Opinion : Montée de l’antisémitisme

Où est la réaction ?

Il y a maintenant 16 ans, je devenais juif.

Pendant le processus (rigoureux) de conversion, une des questions auxquelles un prosélyte potentiel doit répondre est : ne savez-vous pas que le peuple d’Israël est actuellement persécuté et opprimé, méprisé, harcelé et vaincu par des afflictions ?

Sans être ni naïf ni ignorant de l’existence de l’antisémitisme, jamais je ne me serais attendu à voir et vivre autant de haine du Juif ici, chez nous, quelques années après mon adhésion au peuple juif.

Dans mes 16 ans de vie juive, le niveau d’antisémitisme n’a jamais été aussi élevé.

Des manifestations anti-Israël violentes

Le petit groupe de personnes déclarant pacifiquement et tranquillement leur solidarité avec Israël au square Dorchester à Montréal, le dimanche 16 mai dernier, a été attaqué à coups de roches et de bouteilles. Des personnes facilement identifiées comme juives ont été poursuivies dans les rues de notre métropole !

La veille, des vitres de l’édifice abritant le consulat général d’Israël à Montréal avaient été cassées lors de la manifestation « propalestinienne ».

L’arrondissement de Montréal-Nord a dû démettre de ses fonctions le président de son conseil jeunesse, Zakaria Zaki Rouaghi, après que ce dernier eut tenu des « propos haineux » et des commentaires à « caractère raciste » visant la communauté juive.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) prend les choses très au sérieux. La fréquence des patrouilles a été augmentée dans les quartiers avec forte population juive tels que Côte-Saint-Luc, Côte-des-Neiges et Outremont.

Le maire de Côte-Saint-Luc, Mitchell Brownstein, a utilisé un système d'appels automatiques pour calmer ses citoyens inquiets, après notamment que deux hommes eurent circulé en voiture dans la municipalité pendant la fête juive de Chavouot, hurlant des insultes antisémites aux citoyens juifs. Ils ont été arrêtés.

Lors de la manifestation anti-Israël du vendredi 21 mai à Montréal, des manifestants se sont présentés armés !

Dans les rues de Montréal ! Les policiers ont saisi une hache, des couteaux et du gaz poivre. De plus, des arrestations ont été faites pour méfaits, entraves et agressions armées. Selon un journaliste sur place, des bouteilles contenant un liquide, s’apparentant à des cocktails Molotov, auraient été saisies.

Pourtant peu porté par nature à l’exagération, le SPVM est allé jusqu’à affirmer qu’il constatait une « vague de haine envers la communauté juive dans la métropole ».

Réseaux sociaux toxiques

Cela est sans parler de ce qui circule sur les réseaux sociaux.

Menaces de viol. Menaces d’agressions. Menaces de meurtre. Glorification d’Adolf Hitler. Plusieurs membres de la communauté juive ont été la cible de ce genre de messages.

Un quidam est même allé jusqu’à… menacer l’Hôpital général juif de Montréal, et ce, pendant la COVID-19.

Imaginez votre jeune adolescente recevant de tels messages de personnes vivant visiblement à Montréal.

Quasi-absence de dénonciation

Cette situation a amené les premiers ministres Trudeau et Legault à condamner par tweet le phénomène. Et le 26 mai, prenant soudainement compte de l’ampleur du problème, l’Assemblée nationale a unanimement adopté une motion condamnant l’antisémitisme.

Mais où est la vague de condamnation de cette haine ?

Pendant des années, nous avons construit des ponts avec d’autres communautés. Nous les avons défendues et soutenues dans leurs moments difficiles. Aujourd’hui, alors que notre communauté fait face à une période difficile et que la menace de l’antisémitisme est si grande, trop sont demeurées muettes. Cela fait mal.

Les Québécois ont réagi fortement, avec raison, au racisme anti-Noirs finalement mis à jour dans la foulée de la mort de George Floyd aux États-Unis et au racisme anti-autochtone dévoilé par le tragique décès de Joyce Echaquan.

Pourtant, c’est presque le silence radio sur la haine des Juifs.

On peut avoir des opinions tranchées sur le conflit entre le Hamas et l’État d’Israël. On peut vouloir manifester pour s’exprimer. On peut vouloir en discuter – je suis personnellement prêt à en débattre n’importe où, n’importe quand, avec pratiquement n’importe qui pour remettre les pendules à l’heure.

Mais cela ne donne pas le droit d’insulter, de menacer ou d’agresser les gens qui, pour d’excellentes et valides raisons, continuent de vouloir vivre pleinement comme Juifs – y compris exprimer leur appui à l’État hébreu – ici, chez nous.

*L’auteur a été député fédéral de 1997 à 2006.

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