Bien placées pour profiter de la manne Biden

Le vaste plan de 1200 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures américaines que le président Joe Biden a réussi à faire adopter par le Sénat représente un fort nouveau potentiel d’affaires pour de nombreuses entreprises québécoises qui ont des divisions aux États-Unis. La manne Biden arrive aussi à point nommé pour la firme de commerce électronique mdf commerce, qui vient de conclure une acquisition stratégique dans le domaine de la gestion des appels d’offres gouvernementaux américains.

La société mdf commerce (anciennement Mediagrif) offre des solutions de commerce électronique à un large éventail d’entreprises et elle était déjà bien implantée aux États-Unis.

En concluant mercredi une importante transaction avec la firme américaine Periscope, elle est devenue un chef de file dans les services d’approvisionnement en ligne pour les agences gouvernementales et les États américains.

« Periscope fait affaire avec 6 États et 2500 agences gouvernementales, comme l’Agence de protection de l’environnement, auxquels elle offre une plateforme d’approvisionnement de bout en bout, c’est-à-dire qu’elle gère de façon numérique tout le processus des appels d’offres jusqu’à la gestion des paiements », m’explique Luc Filiatreault, PDG de mdf commerce.

Avec les activités existantes de mdf commerce aux États-Unis, le nouveau groupe va réaliser de façon numérique les appels d’offres de 8 États, de 6000 agences gouvernementales présentes dans 50 États et servir plus de 500 000 fournisseurs de tous les secteurs d’activité.

« Avec le plan d’infrastructures qui vient d’être adopté par le Sénat, ce sont des milliers de soumissions publiques qui vont transiter par nos plateformes et que nous allons gérer du début à la fin. Que ce soit pour les transports, l’environnement, le réseau routier, la construction d’écoles, nos technologies vont être utilisées. »

— Luc Filiatreault, PDG de mdf commerce

« On devient vraiment le leader dans les services d’approvisionnement publics et on va utiliser la plateforme de paiement de Periscope avec nos propres clients gouvernementaux tant aux États-Unis qu’au Canada. On fait l’acquisition d’un réseau et d’une technologie, c’est doublement intéressant », jubile Luc Filiatreault.

L’entreprise établie à Longueuil, qui réalise un chiffre d’affaires de 85 millions, va débourser 207 millions US pour réaliser cette acquisition, ce qui représente six fois les revenus annuels de Periscope, qui était jusque-là un concurrent.

C’est une firme d’investissement privée, Parthenon Capital, qui était propriétaire de Periscope. Le fondateur et les membres de la haute direction entendent poursuivre leur association avec l’entreprise qui compte une centaine d’employés à Austin, au Texas, et à Salt Lake City, en Utah.

Attentes généralisées

Le plan d’investissements en infrastructures du président Biden se déploiera évidemment à l’aune des normes très strictes du Buy American Act, c’est-à-dire que les entreprises qui vont être retenues pour l’exécution de travaux publics devront livrer des produits et des services fabriqués aux États-Unis.

Les entreprises québécoises qui ont des activités de fabrication ou de services aux États-Unis sont, on s’en doute, en état d’alerte.

« C’est évident qu’on est en plein dans la ligne de mire du plan d’infrastructures de Joe Biden. On est le plus gros acteur canadien dans le secteur aux États-Unis et on est dans le top 3 des firmes américaines de génie dans le domaine des infrastructures », me confirme Alexandre L’Heureux, PDG de WSP.

La firme de génie, qui a dévoilé mercredi ses résultats financiers du dernier trimestre, affiche déjà un très bon taux de réussite dans ses plus récentes soumissions et souhaite poursuivre dans la même veine.

« Je ne peux pas prédire combien le plan d’infrastructures va générer en revenus additionnels, mais on va être présents, c’est certain », dit le PDG de la firme qui est, incidemment, inscrite à la plateforme américaine de mdf commerce.

Marcel Dutil, président du conseil de Canam, fabricant de structures d’acier, n’anticipe rien de moins que 10 bonnes années d’ouvrage pour son usine de Claremont, au New Hampshire, qui est spécialisée en structures de ponts.

« Cette usine peut servir tout le Nord-Est américain, de Washington à Boston. On est déjà bien occupés avec les compagnies de chemins de fer, mais là, on va avoir de l’ouvrage additionnel parce qu’il y a beaucoup de ponts routiers à construire ou à refaire », constate le vétéran de l’acier.

J’obtiens le même son de cloche du Groupe ADF, qui fabrique des structures d’acier complexes à ses usines de Terrebonne et de Great Falls, au Montana.

« On s’attend à avoir beaucoup de travail à notre usine américaine, et pas seulement pour réaliser des travaux du plan d’infrastructures, mais aussi pour des chantiers qui vont lever tout autour des projets gouvernementaux.

« On pense même que notre usine de Terrebonne pourrait être mise à contribution comme on l’a fait pour le World Trade Center. Malgré le Buy American, on fait appel à nous quand on est les seuls à pouvoir faire le travail », observe Jean-François Boursier, chef de la direction financière du Groupe ADF.

Ce ne sont pas seulement les entreprises québécoises ayant des activités enracinées aux États-Unis qui vont profiter du plan américain d’investissements en infrastructures ; certains fournisseurs vont aussi bénéficier de retombées potentielles, comme nos producteurs de bois d’œuvre ou d’aluminium. L’avenir nous le démontrera bien vite.

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