Inflation : modérez vos dépenses !

Ce vélo dernier cri dont vous rêvez depuis deux ans ? Oubliez ça.

Votre projet de rénover la cuisine ? Faites une croix là-dessus.

Ce nouveau chalet que vous reluquez ? Laissez tomber.

D’accord, on est rabat-joie. Et on exagère volontairement. Mais si vous voulez cesser de rager contre cette inflation galopante qui mine votre portefeuille, vous devrez modérer vos dépenses.

Que vous le vouliez ou pas, la Banque du Canada va vous aider à le faire.

La banque centrale, responsable de contrôler l’inflation, a augmenté mercredi de 100 points son taux directeur, pour le faire passer à 2,5 %. Il s’agit de la plus forte hausse du taux directeur en une journée depuis 1998. Ça montre à quel point l’inflation, à 7,7 % en mai, est préoccupante.

Il s’agit de la quatrième hausse consécutive du taux directeur, passé de 0,25 % à 2,50 % depuis mars. Ces hausses vont faire mal à beaucoup de gens. Particulièrement à ceux qui ont une hypothèque à taux variable ou qui ont acheté une maison au-dessus de leurs moyens en raison des taux d’intérêt anormalement bas pendant très longtemps. Il faut dire que le patron de la Banque du Canada avait lui-même encouragé les Canadiens à faire des achats importants à l’été 2020 en indiquant que les taux d’intérêt resteraient « très bas pour très longtemps ».

Pour limiter les soubresauts de l’économie, la Banque doit idéalement contrôler l’inflation entre 1 % et 3 % par année (idéalement à 2 %). On ne peut pas tolérer très longtemps une inflation à 7 % ou 8 %. Comme l’économie canadienne surchauffe comme jamais depuis 40 ans, la Banque du Canada doit refermer le robinet rapidement et fermement, en haussant son taux directeur pour ralentir la demande et la vigueur de l’économie.

La Banque du Canada n’avait plus le choix, d’où cette hausse de 1 % alors que les économistes s’attendaient à 0,75 %.

Elle a peut-être un peu trop attendu, comme d’autres banques centrales, d’ailleurs.

Sauf que le message du gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, est clair : on ne tolérera pas une inflation galopante à long terme. Tant mieux, car personne ne veut rejouer dans ce mauvais film des années 1980.

La Banque du Canada ne hausse pas votre paiement hypothécaire pour le plaisir.

L’inflation actuelle est attribuable aux deux tiers à des facteurs internationaux : la hausse mondiale du prix du pétrole (conséquence de la guerre en Ukraine) et les problèmes de chaînes d’approvisionnement (conséquence de la pandémie). Tiff Macklem ne peut rien faire contre ça, sinon attendre que ça passe. Dans un an, on peut penser que les problèmes d’approvisionnement seront réglés et que le prix du pétrole restera stable.

Ce qui tracasse davantage la Banque du Canada, c’est qu’environ le quart de l’inflation provient de la surchauffe de l’économie canadienne.

Les Canadiens veulent plus de biens et de services que l’économie ne peut leur en procurer (notamment à cause de la pénurie de main-d’œuvre). Alors les prix montent trop rapidement. C’est cette partie de l’inflation que la banque centrale doit dompter.

Resserrer le robinet. Réduire la cadence de l’économie. Attendez… est-ce que tout ça pourrait provoquer le mot en R ? Oui, il y a un risque réel de vivre une récession (les économistes de Desjardins estiment ce risque à 50 %). Mais la Banque du Canada n’a pas le choix de jouer ce jeu si elle veut contrôler l’inflation d’ici un an.

Une récession n’est jamais agréable. Mais dans une économie de marché, elles sont tôt ou tard inévitables. La dernière véritable récession au Canada a eu lieu en 2008-2009. Cette séquence heureuse s’arrêtera un jour.

La Banque du Canada a son plan de match pour dompter l’inflation : un taux directeur à 2,50 % qui continuera d’augmenter à l’automne.

De leur côté, que doivent faire les politiciens face à l’inflation ? Rien.

On répète : rien.

Envoyer des chèques de 500 $ à tous les Québécois est contre-productif et ne fait que favoriser l’inflation.

C’est là qu’intervient notre filet social. Les gouvernements doivent s’assurer d’aider les ménages à faible revenu à passer à travers cette situation économique exceptionnelle, pendant laquelle ils s’appauvrissent considérablement.

Inutile d’essayer de faire croire aux gens qu’on pourra dompter l’inflation sans que ça n’affecte personne. Ce n’est tout simplement pas vrai.


EN SAVOIR PLUS

7,7 %
Inflation actuelle en mai 2022 (par rapport à mai 2021)

7,5 %
Prévision de l’inflation pour le quatrième trimestre de 2022, selon la Banque du Canada


3,2 %
Prévision de l’inflation pour le quatrième trimestre de 2023, selon la Banque du Canada

2,0 %
Prévision de l’inflation pour le quatrième trimestre de 2024, selon la Banque du Canada


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