QUÉBECOR

L'entreprise invoque
des « raisons de santé »

Moins d’un an après son arrivée à la tête du conglomérat Québecor, Robert Dépatie prend sa retraite et quitte la direction de l’entreprise pour des «  raisons de santé  », à la surprise générale.

L’homme de 54 ans sera remplacé par Pierre Dion, président de Groupe TVA et membre du comité de direction de Québecor depuis 10 ans. La société n’a pas précisé les problèmes dont serait atteint M. Dépatie, mais insiste qu’il n’est pas touché par une maladie grave.

«  Des questions de santé, ça ne se prépare pas longtemps à l’avance  », a fait valoir Françoise Bertrand, présidente du conseil d’administration de Québecor, jointe en soirée par La Presse Affaires.

Selon des sources proches du dossier, les raisons du départ de Robert Dépatie – qui a remplacé Pierre Karl Péladeau à la barre de l’entreprise le 8 mai 2013 – n’auraient pas de lien direct avec sa santé. On parle plutôt de dissensions importantes quant à la direction que devrait prendre Québecor au cours des prochaines années.

«  Avant de prendre la job l’an dernier, Robert avait un plan, a-t-on expliqué. Il voyait qu’il n’avait pas la capacité totale à appliquer le plan. Il n’avait pas les coudées franches.  »

Selon nos informations, Robert Dépatie aurait notamment souhaité recentrer l’entreprise vers des secteurs «  d’avenir  ». Cette stratégie aurait impliqué de vendre certains actifs, comme les journaux anglophones de la filiale d’édition Sun Media.

Or, l’actionnaire de contrôle de Québecor – Pierre Karl Péladeau – aurait refusé d’envisager cette possibilité, affirme une source bien informée. (Le porte-parole politique de M. Péladeau a référé tous les appels concernant le départ de Robert Dépatie vers Québecor.)

Chez Québecor, on nie toute dissension entre les deux hommes.

«  Pierre Karl et Robert ont été collègues de travail pendant 13 ans. C’est ensemble qu’ils ont imaginé le plan d’affaires de Vidéotron. Pierre Karl et Robert ont une excellente relation. »

— Martin Tremblay, porte-parole de Québecor

M. Tremblay soutient aussi que Pierre Karl Péladeau ne se mêle plus du tout de la gestion de Québecor. Rappelons que M. Péladeau a abandonné son poste de président de Québecor le 8 mai 2013 pour devenir président du conseil d’Hydro-Québec. Il a ensuite fait le saut en politique sous la bannière du Parti québécois le 9 mars dernier  ; il est député de Saint-Jérôme depuis le 7 avril.

« Il a fait le choix de la politique. Donc, bien que nous soyons fiers de notre actionnaire de contrôle, il a fait d’autres choix que nous respectons, a dit Martin Tremblay. Cela étant dit, la stratégie est au conseil d’administration, et l’exécution du plan d’affaires est à la direction, et Pierre Karl n’en fait plus partie.  »

DION ENTHOUSIASTE

En entrevue téléphonique à La Presse Affaires, le nouveau président de Québecor, Pierre Dion, s’est dit enthousiaste de relever les défis qui l’attendent à la barre de l’entreprise.

«  Moi, dans mes 10 ans avec Québecor au comité de direction, j’ai été de toutes les discussions, toutes les décisions stratégiques de Québecor Média. C’est une entreprise que je connais bien et que j’adore, a-t-il dit. J’ai une connaissance vraiment pointue des domaines d’affaires de l’entreprise  ; on est en domaine connu ici.  »

M. Dion a dit souhaiter poursuivre la stratégie de convergence appliquée par l’entreprise depuis plusieurs années. «  On va le dire, le mot, justement et on en est fier  : la convergence.  »

Pendant son bref mandat à la présidence de Québecor, Robert Dépatie s’est montré plutôt discret sur la place publique, n’ayant donné aucune entrevue de fond aux médias québécois. Il a toutefois participé à quelques conférences de presse, dont celle sur l’obtention des droits de diffusion des matchs de la LNH. Il a aussi donné des entrevues lors de l’arrivée de Pierre Karl Péladeau en politique.

Sur le plan personnel, Robert Dépatie a perdu son père au début d’avril.

Dans un communiqué, Pierre Dion a souhaité à son prédécesseur « une retraite heureuse avec sa femme Christiane, sa fille Kim et sa petite-fille Mila qu’il aime tant ». M. Dion continuera d’assumer la fonction de président et chef de la direction de Groupe TVA par intérim, d’ici à ce qu’un remplaçant soit désigné.

INDEMNITÉ DE DÉPART

Québecor n’a pas voulu préciser hier l’indemnité de départ à laquelle aura droit Robert Dépatie. Selon la circulaire de direction 2013 de l’entreprise, alors qu’il était encore président et chef de la direction de Vidéotron et avant qu’il soit promu à la présidence de Québecor, M. Dépatie était admissible à titre de «  paiement en cas de terminaison  » à une indemnité équivalant à 24 mois de salaire de base, soit une valeur totale de 2 millions.

Selon la circulaire 2013 aussi, la rémunération totale de Robert Dépatie à la présidence de Vidéotron était de l’ordre de 4,5 millions par année, soit 1 million en salaire de base et 3,5 millions en bonis et primes au rendement.

Toujours selon la circulaire de direction de Québecor d’avril 2013, Robert Dépatie détenait des options d’achat d’actions non exercées pour une valeur estimée à 4,3 millions. Il détenait aussi un actif de 2,4 millions constitué des prestations futures de son régime de retraite spécial des hauts dirigeants de Québecor.

Par ailleurs, la circulaire de direction annuelle de Québecor, qui est l’un des principaux documents préparatoires à l’assemblée des actionnaires du 8 mai, n’a toujours pas été déposée auprès des autorités boursières. Ce dépôt réglementaire est en retard de trois semaines par rapport à sa date habituelle de dépôt des dernières années, autour du 5 avril selon le registre des commissions de valeurs mobilières.

L’annonce du départ de Robert Dépatie a été faite après la fermeture des marchés. Le titre de Québecor a clôturé à 26,62  $ hier à Toronto, en hausse de 12 cents.

— Avec la collaboration de Martin Vallières et Jean-François Codère

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.