Corée du Nord 

Kim Jung-un remporte les élections... avec 100 % des voix

Oubliez les autobus de campagne, les électeurs indécis et les sondages qui tiennent le pays en haleine. Les « élections » qui viennent de se terminer en Corée du Nord ont reporté au pouvoir le dictateur Kim Jong-un avec un taux d’approbation prévisible de… 100 %. Voici quatre choses à savoir sur une mascarade démocratique aussi choquante qu’intrigante.

1 – Un moyen de contrôler la population

Au moins, personne n’est tombé en bas de sa chaise. En Corée du Nord, le leader Kim Jong-un a remporté ses toutes premières « élections » avec un taux de 100 %. Les résultats des autres circonscriptions ne sont pas encore connus, mais avec un seul candidat par bulletin, le suspense est nul. Pourquoi organiser une telle comédie ?

« Les élections sont une façon de donner une certaine apparence démocratique au régime. Mais elles servent surtout à surveiller et contrôler la population », explique Benoit Hardy-Chartrand, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.

Oliver Hotham, reporter au journal spécialisé NK News, explique que de nombreux Nord-Coréens qui avaient fui clandestinement vers la Chine sont revenus au péril de leur vie afin de remplir leur bulletin. « L’élection joue un peu le rôle d’un recensement. Si vous êtes sur la liste et ne votez pas, il y a aura des enquêtes et votre famille pourrait subir de sérieuses conséquences », dit-il.

2 – Cochez oui, cochez non

Rigoureusement parlant, un électeur au pays de Kim Jong-un n’est pas complètement dépourvu de choix. Le bulletin de vote nord-coréen comporte le nom d’un seul candidat. À côté, on peut cocher « oui » ou « non ».

« Si on veut cocher non, on doit se rendre à une autre table. C’est pratiquement un suicide de faire ça », dit Benoit Hardy-Chartrand. Mina Yoon, une Nord-Coréenne qui a fait défection, a affirmé à NK News qu’un tel geste représenterait « un passeport vers le camp de concentration ». Pas étonnant que les taux d’approbation soient systématiquement de 100 %.

Les rares à avoir pu observer le processus électoral et à pouvoir en parler rapportent que les électeurs doivent obligatoirement s’incliner devant des portraits de Kim Il-sung et Kim Jong-il, respectivement grand-père et père du dirigeant actuel Kim Jong-un, avant de voter.

3 – Le « dernier système stalinien au monde »

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le Parti des travailleurs de Kim Jong-un n’est pas la seule formation politique en Corée du Nord. Il existe trois autres partis, qui occupent ensemble près de 80 des 687 sièges de l’Assemblée suprême du pays.

« L’idée est de créer une illusion de système multipartite. Évidemment, c’est une mascarade », dit Gérard Hervouet, professeur de sciences politiques à l’Université Laval, qui insiste pour rappeler que la Corée du Nord est une dictature et l’un des régimes les plus répressifs du globe.

Benoit Hardy-Chartrand rappelle pour sa part que le système politique et électoral de la Corée du Nord a été calqué sur celui de l’ancienne Union soviétique après la Deuxième Guerre mondiale.

« On parle souvent du dernier système stalinien au monde. Ce n’est pas toujours tout à fait exact dans les faits, mais historiquement, ça a un fort fond de vérité », dit-il.

4 – Une petite sœur qui intrigue

Les élections représentent une rare occasion pour les analystes de comprendre qui gravite autour du cercle du pouvoir en Corée du Nord. Cette année, une apparition a beaucoup fait jaser : celle de Kim Yo-jong, la jeune sœur de Kim Jong-un, accompagnant son frère au bureau de vote. La télévision d’État a montré la jeune femme, qu’on croit âgée de 26 ans, vêtue d’une jupe noire et qualifiée pour la première fois de « dirigeante supérieure ». Qu’est-ce que cela signifie ?

« Comme toujours avec la Corée du Nord, on ne le sait pas trop, dit Gérard Hervouet. On décrypte. Ce qui semble clair, c’est que Kim Jong-un ne fait confiance à presque personne, surtout par les temps qui courent. Il s’entoure donc de gens très proches, qu’il connaît bien et qui sont souvent très jeunes. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.