Petites bêtes

Un sanctuaire pour les chimpanzés

Situé à seulement une vingtaine de minutes de Montréal, le sanctuaire de la fondation Fauna est une ferme de 80 hectares qui recueille de nombreux animaux provenant de l’élevage industriel, du domaine du spectacle et de la recherche biomédicale. Treize chimpanzés et quatre singes y ont trouvé refuge et peuvent maintenant recevoir les soins et l’affection dont ils ont besoin après avoir passé la majorité de leur vie dans les cages d’acier de laboratoires aseptisés. Gloria Grow, cofondatrice du sanctuaire, a répondu aux questions de La Presse.

Comment l’aventure a-t-elle débuté ?

Mon partenaire, Richard Allen, est vétérinaire et je travaillais avec des animaux. Nous avons acheté une ferme en 1990 et décidé d’en faire un refuge. À la suite d’une visite au Chimpanzee and Human Communication Institute (CHCI) à Ellensburg, dans l’État de Washington, nous avons entrepris en 1997 la construction d’un sanctuaire pour accueillir 15 chimpanzés ayant servi à la recherche en laboratoire. En 2007, on a aussi sauvé Toby du zoo de Saint-Félicien et trois autres chimpanzés à la fermeture du zoo de Québec.

Que dit la loi en matière de tests sur les chimpanzés dans les laboratoires ?

Les chimpanzés sont une espèce menacée. On ne devrait donc pas pouvoir les utiliser. Mais il y a des failles dans la loi qui permettent quand même de le faire. À l’origine, l’utilisation des chimpanzés en recherche était motivée par leur proximité génétique avec l’être humain. En effet, les chimpanzés sont génétiquement plus près des êtres humains qu’ils ne le sont des gorilles ou des orangs-outangs. Mais des recherches de l’Institute of Medecine aux États-Unis, en 2011, ont montré que les chimpanzés ne sont plus de bons modèles en recherche. C’est une bonne nouvelle ! Mais ça risque de prendre quelques années avant que les laboratoires arrêtent de les utiliser. Sans compter qu’avant d’en arriver au chimpanzé, les tests sont menés sur les rats, lapins, chiens, cochons et plusieurs singes ! On a d’ailleurs un grave problème au Canada en ce qui concerne la recherche sur les singes. Les seuls chimpanzés qu’il reste actuellement au Canada sont au Parc Safari.

Dans quel état les chimpanzés arrivent-ils au sanctuaire ?

Quand ils sortent des laboratoires, ils sont en mauvaise condition. C’est une vie terrible pour eux. Ils n’ont pas accès à l’extérieur (parfois pendant 30 ans), ne mangent aucun produit frais et ils souffrent des effets secondaires des recherches menées sur eux. Sans parler de la douleur et du stress, bien entendu. À leur arrivée au sanctuaire, ils souffrent de choc post-traumatique et d’une gamme très large de problèmes émotionnels. C’est un grand défi. Ils ont vécu seuls pendant tant d’années et n’ont jamais eu personne pour prendre soin d’eux. Ils s’automutilent, crient sans raison. Avec le temps, beaucoup arrivent à socialiser, mais certains problèmes perdurent. Il serait impossible de les renvoyer dans la nature en Afrique : ils n’ont jamais appris à vivre en communauté ou même à monter dans un arbre !

Quel est votre plus grand défi au sanctuaire à l’heure actuelle ?

Plus de 1000 chimpanzés attendent une place dans un des sept sanctuaires d’Amérique du Nord. Nous sommes les seuls au Canada, mais sans argent, on ne peut plus les accueillir et ils attendent dans les laboratoires. Il faut compter 25 000 $ par année par chimpanzé. De plus, nous avons 18 employés à temps plein et nous vivons exclusivement des dons. C’est assez ironique quand on pense que les laboratoires de recherche et les compagnies pharmaceutiques font des milliards. On voulait mettre sur pied un fond de retraite pour les animaux des laboratoires, mais ce n’est pas gagné ! Les personnes qui le désirent peuvent parrainer nos chimpanzés sur notre site web (http://www.faunafoundation.org).

Qu’est-ce que le public peut faire pour aider la cause ?

On sait que les universités canadiennes comme McGill utilisent des singes. Les gens pourraient commencer par leur demander combien ils en ont et quel est leur plan pour l’avenir de ces animaux. C’est une question simple et légitime puisqu’une partie de nos impôts finance les universités. Chaque action est une voix pour les animaux derrière les barreaux ! Les habitudes de consommation peuvent aussi changer la donne : il n’y aura pas d’animaux dans les laboratoires si on n’achète plus de produits testés sur les animaux !

Pour consulter la liste complète des sociétés ne pratiquant pas de tests sur les animaux : http://features.peta.org/cruelty-free-company-search/index.aspx

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