Paternité

Après les Amis des bébés, les Amis des pères

C’est l’histoire d’un futur père qui assiste à chaque rencontre médicale mensuelle de sa conjointe, enceinte. À la quatrième rencontre, le médecin lui demande, le plus sérieusement du monde : vous êtes qui, vous ?

Scène de film ? Blague de mauvais goût ? Non, fait vécu. Et des histoires du genre, l’infirmière Francine de Montigny en entend tous les jours. C’est d’ailleurs pourquoi elle travaille d’arrache-pied depuis des années à monter l'Initiative amis des pères au sein des familles (IAP), à laquelle participent depuis peu cinq régions du Québec. Objectif ? « Avoir un Québec Amis des pères d’ici 10 ans », rêve-t-elle.

Les intervenants du milieu de la santé des régions de l’Outaouais, des Laurentides, de la Montérégie, de la Mauricie et du Centre-du-Québec viennent en effet de s’engager à bonifier leurs services et leur accompagnement aux pères, tout particulièrement. Au total, on estime que 136 000 pères devraient être touchés de près ou de loin par l’initiative. On espère aussi avoir éventuellement suffisamment de financement pour s’attaquer à la grande région de Montréal.

De quoi s’agit-il ? Faisant écho à l’initiative Amis des bébés (de l’Organisation mondiale de la santé), laquelle cible l’allaitement (donc essentiellement les mères), on souhaite ici cibler plutôt les pères. Pourquoi ? 

Francine de Montigny en a long à dire sur la question. Directrice d’un groupe de recherche sur la santé mentale des hommes en période postnatale, elle travaille depuis plus de 20 ans sur la paternité. Et qu’il s’agisse de leur perception de l’allaitement, de l’alimentation, même de la pauvreté, le discours est presque toujours le même, dit-elle. « Oui, pendant la grossesse, il y a une certaine reconnaissance de leur statut. À la naissance, leur statut est plutôt instrumental. Et quand arrive le bébé, c’est comme s’ils cessaient d’exister. »

« Comme si les pères n’existaient pas »

Des exemples ? À la clinique, on s’adresse presque exclusivement aux mères, même en présence du père, raconte-t-elle. Pendant les visites de l’infirmière à domicile, après un accouchement, personne ne demande au père comment il va. Même dans les cliniques de vaccination, on cherche la présence de la mère. « Les intervenants n’adressent presque pas la parole aux pères, dit la chercheuse. Ce n’est pas fait méchamment, mais on continue d’avoir le réflexe de s’adresser en exclusivité aux mères pour parler de parentalité. »

D’où son initiative de former et accompagner les intervenants de différents milieux de la santé pour « inclure les hommes dans la conversation », résume-t-elle. Comment ? En offrant des formations, de l’accompagnement, pour tranquillement et subtilement transformer le discours. Et en proposant aussi des petites choses toutes simples. « Dans les salles d’attente, il n’y a souvent que le Coup de Pouce ou Elle Québec. Pas une seule revue pour les pères. C’est subtil, mais c’est aussi un moyen de donner une place, ou non, aux pères… »

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