Opinion

Un coup dur pour la recherche et la société québécoise

Le Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO) cessera ses activités le 30 juin

Nous venons d’apprendre avec regret que le financement du CEFRIO (organisme de recherche et d’innovation à but non lucratif) ne sera pas renouvelé et que cet organisme indépendant, fondé en 1987, cessera ses activités le 30 juin prochain.

Pourtant, le monde est aujourd’hui caractérisé par une forte numérisation de la société. Cette caractéristique impose d’analyser de manière fine l’évolution des pratiques, des tendances et des transformations profondes. Le Québec ne fait pas exception à cette situation.

Dans un contexte marqué par la transformation des économies, du milieu du travail, de l’éducation ou encore des activités culturelles, il est important de protéger et de continuer à financer le CEFRIO dont les enquêtes, notamment NETendances, permettent de mieux saisir la société québécoise à travers sa transformation technologique en cours.

La disparition du CEFRIO signifie en effet la perte d’une expertise et de l’accès à des données récurrentes permettant de suivre l’évolution des usages de l’internet dans les entreprises et par la population au Québec.

La plupart des pays industrialisés se prévalent de travaux équivalents à ceux du CEFRIO pour déterminer l’orientation des politiques publiques. Le CEFRIO est ainsi l’équivalent du Pew Research Center des États-Unis et produit des données qui sont utilisées par les chercheurs, les enseignants, les journalistes et d’autres acteurs dans divers milieux.

Le CEFRIO réalisait aussi des travaux sur différents sujets en collaboration avec les chercheurs universitaires et les entreprises du Québec, qui ont contribué à doter le Québec d’informations originales et essentielles sur les évolutions de la société numérique. Dans un contexte où la tendance est à la mise en place de partenariats pour dynamiser la mobilisation des connaissances, la fermeture du CEFRIO est d’autant plus surprenante et problématique.

Les services directs aux entreprises seront intégrés à Investissement Québec, mais rien n’est prévu pour les projets plus collectifs et la veille informationnelle au moyen d’enquêtes. Quelles stratégies seront envisagées pour pérenniser ces activités ?

La décision du gouvernement laisse présager une rupture dans la recherche sociale sur les usages de l’internet au Québec.

Or, dans un contexte où les géants du web (GAFAM) comme les plateformes de visionnement à la demande sont réticents à communiquer leurs données d’utilisation, accéder à des données sur les usages collectées par un organisme indépendant est particulièrement important.

Nous nous étonnons donc de cette décision du ministère de l’Économie et de l’Innovation de ne pas renouveler le financement du CEFRIO et lui demandons de reconsidérer sa décision.

* Cosignataires : Stéphane Allaire, professeur au département des sciences de l’éducation, UQAC ; Manon Arcand, professeure au département de marketing, ESG-UQAM ; Alexandra Bahary-Dionne, candidate à la maîtrise en droit, UQAM ; Céline Bareil, professeure au département de management, HEC Montréal ; Anouk Bélanger, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM ; Maude Bonenfant, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM ; Claudine Bonneau, professeure au département d’analytique, opérations et technologies de l’information, ESG-UQAM ; Christian Boudreau, professeur à l’École nationale d’administration publique ; Milton N. Campos, professeur honoraire au département de communication, Université de Montréal ; Nathalie Casemajor, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique ; Patrick Cohendet, professeur au département d’affaires internationales, HEC Montréal ; Alexandre Coutant, professeur au département de communication sociale et publique, UQAM ; Stéphane Couture, professeur au département de communication, Université de Montréal ; Pierre Doray, professeur au département de sociologie, UQAM ; Nina Duque, chargée de cours et doctorante à la faculté de communication, UQAM ; Yves-C. Gagnon, professeur honoraire à l’École nationale d’administration publique ; Marie-Pierre Gagnon, professeure à la faculté des sciences infirmières, Université Laval ; Lucie Enel, doctorante à la faculté de communication, UQAM ; Aline Feirreira de Faria, doctorante à la faculté de communication, UQAM ; Éric George, professeur à l’École des médias, UQAM ; Sylvie Jochems, professeure à l’École de travail social, UQAM ; Pierre-André Julien, professeur émérite à l’UQTR ; Thérèse Laferrière, professeure au département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage, faculté des sciences de l’éducation, Université Laval ; Danielle Lafontaine, professeure au département Sociétés, Territoires et Développement, UQAR ; Suzanne Lortie, professeure à l’École des médias, UQAM ; Florence Millerand, professeure au département de communication sociale et publique, UQAM ; Katharina Niemeyer, professeure à l’École des médias, UQAM ; Bruno Poellhuber, professeur au département de psychopédagogie et d’andragogie, faculté des sciences de l’éducation, Université de Montréal ; Sandrine Promptep, professeure au département de marketing de l’ESG-UQAM ; Serge Proulx, professeur émérite à la faculté de communication, UQAM ; Béatrice Pudelko, professeure au département d’éducation de l’Université TÉLUQ ; Claudia Rebolledo, professeure au département de gestion des opérations et de la logistique, HEC Montréal ; Jean-Hugues Roy, professeur à l’École des médias, UQAM ; Anik St-Onge, professeure au département de marketing, ESG-UQAM ; Diane-Gabrielle Tremblay, professeure à l’École des sciences de l’administration, Université TÉLUQ ; Line Ricard, professeure au département de marketing, ESG-UQAM ; Suzanne Rivard, professeure à la Chaire de gestion stratégique des technologies de l’information, HEC Montréal ; Diane Saint-Pierre, professeure à la Chaire Fernand-Dumont sur la culture, Institut national de la recherche scientifique ; Laurent Simon, professeur au département d’entrepreneuriat et innovation à HEC Montréal ; Sylvie Trudel, professeure au département d’informatique, UQAM ; Marc-Antoine Vachon, professeur au département de marketing, ESG-UQAM et Michel Vézina, professeure au département de sciences comptables à HEC Montréal

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