Le divorce entre l’UQAM et le Québec

Une lourde tendance s’est confirmée la semaine dernière sans que cela soulève trop de vagues. Alors que l’année dernière le Bureau de coopération interuniversitaire rapportait une baisse des inscriptions de 8 % à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), cette année on parle d’une baisse de 4,6 %. Cette tendance s’observe depuis maintenant près d’une décennie.

Ces statistiques sont en soi inquiétantes, mais elles le sont d’autant plus lorsqu’on sait que les inscriptions à l’Université Concordia suivent la courbe inverse. Cela fait d’ailleurs quelques années que l’UQAM est déclassée par Concordia sur le plan des inscriptions.

L’UQAM tente de tempérer les inquiétudes en expliquant qu’en raison de la pénurie de main-d’œuvre, beaucoup d’étudiants préfèrent travailler maintenant plutôt que d’entreprendre un long parcours d’études universitaires. C’est sans doute en partie vrai, mais c’est un peu court.

Les administrateurs de l’UQAM ne peuvent probablement pas le dire ainsi, mais il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas voir dans cette baisse des inscriptions un symptôme de l’anglicisation de la grande région métropolitaine.

Il faut aussi prendre la pleine mesure de ce que représente cette désaffectation de l’UQAM, car cette université a un statut bien particulier dans le paysage québécois.

L’UQAM est la seule université française au centre-ville de Montréal, elle est reconnue pour ses programmes de communication, d’arts et de sciences humaines et elle est en ce sens une institution fondamentale au développement de la culture d’ici.

Aussi, et ce n’est pas rien, l’UQAM représente symboliquement tout le réseau de l’Université du Québec (UQ) qui est l’un des legs les plus importants de la Révolution tranquille.

Avant la création du réseau de l’Université du Québec, il y avait seulement trois universités de langue française. Les leaders politiques de l’époque cherchaient avec ce réseau à éduquer les francophones qui avaient un important retard sur les anglophones. Dans les années 1960, seulement 4 % des francophones fréquentaient l’université, alors que c’était 11 % chez les anglophones.

L’aspiration globale derrière ce réseau était donc qu’un Québec français, c’est un Québec où l’on peut étudier et créer en français pour éventuellement avoir un rôle à jouer dans sa société. L’UQAM, c’est l’université de l’époque où le Québec s’est finalement décidé à prendre son destin en main.

Il n’est donc pas exagéré de dire que l’UQAM est l’université de la démocratisation de l’éducation.

On exprime souvent cette idée en disant que l’UQAM est « l’université du peuple ». Ce cliché était vrai, et il n’y avait là rien de méprisant, au contraire.

Qu’en est-il aujourd’hui de cette mission historique ? Les associations étudiantes offrent une triste réponse.

Par exemple, au mois de mars 2022, l’Association étudiante des études avancées en sociologie de l’UQAM votait à majorité pour une proposition qui « s’oppose à l’imposition de la loi 101 au collégial ».

Les chiffres sont sans équivoque, le cégep anglais mène la plupart du temps à l’université anglaise. Des associations étudiantes comme celle-ci militent donc activement pour l’anglicisation du réseau universitaire québécois. C’est McGill et Concordia qui doivent s’en réjouir.

Manifestement, ces associations étudiantes font peu de cas de la baisse des inscriptions dans leur établissement. Comprennent-elles que moins il y aura d’étudiants à l’UQAM, plus le budget sera limité, moins l’offre de cours sera intéressante et donc moins il sera tentant d’aller étudier dans cette université ? On ne peut pas dire que ces associations ont le sens de leurs intérêts.

Somme toute, l’UQAM semble aujourd’hui en processus de divorce avec les Québécois. S’il est vrai que les Québécois se détournent de l’UQAM comme le démontre la baisse des inscriptions, il semble tout aussi vrai que l’UQAM se détourne des Québécois. Et c’est une mauvaise nouvelle pour tout le monde.

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