Les secrets d’une bouteille qui conserve le lait 70 jours

Une bouteille de lait unique en son genre qui amène au Québec un format inédit de 1,5 L dans les frigos vient d’être mise en marché par Parmalat. Qualifiée de « véritable innovation » par l’entreprise, la bouteille a nécessité trois ans de recherche et développement. Celui qui a piloté le projet, Marco De Palma, a accepté de raconter à La Presse les dessous du processus de création.

Qu’est-ce qui a été si long à développer ?

C’est une question de technologie, on a débattu longtemps sur le type d’équipement qu’il nous fallait, mais aussi d’ergonomie, de grandeur de la bouteille, de sa forme. On a regardé plusieurs formats : le 1,5 L et le 2 L… Le défi que j’ai lancé à mes équipes, c’était que peu importe la grosseur de la bouteille qu’on mettrait en marché, il ne fallait pas que ce soit plus haut que les 2 L en carton, pour que les épiceries n’aient pas à modifier les hauteurs de tablette. C’était leur défi numéro 1. Quand on regarde les bouteilles d’eau de 1,5 L, elles sont très hautes ! Autrement, introduire ce genre de bouteille aurait été beaucoup plus compliqué et le taux de succès aurait été bas.

Vous avez aussi pensé au consommateur, j’imagine…

Il fallait trouver la forme parfaite. Ronde ? Carrée ? Ronde-carrée ? On voulait un format qui permette de mettre la bouteille couchée dans le frigo sans qu’elle roule, car certaines personnes font cela avec les contenants en carton. Même chose pour les petites bouteilles [le mois prochain, des formats de 473 ml et 237 ml seront lancés], qui pourront par exemple être utilisées dans les hôpitaux. Il faut pouvoir les coucher dans les cabarets sans qu’elles roulent. On s’est rendus très loin dans la réflexion sur l’utilisation.

Et quel était le défi numéro 2 de vos équipes ?

Le goût est ce qu’il y a de plus important dans notre produit. Il fallait s’assurer que le goût soit pareil ou meilleur que celui du lait en carton ou en sac. C’était le deuxième défi. C’est important que le consommateur habitué à un goût ait encore droit au même goût lors de la première gorgée. Et il fallait s’assurer que le goût soit le même le jour de l’embouteillage et en fin de vie. Si quelqu’un ouvre la bouteille le 55e jour, il faut le même goût que le jour 1.

Mais on trouve déjà du lait vendu dans des cruchons de plastique (Nutrilait de Saputo, Québon d’Agropur). En quoi votre bouteille est-elle différente ?

Notre type de plastique prolonge la durée de vie du lait. On parle de 60 jours à la production [à la sortie de l’usine]. Pour notre lait Lactancia microfiltré vendu dans du carton, on parle de 36 à 39 jours [il s’agit du même lait que celui vendu en bouteille]. Le lait pasteurisé, c’est maximum 20-21 jours. Et je vais vous donner un scoop, récemment, nos études ont démontré qu’on peut monter la durée de vie à 70 jours.

Pourquoi est-ce important que le lait se conserve si longtemps ?

Deux raisons. Ça aide à réduire les retours et les pertes à cause des produits qui ne se vendent pas dans les épiceries [Parmalat reprend les invendus]. Et on voulait lancer un lait premium, un lait microfiltré, dans l’Ouest canadien. Ce type de lait qui est très répandu au Québec et en Ontario depuis 22 ou 23 ans n’existe pas dans l’Ouest. C’est exclusivement du pasteurisé qui se conserve 20 jours. On voulait tenter de percer ce marché et les livraisons sont commencées. Même en Atlantique, on ne trouve pas de premium ! Pour cette région, nous sommes en attente de permis.

Vous auriez pu atteindre vos objectifs avec des bouteilles de 1 et 2 L, non ?

Personne ne vend de 1,5 L. Donc, pour nous, c’était intéressant. On voulait être uniques. Dans nos études, on testait les formats de 1,5 L et 2 L et c’est l’ergonomie qui nous a fait choisir le 1,5 L. En focus group, les personnes âgées avaient plus de difficulté à manier le 2 L. Et les mères de famille nous disaient qu’elles avaient plus confiance que leurs jeunes enfants seraient capables de mettre du lait dans leurs céréales avec la bouteille de 1,5 L.

Y a-t-il vraiment un besoin pour un autre format ?

Le 1,5 L, au Québec, c’est nouveau, on est les premiers à le rentrer. C’est déjà commencé un peu dans l’Ouest canadien. Et quand on regarde les tendances aux États-Unis, on voit que le 1,5 L commence à apparaître. Alors on s’est dit qu’on pouvait être avant-gardistes sur ce format.

Utilisez-vous un plastique spécialement fabriqué pour vous ?

Non, ce n’est pas exclusif. C’est un plastique PET sans BPA recyclable (bouteille et bouchon) qui est déjà utilisé dans l’industrie agroalimentaire.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Notre innovation est en deux temps. D’abord, on lance une bouteille avec un produit existant [le lait microfiltré]. Ensuite, on va lancer des innovations qui n’existent pas au Canada. On travaille sur 11 ou 12 concepts basés sur des influences européennes ou nord-américaines. Et on prévoit faire des lancements en février prochain.

Consommation au Canada depuis 10 ans (en litres par habitant)

Lait 3,25 % : - 16 %

Lait 2 % : - 12 %

Lait 1 % : - 32 %

Lait écrémé : - 46 %

Lait au chocolat : + 1,7 %

Source : Statistique Canada

La consommation de lait baisse, espérez-vous changer la tendance grâce à vos innovations ?

On veut renverser la diminution de la consommation et remettre du volume dans l’industrie, car c’est un bon produit pour la santé. Et réhabituer les consommateurs à cuisiner avec des produits laitiers. Pour changer une tendance nationale, il faut vraiment un très gros changement d’habitude chez les consommateurs. C’est pour cela qu’il faut introduire des innovations. Mais l’impact est limité, seulement 0,4 % du volume de vente vient de l’innovation, ce qui n’est pas le cas dans le yogourt, par exemple.

Parmalat Canada en bref

Existe depuis l’acquisition de Béatrice Foods Canada et Ault Foods en 1997

Siège social à Toronto

3000 employés

16 usines de production

Marques : Astro, Black Diamond, Beatrice, Lactancia, Galbani, Président

Parmalat S.p.A., la société mère, est cotée à la Bourse italienne (75 000 employés, 229 usines dans 43 pays)

22 L de moins en 20 ans

Chaque Canadien consomme en moyenne 66,68 L  de lait par année. C’est une diminution de près de 20 % depuis 10 ans. En 1998, la consommation moyenne était de 88,77 L, selon Statistique Canada. Les causes : l’arrivée sur le marché d’autres types de lait (soya, amandes), la popularité du végétalisme, l’intolérance au lactose, le vieillissement de la population et le débat sur les bienfaits du lait chez l’adulte.

Lait 2 %

Le lait 2 % est sans aucun doute la boisson lactée la plus populaire au Canada. Il représente à lui seul tout près de la moitié des ventes de lait avec 1,3 milliard de litres vendus en 2016, d’après la Commission canadienne du lait.

Lait en sac

Le lait en sac – qui n’est vendu qu’au Québec et en Ontario – obtient beaucoup de succès auprès des consommateurs. Selon le Conseil des industriels laitiers du Québec, 60 % du lait vendu au Québec est en sac.

Lait au chocolat

Parmi tous les types de lait, celui au chocolat affiche la plus forte croissance des cinq dernières années. Ses ventes sont passées de 202 millions de litres en 2012 à 221 millions de litres en 2016 (+ 3,56 %), selon la Commission canadienne du lait. Notons que la consommation de lait 3,25 % a aussi augmenté au cours de cette période, d’environ 1,5 %. 

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