COVID-19

Un premier mort au Québec

La victime vivait dans une résidence pour personnes âgées et avait été en contact avec des gens qui revenaient de voyage. Malgré tout, le premier ministre François Legault s’est montré rassurant : « Les mesures qu’on a mises en place au cours des derniers jours, ça fonctionne. »

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« Il ne faut pas baisser la garde »

Le Québec compte une première victime de la COVID-19, une femme âgée de Lanaudière qui a été en contact avec une personne qui revenait de voyage. Mais François Legault dit malgré tout avoir bon espoir que les mesures mises en place « ralentissent la progression » de nouveaux cas. Nouveau bilan.

94 cas de coronavirus

En date de mercredi, 94 Québécois avaient été déclarés positifs à la COVID-19, une augmentation de 31 cas en une journée. Six personnes étaient hospitalisées, dont quatre aux soins intensifs. La première victime du coronavirus est une femme de Lanaudière, qui habitait dans un centre pour personnes âgées. Tous ceux qui ont été en contact avec elle sont joints par les autorités de santé publique. Lors du dernier point de presse du gouvernement, mercredi, 3600 personnes faisaient l’objet d’une investigation, alors que 5200 cas s’étaient révélés négatifs. D’ici vendredi, le Québec effectuera 5000 tests par jour.

« Il faut être prudents »

Le premier ministre du Québec, François Legault, se veut rassurant : « Les mesures qu’on a mises en place au cours des derniers jours, ça fonctionne », a-t-il dit mercredi. Mais si elles ralentissent la progression de la COVID-19, « il ne faut pas baisser la garde ». Le Québec est toutefois équipé pour répondre aux besoins d’urgence, a-t-il ajouté, alors que six personnes sont hospitalisées, mais qu’il y a 2300 lits disponibles. « Il y a toute une marge de manœuvre », a dit M. Legault mercredi. Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, a pour sa part prévenu les Québécois qu’ils ne devaient pas croire « qu’on a perdu la bataille » si le nombre de cas augmente au cours des prochains jours. « C’est le temps d’aller encore plus loin », a-t-il plaidé.

Vers des frontières étanches entre les provinces ?

François Legault s’est dit satisfait qu’Ottawa se soit entendu avec Washington afin de fermer les frontières aux voyages non essentiels entre le Canada et les États-Unis. Le nombre de cas de coronavirus est aussi inégal entre les provinces. Le premier ministre Legault ne prévoit toutefois pas « pour l’instant » qu’on empêche la circulation de Canadiens entre les provinces. « Ce n’est pas impossible qu’on le fasse éventuellement », a-t-il prévenu mercredi. « Concernant le chemin Roxham, a-t-il ajouté au sujet de ce passage où des migrants arrivent de façon irrégulière au pays des États-Unis, on ne peut pas laisser entrer [des gens] sans au moins les mettre en quarantaine », a-t-il dit. M. Legault a d’ailleurs discuté de l’enjeu mercredi avec le premier ministre fédéral Justin Trudeau.

Au secours des agriculteurs

Le gouvernement du Québec est inquiet pour les agriculteurs québécois qui comptent sur l’aide de travailleurs temporaires étrangers afin de les aider dans les récoltes. Le premier ministre Legault a discuté de cet enjeu avec les autorités fédérales, mercredi, qui lui auraient affirmé leur volonté de permettre « à tous les travailleurs temporaires étrangers qui ont déjà un emploi de prévu ici [de pouvoir] entrer » au pays. « Si on regarde tous les fruits puis les légumes, on importe beaucoup l’hiver, mais l’été, on produit ici, puis il y a quand même une grande partie de la production qui est faite par des travailleurs temporaires étrangers », a illustré François Legault, mercredi. « On est en train de faire une entente qui va marcher avec le gouvernement fédéral pour que ces travailleurs-là puissent venir faire le travail qu’ils font actuellement durant l’été », a-t-il ajouté.

Une question de santé mentale

Le Dr Horacio Arruda a rappelé l’importance de garder un équilibre sur le plan de la santé mentale, alors que la pandémie de la COVID-19 crée de l’anxiété au sein de la population. Pour sa part, la musique l’apaise, a-t-il révélé mercredi. Particulièrement la chanson La banane de Philippe Katerine, qui lui permet de passer au travers de ses longues journées. « Soyons créatifs, adoucissons cette période par toutes sortes d’initiatives : écouter de la musique, en profiter pour faire de la lecture », a-t-il conseillé. Sur une note plus sérieuse, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a affirmé que les services offerts dans les CLSC comprendraient également des consultations téléphoniques. « Prenez le téléphone, appelez. Appelez votre intervenant, appelez le CLSC, si vous avez besoin d’une intervention, de parler à quelqu’un », a-t-elle dit.

Ne portez pas de masque

Québec a demandé mercredi aux Québécois de ne pas utiliser des masques pour se protéger de la COVID-19, une mesure qui n’est pas efficace et qui risque « de causer une pénurie dans le réseau de la santé ». « Si vous voulez prévenir les infections, ce n’est pas en portant un masque autour de vous, en touchant à des objets, en jouant avec le masque, en le portant à vos yeux et à votre nez que vous allez vous protéger. Dans les faits, si vous voulez vous protéger, ce n’est pas le masque qui est important. Lavez-vous les mains », a dit Horacio Arruda. Dans un communiqué, le gouvernement du Québec a ajouté que « le masque doit être réservé aux soins afin d’éviter qu’un patient malade contamine les autres. L’usage de masques par la population à des fins de prévention risque de causer une pénurie dans le réseau de la santé ».

Approvisionnement médical

Le premier ministre assure avoir du matériel médical, notamment des écouvillons, en quantité suffisante pour faire face à la crise au cours des prochaines semaines. Reste que le gouvernement essaie « de prévoir d’avoir assez d’équipements pour le pic » de la pandémie qui pourrait survenir dans un ou deux mois, selon différents scénarios. « On n’exclut rien, même de commencer […] avec des chercheurs, puis des entreprises manufacturières, de faire nous-mêmes certains équipements. Ce n’est pas pour les prochaines semaines […], mais ça pourrait arriver », a indiqué M. Legault.

place accrue à la télémédecine

Si les hôpitaux resserrent leurs activités autour de la lutte contre la COVID-19, la ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, a exhorté les Québécois qui présenteraient d’autres problèmes de santé à s’adresser à leur clinique médicale habituelle, où plusieurs services de télémédecine sont désormais offerts. « Les médecins de famille peuvent intervenir par téléphone de façon très, très substantielle », a-t-elle assuré mercredi, exhortant même les Québécois qui n’ont pas de médecin de famille à appeler leur clinique locale. « Il y a des gens qui vont vous répondre », a-t-elle assuré.

Mesures de précaution pour les femmes enceintes

Les femmes enceintes qui travaillent dans le milieu de la santé sont visées par des mesures de protection pour les éloigner de la COVID-19, même si ces femmes ne sont pas « plus à risque de complications » parce qu’elles sont enceintes. « On ne prend aucune chance », a résumé mercredi Horacio Arruda. Québec s’assure ainsi qu’une femme enceinte, qu’elle soit médecin, infirmière, préposée aux bénéficiaires ou qu’elle s’occupe de nettoyer les chambres, ne va pas sur les lieux où des patients ayant eu le coronavirus ont transité. « Si quelqu’un décède du COVID-19, on ne veut pas qu’une thanatologue enceinte vienne manipuler un corps », a-t-il illustré pour démontrer tout le sérieux que les autorités de santé publique accordaient à cet enjeu.

Cesser d’utiliser l’argent comptant

François Legault n’a pas exclu mercredi de resserrer la fermeture de certains commerces, mais « c’est important que la société continue de fonctionner », a-t-il dit. Entre-temps, il a recommandé aux travailleurs qui accueillent le public de garder une certaine distance, idéalement 1 mètre. « Mais pour l’instant, on a besoin de vous », a-t-il dit. Horacio Arruda a pour sa part recommandé aux Québécois de cesser d’utiliser de l’argent comptant, « qui peut être contaminé », et de privilégier à l’avenir les cartes de débit ou de crédit.

Toujours des problèmes au 811

Des Québécois se plaignent depuis des jours d’attendre des heures avant de parler avec une infirmière lorsqu’ils appellent à la ligne d’info sur la COVID-19. François Legault a assuré mercredi que ce délai serait réduit, alors que le nombre d’infirmières passera de 400 à 450 sur la ligne 811. Dans tous les cas, a-t-il rappelé, les personnes qui ont des symptômes du coronavirus doivent d’abord appeler le 1 877 644-4545. « Les cas qui nécessitent de parler avec une infirmière vont être transférés au 811. »

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La victime « avait des facteurs de risque importants »

La première mort liée à la COVID-19 confirmée mercredi est survenue dans une résidence pour aînés de Lanaudière.

Ce type d’établissements héberge des clientèles particulièrement vulnérables en ces temps d’épidémie de COVID-19. En Colombie-Britannique, six morts liées à la COVID-19 jusqu’à maintenant concernent des résidants d’un foyer pour aînés de North Vancouver. À Seattle, 35 personnes âgées d’une même résidence sont mortes jusqu’à maintenant.

Le directeur national de santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda, a confirmé mercredi la mort d’une « personne d’un certain âge » de Lanaudière qui « aurait été en contact avec des gens qui auraient fait des voyages ». La victime « avait des facteurs de risque importants », a dit le Dr Arruda.

Ce dernier a expliqué que des enquêtes sont en cours dans la résidence, mais aussi auprès des contacts qu’elle aurait pu avoir, tant chez les résidants que chez les soignants.

Sur Twitter mercredi après-midi, la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, a offert ses condoléances à la famille et aux proches de la victime. « La résidence dans laquelle habitait la personne est actuellement en isolement. Nous devons continuer nos efforts collectifs », a écrit la ministre.

Responsabilité sociale

Judith Gagnon, présidente de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées (AQDR), a été troublée par ce premier décès confirmé au Québec chez une aînée. « Mais je n’ai pas été surprise. On nous dit depuis le début que les personnes de 70 ans et plus sont plus en danger », a-t-elle dit, tout en réitérant ses condoléances à la famille. Sans vouloir jeter le blâme sur quiconque, puisque le contact entre la victime et les voyageurs semble ici s’être produit avant l’ordre de quarantaine édicté par Québec, Mme Gagnon souhaite que la population en tire des leçons.

« Soyons conscients de l’impact de chacun de nos gestes. On a une responsabilité sociale de faire attention aux personnes qu’on aime. On a ici la preuve que ça peut arriver, un décès. »

— Judith Gagnon, présidente de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées

Yves Desjardins, président du Regroupement québécois des résidences privées pour aînés, n’a pas été surpris par ce premier décès d’une personne âgée. « L’inquiétude est là depuis le début », dit-il. Le Québec compte 1700 résidences privées pour aînés. Celles-ci travaillent actuellement avec le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) pour élaborer des protocoles afin de gérer chaque cas de résidants atteints de la COVID-19. « Il faut équiper les résidences pour savoir quoi faire avec les cas », soutient M. Desjardins, qui dit que les démarches avec Québec ont débuté bien avant ce premier décès.

M. Desjardins affirme que les résidences privées pour aînés sont bien au fait que leur clientèle est davantage exposée aux conséquences graves, voire fatales, de la COVID-19. Avant même que les mesures de confinement ne soient annoncées, M. Desjardins affirme que plusieurs résidences avaient déjà adopté des mesures pour protéger leur clientèle.

Il y a quatre jours, Québec a décidé d’interdire les visites dans les centres hébergeant des aînés. « On veut, comme disait Mme Blais, protéger ceux qu’on aime », a dit le Dr Arruda mercredi.

COVID-19

« Sans test, on est dans le noir ! »

Des patients présentant des symptômes de la COVID-19 attendent depuis des jours d’obtenir un rendez-vous dans une clinique de dépistage

Quand elle a fini par joindre l’infirmière au 811, après des heures d’attente, Christiane Savard s’est fait dire qu’elle devait subir un test de dépistage de la COVID-19. La femme de 66 ans remplissait tous les critères de la population à risque : elle avait voyagé, elle avait tous les symptômes de la maladie et son mari était tombé malade à son contact.

L’infirmière du 811 a pris ses coordonnées. Le rappel pour un rendez-vous dans une clinique de dépistage devait venir dans les 24 heures.

C’était il y a une semaine. Et Christiane Savard attend toujours.

Mme Savard est revenue de voyage à la fin de février. Elle s’était rendue à La Nouvelle-Orléans, en voyage d’affaires. « Après cinq, six jours, j’ai commencé à avoir des symptômes de grippe. J’avoue que je n’ai pas du tout pensé au coronavirus. »

Elle consulte son médecin, qui lui recommande fortement de contacter le 811. « Il m’a dit que j’étais en plein dans la période d’incubation. » Évidemment, il lui faut de nombreuses tentatives et des heures d’attente au téléphone pour avoir la ligne.

Le 12 mars, elle finit par être au bout du fil avec une infirmière. « Elle m’a confirmé que je répondais à tous les critères. Elle m’a dit : “Il faut vous faire tester. Quelqu’un va vous appeler, ce soir ou demain.” » Six jours plus tard, toujours rien. « Je ne sais même pas s’ils ont encore mon numéro ! Suis-je sur une liste d’attente ? Et si c’est le cas, je suis cinquième ou centième sur cette liste ? Aucune idée. »

Les impacts de cette attente dans le noir sont importants pour sa famille, qui vit à Montréal. Son fils, menuisier, effectuait des travaux dans un hôpital de la métropole. « Comme un bon citoyen, il a fait état de tout cela. On lui a dit qu’il ne pouvait pas revenir tant que sa mère n’avait pas été testée. Alors on est à la maison, tout le monde, à attendre. Et lui, il n’a pas de salaire ! Ce sont les économies qui y passent. » Mme Savard a aussi des parents âgés, qui comptent généralement sur elle pour les approvisionner. « Quelqu’un d’autre a dû prendre la relève ! »

Christiane Savard est loin d’être un cas unique. Au cours des derniers jours, nous avons récolté nombre de témoignages de patients qui n’en peuvent plus d’attendre un rendez-vous.

Brigitte Croteau est dans cette situation. Elle est revenue le 12 mars d’un voyage en Arizona. « Je suis tombée malade en voyage. J’ai fait de la fièvre, et j’en faisais encore à mon retour. » Elle a composé le 811.

« L’infirmière a déterminé que j’avais besoin d’un test. Les cliniques étaient pleines pour la journée. On m’a dit qu’on me rappellerait dans les 24 heures pour un rendez-vous. J’ai attendu. J’ai vraiment fait attention pour ne pas manquer d’appels. Cinq jours plus tard, toujours aucune réponse. »

Depuis ce temps, Mme Croteau est en isolement. Elle n’a aucun contact avec ses parents âgés et sa sœur asthmatique. « Je me demande si je vais pouvoir passer le test avant la fin de ma période d’isolement, se demande-t-elle. Mais disons que je finis par avoir des problèmes respiratoires, que j’aboutis à l’urgence, comment ils font pour savoir si j’ai le virus ou pas ? Comment ils vont protéger tout le monde ? Sans test, on est dans le noir ! »

Combien de personnes en attente ?

Depuis le début de la crise, le Québec a effectué 8934 tests de dépistage de la COVID-19. Là-dessus, 5213 se sont avérés négatifs. On sait que 3627 personnes sont « sous investigation », ce qui signifie qu’elles ont passé le test, mais attendent les résultats.

Mais combien de personnes attendent d’obtenir un rendez-vous dans des cliniques de dépistage qui affichent complet depuis des jours ? Réponse : on l’ignore.

« On n’a pas les données en temps réel du nombre de personnes en attente pour un rendez-vous », dit Marie-Claude Lacasse, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Elle nous assure qu’en général, les patients n’attendent que de 24 à 48 heures pour avoir un rendez-vous… sauf à Montréal, où les délais « sont plus longs », convient-elle.

Chose certaine, le Québec a augmenté de façon significative sa capacité de tester les patients. Jeudi dernier, aux premiers moments de la crise, on était en mesure de tester 600 patients par jour. Actuellement, on peut en tester 1000 par jour. Le premier ministre François Legault a promis hier, en conférence de presse que vendredi, cette capacité serait portée à 5000 tests par jour.

Depuis que les cliniques de dépistage sont ouvertes, elles ont accueilli plus de 2300 patients. D’ici la fin de la semaine, 30 nouvelles cliniques seront ouvertes à travers le Québec.

Stéphane P. a fait partie de ces milliers de patients qui ont passé le test de dépistage de la COVID-19. Il a passé le test jeudi dernier… et il attend toujours les résultats. « On m’avait dit que j’aurais les résultats dans un délai de 28 à 72 heures. Encore hier, on ne pouvait pas me dire quand les résultats seraient disponibles », s’indigne-t-il. « Je crois que la capacité d’effectuer des tests est encore insuffisante, et c’est le nerf de la guerre ! »

La capacité du Québec de tester des patients repose sur le nombre de thermocycleurs et d’extracteurs d’acide nucléiques, deux appareils qui permettent de détecter ou d’extraire le matériel génétique du virus. Actuellement, il y a 150 thermocycleurs dans le réseau de la santé et, au début de la semaine, une trentaine étaient utilisés pour détecter la présence du coronavirus.

« Par précaution, nous allons acquérir certains équipements supplémentaires pour assurer une redondance et augmenter à nouveau la capacité analytique tout en réduisant le besoin en ressources humaines grâce à une plus grande automatisation du test », précise le ministère de la Santé, en réponse à nos questions.

Car les directives de l’Organisation mondiale de la santé sont limpides : pour venir à bout de l’épidémie, il faut faire le plus de tests possible. « Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux fermés. Testez, testez, testez. Testez chaque cas suspect », a exhorté le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. L’organisation a d’ailleurs distribué 1,5 million de tests dans 120 pays au cours des dernières semaines.

— Avec la collaboration d’Ariane Lacoursière et de Daniel Renaud, La Presse

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