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Une application pour dépister le VIH

La lutte mondiale contre le sida dispose  d’un nouvel outil : une application mobile. Cette innovation conçue à Montréal aide les gens à savoir s’ils sont porteurs du VIH en toute confidentialité.

Ça aura pris 7 ans de travail, 32 prototypes et 4 études cliniques dans 2 pays, mais l’application mobile HIVSmart!, un outil d’autodépistage du VIH conçu à McGill, pourra finalement être déployée sur le terrain.

L’International Association of Providers of Aids Care (IAPAC), une organisation internationale financée par l’ONU, se servira d’HIVSmart! dans son programme « Les villes s’engagent », qui vise à mettre fin à l’épidémie mondiale de VIH avant 2030. Les chercheurs espèrent étendre son utilisation dans les 80 villes impliquées.

Pour l’équipe de Nitika Pant Pai, à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM), c’est un succès plus important que toutes les reconnaissances reçues jusqu’à maintenant.

« La plupart des innovations développées par des chercheurs universitaires en restent aux publications scientifiques, puis elles meurent lentement : c’est ça, la réalité. Mais avec l’IAPAC, on va mettre ça entre les mains des gens qui en ont réellement besoin. »

— Nitika Pant Pai, directrice de recherche à l’IR-CUSM et professeure associée à l’Université McGill

Comment une application mobile peut-elle dépister le VIH ?

HIVSmart! guide les utilisateurs à travers les étapes pour effectuer un test d’autodépistage du VIH. À l’aide de capsules informatives et de tutoriels, elle assiste la personne dans sa prise de décision, puis dans la démarche pratique du test. Finalement, elle la met en contact avec les personnes-ressources et les soins offerts dans sa région.

Les tests d’autodépistage sont une invention relativement récente qui permet de déterminer si on est atteint du VIH avec une certitude de 92 % en analysant soi-même un échantillon de sa salive ou une goutte de son sang. Plus précisément, il y a 8,3 % de risques que le résultat du test soit négatif même si la personne a le VIH. Ce taux d’erreur est principalement dû au fait qu’il n’y a souvent pas de traces du virus dans la salive durant les trois premiers mois après l’infection. Les risques d’obtenir un faux résultat positif sont presque nuls.

Ces tests sont déjà offerts en pharmacie dans une dizaine de pays, et au moins 48 autres, incluant le Canada, sont en voie d’en approuver au moins un pour la vente.

L’ONUSIDA et l’IAPAC ont récemment lancé des programmes pour encourager l’autodépistage, surtout dans les villes où vivent beaucoup de personnes porteuses du virus. Ils considèrent qu’il s’agit d’une stratégie-clé pour réussir un de leurs objectifs centraux : que 90 % des gens atteints connaissent leur diagnostic d’ici 2020. Actuellement, ce taux est de seulement 65 %.

L’autodépistage a l’avantage d’éviter la gêne et la stigmatisation qui sont souvent associées aux voies diagnostiques traditionnelles. Par contre, il a l’inconvénient de laisser les utilisateurs à eux-mêmes, sans suivi ni assistance. Donc, oui, il faut rendre ces tests accessibles, mais il faut aussi s’assurer que les gens s’en servent, et qu’ils s’en servent correctement, explique Nitika Pant Pai. C’est là qu’intervient HIVSmart!

« L’intérêt de cette application, c’est qu’elle offre ce service complet, qui va d’aider la personne à comprendre pourquoi elle devrait faire le test, jusqu’à la connecter aux services nécessaires et aux soins », croit-elle.

L’application est actuellement en essai au Cap, en Afrique du Sud, ainsi qu’à Montréal. Les résultats de ces études doivent être publiés prochainement.

De la théorie à la pratique

Tout le monde pourra télécharger HIVSmart! gratuitement dès 2018. Avec l’aide de l’IAPAC, les chercheurs espèrent la rendre entièrement fonctionnelle et adaptée aux ressources locales dans 80 villes, de New York à Bombay (Mumbai) en passant par Port-au-Prince.

« Ça va vraiment se rendre jusqu’aux gens : c’est la plus grande satisfaction qu’on puisse avoir », estime Nitika Pant Pai.

L’application est déjà traduite en six langues (dont l’anglais et le français) ; à terme elle sera offerte en 20 langues. Les chercheurs souhaitent aussi la transformer en programme multiplateformes, compatible avec tous les téléphones, ordinateurs et tablettes.

Le sida en chiffres

37,9 millions

Nombre de personnes atteintes du VIH dans le monde. En Afrique du Sud, au Lesotho et au Botswana, une personne sur cinq est porteuse du VIH. Au Swaziland, c’est plus d’une personne sur quatre.

De 30 à 40 %

Proportion de personnes porteuses du VIH qui l’ignorent. Malgré les progrès, la peur de la stigmatisation reste un obstacle majeur au dépistage. Au Canada, ce taux est de 20 %.

1,1 million

Nombre de personnes mortes du sida en 2016. Une personne porteuse du VIH peut pourtant vivre toute sa vie sans symptômes si elle est diagnostiquée et traitée à temps.

75 500

Nombre de personnes porteuses du VIH au Canada en 2014.

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