Tentative de corruption sur la Rive-Sud

Un vieux routier libéral arrêté

Depuis des années, les frappes policières et les audiences de la commission Charbonneau chamboulent de fond en comble le monde municipal montérégien. Or, l’Unité permanente anticorruption a arrêté hier un vieux routier libéral accusé d’avoir voulu remettre sur pied un système de corruption sur la Rive-Sud.

Un militant d’expérience, Jacques Roy, a été cueilli par les policiers de l’UPAC, hier matin, en compagnie de trois coaccusés. Tous sont soupçonnés d’avoir offert des pots-de-vin à la mairesse de Châteauguay.

Connu en politique aux niveaux fédéral, provincial et municipal, Jacques Roy a vu sa carrière dans les coulisses du pouvoir mise à mal récemment.

Jacques Roy avait été membre du personnel politique de Denis Coderre il y a une dizaine d’années, lorsque celui-ci était ministre du Sport dans le gouvernement Chrétien à Ottawa. Il était aussi salarié du Parti libéral du Canada.

Mais le parti lui a montré la porte en 2004 après que la commission Gomery sur le scandale des commandites a démontré qu’il faisait partie des « bénévoles » libéraux payés secrètement par les firmes de communication qui profitaient de juteux contrats gouvernementaux.

Roy s’était ensuite retrouvé dans l’équipe du ministre provincial libéral Jean-Marc Fournier pour la campagne électorale de 2007, à Châteauguay, où il était le responsable des sondages téléphoniques et du pointage. (Tant au bureau de Jean-Marc Fournier qu’à celui de Denis Coderre, on a indiqué hier à La Presse que l’apport de M. Roy n’avait pas été majeur à l’époque.)

La carrière de Jacques Roy a rebondi au milieu des années 2000 lorsqu’il a été recruté par le maire de Châteauguay de l’époque, Sergio Pavone, qui l’a nommé directeur du développement économique. Un poste névralgique qu’il a occupé pendant quatre ans, jusqu’à ce que Nathalie Simon, nouvelle mairesse élue en 2009, lui montre la porte.

Éjecté de Châteauguay

« On lui a fait comprendre clairement que son contrat ne serait pas renouvelé et il est parti en congé prolongé », a-t-elle raconté hier en entrevue. Mme Simon ne veut pas trop donner de détails sur les raisons de ce départ. Mais l’ancienne journaliste souligne qu’il était temps que les choses changent à Châteauguay.

« J’avais mes antennes, qui m’indiquaient effectivement beaucoup de choses. Ce n’était pas propre à Châteauguay, on l’a vu plus tard, on était pris un peu dans le même maelstrom. Dès notre arrivée, on a commencé à poser des gestes et à dire qu’il fallait élever le degré d’éthique et d’intégrité, revenir à des mœurs et des façons de faire au-dessus de tout soupçon », raconte-t-elle.

Sans emploi, Jacques Roy était parti travailler comme directeur du développement économique pour le maire de Saint-Constant, Gilles Pepin, un autre maire de la région qui a été arrêté récemment par l’UPAC pour fraude et abus de confiance.

Le journal local Le Reflet expliquait alors que M. Roy n’avait pas eu à passer un concours d’embauche, puisque sa réputation le précédait, lui qui avait travaillé pour Denis Coderre au fédéral et l’ex-ministre des Finances Michel Audet au provincial.

À Saint-Constant, Roy a été mêlé à certains des dossiers les plus controversés du règne de Gilles Pepin. Jusqu’à ce que le vent tourne encore.

Placer de nouveaux pions

Se retrouvant sans appui à Saint-Constant après la fin de l’ère Pepin, Jacques Roy aurait comploté avec des complices pour placer de nouveaux pions à la Ville de Châteauguay, croit la police.

« L’enquête a démontré que quatre suspects ont tenté de corrompre l’administration municipale et la mairesse par un système d’échange de bénéfices comme de l’argent. Les avantages désirés par les accusés étaient l’obtention d’emplois municipaux et le dézonage de terrains pour des projets immobiliers », a précisé le capitaine André Boulanger, responsable des enquêtes sur la corruption à la Sûreté du Québec, hier.

Selon nos informations, le groupe voulait faire nommer l’agent immobilier René Lafrance directeur du développement économique à la Ville de Châteauguay.

Selon l’UPAC, les pots-de-vin offerts par le groupe à la mairesse étaient importants. D’ailleurs, 31 000 $ en argent comptant ont été saisis lors des perquisitions hier matin. Une camionnette considérée comme un produit de la criminalité a aussi été saisie chez René Lafrance.

Principale témoin de la poursuite dans cette histoire de corruption, la mairesse Nathalie Simon n’a pas voulu commenter l’affaire hier. Mais elle avoue y voir une tentative de certaines forces qui souhaitent revenir à une époque révolue.

« C’est la nature humaine, les gens qui avaient les mains dans le plat à bonbons souhaitent remettre les mains dans le plat à bonbons. Mais c’est à la société de leur indiquer qu’ils ne mangeront plus de bonbons », a-t-elle martelé.

LES ACCUSÉS

Jacques Roy, 71 ans, Longueuil : Militant libéral de longue date tant au fédéral qu’au provincial, autrefois haut fonctionnaire à la Ville de Châteauguay et à Saint-Constant.

René Lafrance, 61 ans, Châteauguay : Courtier immobilier, ex-conseiller municipal de Châteauguay, candidat deux fois défait à la mairie. C’est lui que le groupe voulait faire nommer directeur du développement économique.

Éric Lafrance, 38 ans, Châteauguay : Fils de René Lafrance, dirigeant de l’entreprise Construction Khéops.

Michel Bergevin, 45 ans, Mercier : Dirigeant de l’entreprise Excavation Bergevin et Laberge.

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