Église catholique

La montée des diacres permanents

Ils sont parfois mariés et célèbrent de plus en plus de baptêmes, de mariages et de funérailles, revêtus d’une grande aube blanche, dans les églises catholiques. Les diacres permanents sont apparus il y a à peine 40 ans, mais représentent déjà 20 % du personnel ordonné des diocèses, car le nombre de candidats au diaconat se maintient, alors que les séminaires se vident. Et cette proportion ne cesse d’augmenter.

« Nous sommes le ministère du seuil », explique Francis Gagnon, diacre permanent dans le diocèse de Nicolet. « Nous avons un pied dans le monde, un pied dans la communauté. »

Les diacres permanents peuvent accomplir la plupart des rites associés à l’Église dans l’imaginaire populaire, notamment les baptêmes et les mariages, et célébrer l’eucharistie si les hosties sont déjà consacrées par le prêtre. En revanche, ils ne peuvent consacrer les hosties ni entendre de confessions pour le sacrement de la réconciliation ou des malades. Ils sont ordonnés par un sacrement, comme les prêtres, et peuvent être mariés.

Leur importance est telle que leur rôle doit maintenant être mieux cerné. À Québec, par exemple, le diocèse vient de décider de ne plus célébrer d'eucharistie sans prêtre, avec simple distribution par un diacre, pour ne pas dévaloriser l’eucharistie.

« Chaque diocèse a fait un peu de réflexion sur le diaconat depuis quelques années. Notre nouvel évêque, par exemple, est plus ouvert que son prédécesseur à la participation
des diacres à toutes les sphères. »

— Francis Gagnon, diacre permanent dans le diocèse de Nicolet

« Avant, l’évêque voulait avoir plutôt des gens de terrain, pas confier des mandats en paroisse. Moi, je travaille dans un cégep, un de mes copains diacres travaille en mission en prison à Drummondville. Mais c’est sûr que dans le cas de démissions de prêtres, le diacre fait des mariages, des baptêmes, des célébrations eucharistiques sans consécration de l’hostie », dit M. Gagnon.

Le diaconat permanent, réinstauré par le concile
Vatican II, était au départ centré sur le service aux pauvres, rappelle Richard Saint-Louis, diacre et responsable du diaconat permanent au diocèse de Montréal. « Mais après 25 ans, on a mis un moratoire sur le diaconat, dit M. Saint-Louis. On a réexaminé la mission pour faire l’équilibre entre la charité, la parole et la liturgie. »

Le diaconat est moins présent en régions éloignées, faute de formation, selon André Boileau, responsable de la formation des diacres au diocèse de Québec. « Nous venons par exemple de commencer à offrir de la formation de diacres au diocèse de Gaspé », dit M. Boileau. Un diacre peut-il par exemple administrer un baptême dans un village si un prêtre qui s’occupe de plusieurs paroisses doit en donner un autre ailleurs ? « Oui, certainement », dit M. Boileau.

La décision de ne pas faire de communion durant une messe par un diacre sans prêtre ne diminue-t-elle pas le nombre de paroisses où l’eucharistie est célébrée tous les dimanches ? « Si on regarde un peu le principe sous-jacent, on peut aussi communier par la parole, on n’a pas besoin d’eucharistie », dit M. Boileau.

À Montréal, le nombre de candidats en formation pour le diaconat est similaire à celui des prêtres, même si actuellement il y a quatre fois plus de prêtres actifs. « On fait des rencontres avec les gens que cela intéresse chaque année, une fois en français et une fois en anglais, dit M. Saint-Louis. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce n’est pas vraiment important que les candidats veuillent être prêtres ou bien diacres. On vit en fonction de ce que le Seigneur nous donne. » La formation des diacres est presque aussi longue que celle des prêtres, soit de cinq à sept ans.

Si le diacre est célibataire, il doit prononcer un vœu de chasteté, comme les prêtres. M. Saint-Louis, par exemple, est veuf et est lié par le vœu de chasteté. Mais il est devenu diacre alors qu’il était marié, comme la plupart des candidats. « En général, on demande au moins dix ans de vie conjugale, pour que les époux soient passés à travers un certain nombre de crises. Ça nous permet de voir, au niveau du discernement vocationnel, que le couple est suffisamment solide, surtout de la part de madame, qui, elle, ne sera pas ordonnée. Il y a aussi des problèmes courants, par exemple quelqu’un qui était marié, a divorcé, puis s’est remarié civilement avant de voir son premier mariage religieux déclaré nul. »

Et les couples qui ont eu des enfants avant de se marier ? « Les enfants, c’est une richesse », dit M. Saint-Louis.

LES DIACONESSES

Plusieurs pensent que si les diacres pouvaient être des diaconesses, cela pourrait faire baisser les demandes d’accession à la prêtrise des femmes. Une réflexion en ce sens parcourt les corridors du Vatican depuis une dizaine d’années. Le pape François a ravivé les espoirs en déclarant en janvier que les femmes doivent occuper une place accrue dans l’Église, notamment dans des rôles de pouvoir. Les trois diacres interviewés par La Presse pensent que l’introduction des diaconesses ne se fera pas rapidement. Richard Saint-Louis avance même qu’il n’y a pas vraiment de différence entre le concept de diaconesse et l’accès pour les femmes à la prêtrise. La Presse a aussi demandé son avis à l’abbé Raymond Gravel, du diocèse de Joliette, qui est connu pour ses positions contestataires. « Les diacres ne peuvent pas se marier après leur ordination, et juste ça, c’est discriminatoire », dit le père Gravel, qui combat un cancer du poumon. « Mais depuis
que je suis malade, je m’intéresse moins à ces questions-là.
Je ne veux pas perdre mon temps avec ça. Pour moi, c’est réglé depuis longtemps, il devrait y avoir des prêtres femmes et
des prêtres mariés. Ça me passe dix pieds au-dessus de la tête.
Je suis tanné d’en parler. C’est comme le référendum, même si je suis souverainiste. Et je pense que les journalistes qui posent à François des questions là-dessus ne l’aident pas. Il doit tenir compte de la lenteur de l’Église en matière de réformes. »

TRANSMISSION NÉGATIVE

En Occident, souvent, et très certainement au Québec,
la transmission se fait de manière négative, avancent plusieurs théologiens : c’est la haine ou à tout le moins le ridicule
des croyances chrétiennes qui se transmettent de génération en génération. « On parle beaucoup de ça entre nous », explique le recteur de la faculté de théologie de l’Université Laval, Gilles Routhier. « On pensait que ce ressentiment cesserait, avec le temps. Mais il se maintient. C’est un mystère. » Raymond Gravel, le prêtre bien connu pour
ses critiques de l’Église, est tout aussi choqué par cette transmission négative de la foi. « Ça fait au moins 30 ans que l’Église n’est plus menaçante, dit le père Gravel. Les jeunes n’ont certainement pas été traumatisés par les curés. S’ils ont un problème avec l’Église catholique, ça leur vient de leurs parents. En limitant l’influence de l’Église sur le Québec, on
a jeté le bébé avec l’eau du bain. L’autre fois, j’entendais Julie Snyder dire qu’elle ne voulait pas que des sœurs à cornette s’occupent d’enfants dans les écoles. Où peut-elle bien prendre ça ! Ça fait 50 ans que les sœurs n’ont plus de cornette. »

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