LIBAN

Forcés de recycler à cause des ordures

La fermeture le mois dernier de la principale décharge de Beyrouth et la fin du contrat de la société privée qui gérait les ordures du pays ont plongé le Liban dans une crise des déchets sans précédent. Pour faire face à cette catastrophe écologique, de plus en plus de Libanais se tournent vers le recyclage, raconte notre collaboratrice.

BEYROUTH — Depuis le 19 juillet, le Liban croule sous les déchets. De gigantesques tas d’ordures s’empilent dans les rues et au bord de la mer, ou sont carrément déversés dans les vallées du pays.

Les odeurs nauséabondes qui empestent la capitale, qui produit 3000 tonnes de déchets par jour, forcent même les citoyens à porter des masques ou à se boucher le nez pour se déplacer. Certains d’entre eux ont d’ailleurs commencé à brûler les montagnes de détritus.

Exaspérés par la situation et l’inaction des autorités, de nombreux Libanais ont donc décidé de prendre les choses en main et de trouver des solutions de rechange plus écologiques.

« Tous les réseaux sociaux parlaient de la crise. On s’est donc demandé ce qu’on pouvait faire de positif pour aider », raconte Georges Bitar, de l’ONG Livelovebeirut, dont l’objectif est de promouvoir la beauté du Liban.

Au début du mois d’août, l’ONG a lancé une campagne d’enlèvement et de recyclage des déchets sans frais en collaboration avec l’application mobile Uber, l’entreprise de location de voitures Advanced Rent A Car et l’ONG Arcenciel, spécialisée dans le recyclage. Pendant une semaine, les Libanais ont pu, en sélectionnant l’option UberRecycle sur l’application, faire enlever leurs ordures à domicile pour qu’elles soient recyclées.

« Nous avions quatre voitures qui recevaient 10 à 12 commandes par jour chacune. La collecte était un peu compliquée parce que nous n’avions que de petites voitures, mais les gens étaient très enthousiastes et nous demandaient comment faire pour continuer à recycler », explique Georges Bitar, dont l’ONG est en train de développer un projet à long terme pour l’enlèvement et le recyclage des déchets.

ÉDUQUER ET RECYCLER

Le restaurant Junkyard à Beyrouth, entièrement construit à l’aide de matériaux et meubles réutilisés ou chinés, est quant à lui passé maître dans l’art du recyclage et s’est lancé dans l’éducation populaire.

« Depuis la crise des déchets, nous travaillons sur la création de matériel éducatif pour les gens du quartier. Nous voulons les sensibiliser à l’importance du recyclage, mais nous savons que ce ne sera pas facile car le recyclage et le tri des déchets sont des concepts étrangers aux Libanais », explique Dana Alaywan, responsable marketing du restaurant.

Même son de cloche chez Cedar Environmental, une société libanaise spécialisée dans le traitement des déchets solides. Pour sensibiliser les gens à l’importance du recyclage des ordures, le fondateur de l’entreprise Ziad Abi Chaker n’a pas hésité à organiser une opération de tri des déchets en pleine rue.

« Nous avons décidé d’installer nos machines dans la rue pour montrer aux gens comment se fait le tri des déchets. La municipalité a même envoyé des agents de sécurité pour monter la garde devant les montagnes d’ordures et empêcher les habitants d’y mettre le feu pour que nous puissions les recycler. »

— Ziad Abi Chaker

Selon Paul Abi Rached, président de l’ONG TERRE Liban, ces initiatives devront cependant se transformer en solution durable pour mettre fin au problème.

« Ces initiatives permettent d’éduquer les gens, et la crise a mené à une mobilisation citoyenne qui fait avancer les choses très vite. Malheureusement, jusqu’à maintenant, toutes les solutions proposées par le gouvernement vont vers la privatisation des déchets. Il ne propose toujours pas de solution décentralisée et écologique. »

EXCÉDÉS PAR LA PUANTEUR

La décharge de Naameh, située au sud-est de Beyrouth et ouverte en 1997, n’avait été conçue que pour accueillir 2 millions de tonnes de détritus. Elle en contient aujourd’hui 15 millions. Excédés par la puanteur, les rats et les maladies, les habitants des villages voisins ont décidé de bloquer l’accès au site. La fermeture a coïncidé avec la fin du contrat passé entre l’État et l’entreprise qui gérait les ordures du pays. L’appel d’offres lancé depuis a échoué. Le gouvernement libanais est incapable de proposer une solution durable à la crise car paralysé et sans président depuis plus d’un an.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.