Étude du RJCCQ

De jeunes pousses québécoises malmenées

Les deux tiers des jeunes pousses québécoises mourront avant d’atteindre cinq ans d’existence, soit deux fois plus que dans le reste du Canada. Majoritairement confrontées à des difficultés de financement, peu présentes à l’international, elles ont un urgent besoin d’un coup de pouce gouvernemental, conclut une étude inédite du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ) qui sera publiée ce jeudi.

Cette étude a été menée l’automne dernier auprès de 28 start-up québécoises qui se trouvent dans ce qu’on considère comme « la vallée de la mort », la période comprise entre deux ans et cinq ans après la fondation. Alors que 75,4 % des nouvelles entreprises au Québec survivent à leur première année, elles ne sont que 35 % après cinq ans, contre 67,9 % dans le reste du Canada.

Plus de la moitié des jeunes entreprises québécoises, soit 53,8 %, ont admis avoir des difficultés à se financer. À peine 30,8 % réalisent des ventes à l’international. Et elles comptent beaucoup plus sur leurs propres moyens, soit leurs ventes comme source principale de revenus dans 53,8 % des cas, que sur les subventions (15,4 %) ou les prêts bancaires (11,5 %).

« Cocktail effroyable »

Le temps n’est pas au beau fixe pour les jeunes pousses québécoises, estime Pierre Graff, PDG du RJCCQ. « Je n’ai jamais constaté autant d’inquiétudes dans mes échanges avec les entrepreneurs. Leurs perspectives se sont complètement effondrées. » Il note que « pour la première fois », selon un sondage de Réseau Mentorat dévoilé en mars 2022, les intentions de se lancer en affaires sont à leur creux historique, à 15 %, alors que les sondages donnaient habituellement le double.

« On a un cocktail effroyable de taux d’intérêt très élevés, des enjeux de chaînes d’approvisionnement, une inflation persistante et une pénurie [de main d’oeuvre] qui crée une hausse des salaires. »

– Pierre Graff, PDG du RJCCQ

Les 28 entreprises qui ont répondu aux questions de l’étude ont rapporté des revenus moyens de 395 331 $ et des coûts de 354 838 $ ; 70 % d’entre elles ont moins de cinq employés et 43 % sont dans le secteur de la fabrication. Toutes ne sont pas nécessairement des entreprises technos, mais considérées comme investies dans des « secteurs d’avenir ».

Signe que l’écosystème mis en place est tout de même satisfaisant, le soutien le plus important qu’elles nomment sont les accélérateurs, incubateurs ou organismes d’accompagnement auxquels elles ont accès.

« Au Québec, on a réussi à développer un écosystème de démarrage, des programmes de financement, surtout dans les deux premières années, précise M. Graff. En revanche, entre deux et cinq ans, c’est plus difficile. Il y a clairement là un enjeu. »

Mesure spéciale

L’étude du RJCCQ était assortie d’une proposition : que feraient-elles d’un financement additionnel de 100 000 $ non remboursable ? La plus grande part, soit 37,6 %, irait dans les investissements en machinerie, en recherche et développement et en infrastructure ; 29,1 % l’utiliseraient pour l’embauche de personnel, la formation ou l’amélioration des conditions de travail ; 17,9 % seraient investis pour développer le commerce international ; et 11 %, dans les dettes.

Cette somme de 100 000 $, indique M. Graff, n’est qu’une moyenne selon la taille très variable des entreprises consultées ; 92 % d’entre elles estiment que le gouvernement devrait offrir un tel programme.

« On échange avec des entrepreneurs et ils sont souvent dans une situation où ils ne veulent plus investir. Les seules solutions qu’on voit, c’est qu’on prenne des mesures exceptionnelles, des congés d’intérêts, qu’on permette de retarder des remboursements pour permettre des dépenses à court terme. »

Ces mesures sont indispensables considérant la faible volonté des jeunes entrepreneurs de se lancer en affaires, estime-t-il. « Ce n’est pas une demande qui est ‟cowboy”. On veut créer la business de demain, dans les technologies propres, la medtech, le manufacturier 5.0 […] Il va falloir des mesures spéciales pour s’assurer que les jeunes entreprises osent investir. »


EN SAVOIR PLUS

1881
Nombre de jeunes pousses au Québec accompagnées par 67 organisations sondées

Source: source : Mouvement des accélérateurs d’innovation du Québec, 2020

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