont tourné le premier Rambo. On a aussi filmé La guerre de la planète des singes avec Woody Harrelson là-bas. »

Des airs de fin du monde

Sur place, il règne une atmosphère de fin du monde. Le chemin vers les tunnels est parsemé d’arbres arrachés et de billots de bois. On aperçoit une porte d’armoire de cuisine entre deux branches. Plus loin, un jeans et une bonbonne de propane pour BBQ. On ne peut qu’imaginer la puissance de la catastrophe qui a frappé la région.

Abritant auparavant une voie ferrée du Canadien Pacifique, les tunnels Othello font maintenant partie du parc provincial du canyon de Coquihalla, une destination prisée dans la région pour la randonnée et le vélo. Une piste cyclable asphaltée par endroits permet normalement de rouler à l’intérieur des tunnels, mais ce n’est pas demain qu’on pourra y circuler à nouveau.

L’eau qui s’est vidée dans le tunnel a complètement arraché l’asphalte, a pu constater La Presse.

De gros blocs de béton installés le long des tronçons à ciel ouvert ont aussi été emportés par la crue des eaux. Le tunnel dans lequel s’était réfugié Sylvester Stallone, qui incarnait Rambo dans First Blood, en 1982, ressemble aujourd’hui à une zone de guerre.

Samedi, le ministère des Transports de la Colombie-Britannique a fermé plusieurs autoroutes alors qu’on attendait jusqu’à 120 mm de pluie dans certains secteurs. Sur les autoroutes 1, 3 et 7, empruntées par La Presse, on peut apercevoir les dégâts causés par la première tempête. Dans certaines zones, des ouvriers s’affairaient toujours en milieu d’après-midi à réparer des tronçons de route endommagés par les premières inondations.

Nouvelles précipitations

Plus près d’Abbotsford, le niveau de l’eau recommençait à monter dans la plaine de la Sumas. Avec la pluie annoncée, les autorités s’attendent d’ailleurs à ce que le fleuve Nooksack déborde à nouveau, provoquant une hausse « modérée » du niveau d’eau dans la plaine agricole.

Pour Tracy Froment, cela pourrait empirer une situation déjà difficile. L’hôtel où elle venait tout juste de commencer à travailler comme préposée aux chambres a déjà été submergé. « On m’a dit que je pourrais peut-être recommencer à travailler en janvier. Je vais essayer de me trouver un boulot temporaire d’ici là. »

« Avec toute cette pluie qui tombe encore, on ne sait pas ce qui arrivera », lance son amie Dawn Shannon, dont la maison construite dans la plaine a été complètement inondée. C’est d’ailleurs l’incertitude qui la rend anxieuse. « J’ai tout perdu, vous savez. J’ai réussi à sauver quelques vêtements et mes animaux : mon chien, mon chat et mon oiseau. Les choses matérielles, ce n’est pas important, mais trouver une maison à louer avec mes animaux, ce n’est pas évident. Je les aime tellement. »

Lorsqu’on lui demande si elle se considère comme une réfugiée climatique, Dawn Shannon hésite et élude la question. « Il y a eu un désastre, mais en même temps, j’ai vu tant d’amour et de solidarité. Mais oui, la nature nous dit peut-être d’arrêter de faire tout ce qu’on fait à cette terre. »

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