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L’inspecteur Panneton se remémore un détail important d’une photo aperçue chez Tania, l’ex-maîtresse d’Antoine Meursault : un bateau portant l’inscription « le Chevalier », surmontée d’un pictogramme alambiqué. C’est alors que le journaliste Vincent de Léon se manifeste...

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Le journaliste Vincent de Léon a fait des révélations à Roger Panneton. Des révélations qui concernent le premier ministre… et un yacht de luxe.

Un homme détestable Notre polar estival

Chapitre 16 : Au nom de l’honneur

Battaglia revint une semaine plus tard. C’était en début de soirée. Il n’entra pas dans le café, se contentant de faire un discret signe de la main à Nick depuis la porte d’entrée. Nick déposa son torchon et alla chuchoter quelques mots à Angelo. Le vieux devrait serrer les dents pour endurer les douleurs de la goutte. Il allait reprendre du service jusqu’à la fermeture. On ne discutait pas les ordres du Parrain.

Battaglia lui donna l’accolade. Puis, les deux hommes s’engouffrèrent dans l’imposant VUS de luxe conduit par un chauffeur. Nick avait lu dans les journaux que le Parrain avait récemment fait blinder son véhicule pour parer au pire.

Battaglia garda d’abord le silence. C’était un homme de peu de mots. Puis, il s’adressa à Nick, tout en continuant de regarder droit devant lui.

– Nick, j’ai un travail à te confier. Un travail important. Es-tu prêt ?

– Oui, Don Battaglia.

– Je te parlerai de la cible plus tard. Mais pour l’instant, sache que nous allons rencontrer quelqu’un de très important. Je vais lui parler d’abord. Et ensuite, nous te ferons entrer. Tu devras lui montrer le plus grand respect.

– Très bien, Don Battaglia.

Le reste du trajet se déroula en silence.

Le VUS noir traversa le boulevard René-Lévesque et tourna à droite dans une ruelle. Le véhicule déboucha dans la cour arrière de l’archevêché de Montréal. Le chauffeur se gara à côté d’une porte discrète, qui avait tout l’air d’une entrée de service, se dit Nick.

Le Parrain sonna. Quatre petits coups brefs. Une religieuse vint leur ouvrir.

Buonasera, Don Battaglia.

Le Parrain répondit d’un signe de tête.

La religieuse les conduisit dans un dédale de couloirs. Ils ne croisèrent personne. Après avoir gravi les marches d’un imposant escalier en chêne, elle frappa à une porte.

 –Avanti, dit une voix rauque à l’intérieur.

La religieuse fit signe à Nick de prendre place dans les fauteuils d’un petit salon attenant.

Le Parrain, lui, s’avança dans la pièce.

Il s’agenouilla pour baiser l’anneau de l’homme qui se trouvait devant lui.

Monsignore.

Don Battaglia.

Le cardinal Giuseppe Bianchi fit signe à Battaglia de s’asseoir. Les deux hommes prirent place dans deux des quatre fauteuils écarlates qui se trouvaient dans la pièce.

Battaglia examina le visage du cardinal. Il avait beaucoup vieilli. Ses cheveux étaient devenus uniformément blancs, sa peau parcheminée était parcourue de rides profondes. Mais ses petits yeux noirs enfoncés dans leurs orbites n’avaient rien perdu de leur vivacité.

Bianchi était le nonce apostolique du Canada. À force de manigances, il avait ravi ce titre à son prédécesseur, un érudit pieux et efficace, mais naïf. Bianchi, lui, était un intrigant. Italien de naissance, il était devenu au fil des ans spécialiste des couloirs du Vatican, surtout dans leurs détours les plus sombres. Là où se négociait réellement l’avenir de l’Église.

Il avait tiré des dizaines de ficelles pour en arriver à ce poste de pouvoir. Ambassadeur du pape au Canada. Conséquence directe de cette nomination, il avait des entretiens réguliers avec le Saint-Père. C’est ce qu’il cherchait depuis des années : avoir l’oreille du pape. Son prédécesseur, un théologien spécialiste de la transsubstantiation, enseignait désormais à l’université pontificale, à Rome. Il s’y plaisait, disait-on.

Bianchi servit du cognac dans deux verres ballons. Les deux hommes firent lentement tourner le liquide ambré dans leurs verres en se regardant. Puis, Battaglia rompit le silence.

– Meursault est devenu un problème. Pour nous. Et aussi pour vous, monsignore. Il a bafoué les lois de l’honneur. Et aussi, de la morale chrétienne.

Bianchi ne dit rien. Mais une lueur s’alluma dans ses yeux noirs.

– J’aimerais vous présenter quelqu’un qui pourrait... régler notre problème. Nous aimerions avoir votre bénédiction.

Bianchi fit un léger signe de tête. La porte du salon s’ouvrit et Nick fit son entrée. Il s’agenouilla aux pieds du cardinal.

Mio figlio, tu auras une tâche douloureuse à accomplir. L’homme dont va te parler Don Battaglia... il est mauvais. Il a vu ce qu’il ne devait pas voir. Il a touché ce qu’il ne devait pas toucher. Et il a dit ce qu’il ne devait pas dire. Je te bénis, au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

– Et pour l’enquête qui suivra, Votre Éminence ? dit le Parrain, qui sirotait toujours son cognac.

– Je m’en charge.

Giuseppe Bianchi, au service d’une institution millénaire, mais néanmoins homme de son époque, attrapa un cellulaire sur une petite table exquisement ouvragée.

Il pianota rapidement le numéro.

– Ici le cardinal Giuseppe Bianchi. J’aimerais parler au commandant Jules Lessard.

Demain

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