COVID-19

Un deuxième test positif en cinq mois pour une Québécoise

Réinfection ou maladie prolongée ? Le mystère plane

Andrée-Anne Chouinard a eu tout un choc, au début du mois d’octobre, alors qu’elle a reçu un test positif à la COVID-19. Cinq mois plus tôt, elle avait pourtant déjà contracté le virus.

« J’étais surprise, parce que j’ai vu dans les médias qu’il y a seulement cinq cas de réinfection dans le monde, alors je me suis dit que c’est vraiment rare », indique Mme Chouinard. Quelque 23 cas ont été documentés et médiatisés à ce jour. Toutefois, les chercheurs indiquent que les réinfections sont probablement plus répandues que l’on croit.

« On ne sait pas à quelle fréquence arrivent les réinfections, mais pratiquement aucun spécialiste ne pense qu’il y a seulement cinq personnes dans le monde qui ont été réinfectées », affirme Gaston De Serres, médecin épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Au printemps dernier, Andrée-Anne Chouinard, neuropsychologue, est réaffectée dans un CHSLD. Au début du mois de mai, elle reçoit un test positif à la COVID-19. « J’avais des maux de gorge, une grosse fatigue et des maux de tête », se remémore- t-elle. Avant de retourner au travail, 14 jours plus tard, elle fait deux tests, tous les deux négatifs.

Début octobre, l’histoire se répète. Son garçon contracte la COVID-19. Les symptômes qu’elle présentait au printemps dernier sont de retour, mais avec une moins grande intensité.

« Je suis retournée me faire tester et j’étais de nouveau positive. »

— Andrée-Anne Chouinard

Elle a appelé la Santé publique afin de savoir si elle devait mentionner à quelqu’un qu’elle en était à sa deuxième infection. À sa grande surprise, l’homme lui a répondu : « Non, on n’est pas pressé que ça sorte dans les statistiques. »

Réinfection ou maladie prolongée ?

Selon Nathalie Grandvaux, professeure au département de biochimie et médecine moléculaire de l’Université de Montréal et présidente de la Société canadienne pour la virologie, plusieurs patients sont déclarés positifs des semaines, voire des mois après leur infection : on parle alors de persistance des symptômes ou de maladie prolongée.

Ainsi, de nombreux Québécois ont reçu un résultat positif au SARS-CoV-2 après avoir obtenu un premier diagnostic négatif. Ces patients, d’abord considérés comme guéris, étaient toujours porteurs du virus. Ces faux négatifs peuvent en partie s’expliquer par une charge virale trop faible dans l’organisme ou par un mauvais prélèvement.

Afin de distinguer la réinfection de la maladie prolongée, il est nécessaire de suivre un protocole rigoureux. Selon le DDe Serres, la démonstration qu’un individu a été réinfecté est une preuve compliquée à faire. Il faut d’abord que l’analyse génétique des virus démontre qu’ils sont suffisamment différents.

« On doit avoir la capacité de faire un séquençage génétique des virus, donc avoir conservé le premier et le deuxième virus pour les comparer », explique Gaston De Serres. Il faut aussi une histoire épidémiologique compatible avec une réinfection. Les chercheurs doivent ensuite écrire l’article scientifique et le soumettre.

« C’est un long processus et c’est pour cette raison qu’il y a seulement quelques cas recensés. »

— Gaston De Serres, médecin épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec

Selon des expériences conduites lors d’infection à d’autres coronavirus, tels que le rhume, les chercheurs pourraient s’attendre à ce que les symptômes soient moins graves lors de la deuxième infection grâce aux défenses immunitaires déjà déployées par l’organisme. Pourtant, ce n’est pas ce que démontrent les quelques cas documentés de réinfection.

Des craintes ont été soulevées lorsqu’un homme de 25 ans, au Nevada, a eu une deuxième infection au SARS-CoV-2 plus grave que la première. Le médecin Gaston de Serres estime qu’il est toutefois trop tôt pour tirer des conclusions. « On espère que les réinfections seront moins sévères, mais, à ce moment-ci, on est incapable de dire ça », mentionne-t-il.

Comprendre l’immunité

Une nouvelle étude québécoise, chapeautée par la Dre Caroline Quach, a pour but d’estimer le risque de réinfection par le SRAS-CoV-2 chez 735 travailleurs de la santé qui ont déjà été infectés par le virus. Ces travaux ont pour objet d’étudier la réponse immunitaire naturelle et les risques de réinfections asymptomatiques et symptomatiques à la COVID-19 sur une période d’un an.

« Ça va vraiment nous permettre de mieux comprendre les risques de réinfection. Évidemment, l’étude commence, donc ça va prendre un certain temps avant d’avoir de nouvelles informations », précise le DDe Serres.

Dans le cas du développement d’un nouveau vaccin, les chercheurs doivent s’assurer que l’immunité qui sera développée sera prolongée, contrairement à l’immunité naturelle qui semble être de courte durée.

« Les informations que l’on va obtenir concernant la réinfection vont avoir des impacts sur la façon dont on va développer les vaccins. »

— Gaston De Serres, médecin épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec

Nathalie Grandvaux mentionne que la documentation des cas de réinfection est essentielle pour mieux comprendre l’immunité. « Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les cas de réinfection sont très anecdotiques et donc très certainement peu indicatifs de ce qui passe dans la population en général », renchérit-elle.

Ainsi, il est fort probable que de nombreux individus aient subi une réinfection au virus sans confirmation formelle par les scientifiques. En attente d’un vaccin qui surpassera la réponse immunitaire générée naturellement, il est primordial de rester prudent, qu’on ait déjà contracté le virus ou pas.

Quelques cas de réinfection documentés dans le monde

24 août

Un homme de 33 ans, à Hong Kong, a été réinfecté 123 jours après sa première infection. Il présentait peu de symptômes lors de sa première infection et il n’en avait aucun lors de sa deuxième.

28 août

Un homme de 25 ans, aux États-Unis, a été réinfecté après 31 jours. Il présentait peu de symptômes lors de sa première infection et de sérieux symptômes lors de sa deuxième.

30 septembre

Une femme de 30 ans, en Belgique, a été réinfectée 143 jours plus tard. Elle a eu des symptômes de même ampleur lors de ses deux infections.

12 octobre

Une femme de 89 ans, aux Pays-Bas, a eu des symptômes modérés lors de sa première infection. Elle est décédée lors de sa seconde infection, deux mois plus tard.

Source : BNO News

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.