C’est samedi soir !
La Presse
NEW YORK
Plutôt détendu dans ce tourbillon, le légendaire producteur Lorne Michaels, 68 ans, les mains croisées derrière le dos, inspecte les décors du bureau ovale qui serviront pour la saynète d’ouverture.
Il est 23h25 et il règne une fébrilité grisante et difficilement descriptible dans cet espace étonnamment très petit. Minuscule, même. Le filiforme Eminem, qui a perdu énormément de poids, se terre dans sa loge avant son tour de rap, prévu autour de minuit. Avec l’humoriste Stéphane Rousseau et la productrice au contenu Josée Fortier (qui a créé
, une production similaire), nous sommes assis dans la première rangée du balcon, directement en face de la scène principale. Une vue de rêve.Trois sièges à côté de notre trio se trouve Shonda Rhimes, une des productrices les plus influentes de Hollywood avec, accrochés à sa ceinture, des succès planétaires comme
, et . Tel un groupie fini, je lui confesse mon admiration pour son travail. Elle réagit à peine. Je rougis (un peu) et regagne mon siège, penaud. Bye Shonda.Ce n’est pas un hasard si Shonda Rhimes a fait le voyage de Los Angeles jusqu’à New York. Car l’animatrice de
ce soir n’est nulle autre que la magnifique Kerry Washington, vedette du feuilleton de l’heure , la dernière création de M Rhimes.La lumière rouge de la caméra s’allume et la machine parfaitement huilée de
ne s’arrêtera que 90 minutes plus tard, le temps que Kerry Washington enfile les costumes d’Oprah Winfrey, Michelle Obama, Miss Ouganda, un clown d’école secondaire et l’adjointe d’une motivatrice de pacotille, entre autres.Pendant les pauses publicitaires, c’est hallucinant d’assister, directement sous notre nez, aux changements de décor ultra rapides. Il faut dire qu’une cinquantaine d’employés de soutien foulent le plancher et exécutent un ballet technique chorégraphié et répété des centaines de fois. Avant la « vraie » représentation de 23h30, la troupe de
répète devant public entre 20h à 22h, tous les samedis. Une sorte de générale, avec costumes et perruques.Ce qui m’a le plus étonné ? Le célèbre segment du Weekend Update (le faux bulletin d'information), chauffé cette saison par Seth Meyers et Cecily Strong, se déroule devant un mur en carton planté devant l’orchestre de
. C’est aussi simple que ça.Les gradins, où s’alignent des sièges prêtés par le Yankee Stadium en 1975, ne contiennent pas plus de 250 personnes. Conséquence : c’est à peu près impossible pour le commun des mortels de se dénicher un billet pour
, à moins de connaître quelqu’un d’influent dans l’équipe.L’univers de
baigne dans une atmosphère typiquement new-yorkaise. Au 17 étage de la tour de NBC, où loge l’équipe de production (auteurs, comédiens, réalisateurs, etc), le poids des traditions se voit et se sent partout. Dans les corridors, comme dans un musée de la télévision, des portraits de tous les acteurs de l’émission ornent chaque centimètre carré des murs.Et ces bureaux au charme suranné n’ont probablement pas été rénovés en 40 ans. Le tapis commercial est usé jusqu'à la trame. Les espaces de travail des vedettes, comme celui partagé par les comédiennes Vanessa Bayer et Aidy Bryant, ressemblent à des chambres d’étudiants dans une résidence universitaire avec des lumières de Noël accrochées au plafond, des poupées et autres babioles entassées sur des étagères pleines.
Si vous regardez la sitcom
, largement inspirée du passage de la géniale Tina Fey à , dites-vous que ce n’est pas loin de la réalité, mais en plus laid. Et en plus crade.« Moi aussi, j’imaginais des bureaux modernes. C’est très old school ici. Tu as vraiment l’impression que le passé de l’émission est toujours très présent. J’ai regardé les bonnes vieilles années de
avec Chevy Chase et Dan Akroyd. Ces dernières années, j’ai moins regardé, mais je suis revenu à l’époque de [avec Justin Timberlake et Andy Samberg] », explique Stéphane Rousseau en entrevue à .À l’intérieur de la « chambre d’écriture », où tout le contenu des épisodes s’esquisse, à peu près tous les auteurs portent le même uniforme : chemise à carreaux, jeans skinny, baskets aux pieds ainsi qu’une tuque ou une casquette enfoncée sur la tête. Il y a des MacBook partout. Et les machines Nespresso ronronnent en permanence.
De tous les départements que nous avons visités, c’est la salle des maquillages et des effets spéciaux qui a le plus impressionné Stéphane Rousseau.
« J’ai toujours aimé les maquillages, les costumes et les effets spéciaux. J’aime jouer dans des sketches, j’aime beaucoup la musique et j’adore les trips de gang. J’ai plein de costumes chez moi. Je les ai gardés pour mon gars. Je n’ai jamais de problème à l’Halloween », note l’humoriste de 47 ans, dont les influences humoristiques sont très américaines. Il cite notamment Richard Pryor, Bill Cosby et Billy Cristal, des monuments du
.Dans quatre mois, Stéphane Rousseau entrera dans la légende de ses idoles quand la phrase « en direct de Montréal, c’est samedi soir » résonnera sur le plateau qu’il chauffera. Très hâte de voir ça.
est une émission à sketches mise en orbite par NBC en octobre 1975. Une sorte de mini hebdomadaire. Tous les samedis, entre 23h30 et 1h, une quinzaine de comédiens pratiquent leur art en direct devant public. Il n’y a pas d’animateur attitré à , car il change toutes les semaines. Même chose pour l’invité musical.
Au Québec, les droits d’adaptation ont été achetés par les producteurs Fair-Play et Zone 3. Un peu comme à
de TVA, a embauché six acteurs maison (trois gars, trois filles, dont Léane Labrèche-Dor et Virginie Fortin), qui apparaîtront dans les numéros humoristiques.De la même façon qu’aux États-Unis, l’animateur québécois, qui se greffera également aux sketches, changera d’une émission à l’autre.
pourra piger dans la banque d’idées et de personnages de toutes les éditions du américain. Les factures visuelles seront identiques. Il y aura aussi un band en studio avec Louis-José Houde (8 février) et Stéphane Rousseau (22 mars).Télé-Québec a toutefois programmé
entre 21h et 22h30. L’émission passera, évidemment, en direct. Si les deux premières présentations cartonnent, Télé-Québec ramènera sans doute à l’automne sur une base plus régulière.