Logique contaminée !

Inqualifiable, choquant, désespérant…

Le député péquiste Sylvain Gaudreault n’a pas mâché ses mots lorsqu’il a réagi à la décision de faire enfouir en Ontario 600 tonnes de matières dangereuses du chantier du REM, plutôt que de les faire décontaminer de façon écologique au Québec.

Il a eu entièrement raison de s’indigner.

Du simple point de vue de notre impact environnemental, il est gênant de voir que le consortium NouvLR – mandaté par la Caisse de dépôt et placement du Québec – a décidé d’opter pour l’enfouissement de ces pierres hautement contaminées.

À l’heure où Québec multiplie les appels à encourager l’économie d’ici, bouder une firme québécoise pionnière dans son domaine est embarrassant.

On a bien senti que même le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon était mal à l’aise avec la décision de choisir « la façon la moins chère » de gérer les déchets contaminés.

« Il faudrait encourager les entreprises québécoises à utiliser les processus québécois », a-t-il reconnu, alors qu’on le questionnait à ce sujet à Québec.

Ce qui est clair, c’est que cette nouvelle affaire révélée par notre collègue Vincent Larouche jette encore une fois une lumière crue sur les failles du système actuel en ce qui concerne la gestion de sols contaminés au Québec.

Le fléau des déversements sauvages de sols contaminés a fait scandale au cours des dernières années.

Mais le fait est que les choix faits en toute légalité par ceux qui gèrent des terrains contaminés génèrent aussi leur lot d’aberrations.

Le réflexe, selon une logique de développement durable, devrait être de se dire : si on peut traiter et revaloriser, pourquoi enfouir ?

Or, actuellement, la logique qui prévaut encore trop souvent c’est : si on peut payer moins cher la tonne pour enfouir, pourquoi diable se donnerait-on la peine de songer à la décontamination ?

Oh, la situation s’améliore, bien sûr ! Ce n’est, après tout, qu’à la fin des années 80 que le Québec s’est doté pour la première fois d’une politique portant sur la réhabilitation des terrains contaminés.

Et au cours des 20 dernières années, la quantité des sols traités au Québec a bondi.

Mais ça demeure encore insuffisant.

En moyenne, on a évalué à 520 000 tonnes métriques chaque année (entre 2016 et 2018, inclusivement) la quantité de sols contaminés qui aboutit dans l’un ou l’autre des quatre « lieux commerciaux d’enfouissement sécuritaire » au Québec. Sans compter ceux qui se retrouvent, comme dans le cas du REM, en Ontario. Ni, évidemment, les déversements illégaux.

La bonne nouvelle, c’est que le gouvernement se dit préoccupé et que ses bottines commencent à suivre ses babines.

À preuve, dans la foulée du plus récent scandale, Sylvain Gaudreault a déposé mercredi un amendement au projet de loi 66 – celui qui vise à accélérer quelque 180 projets d’infrastructures et que le gouvernement caquiste souhaite voir adopter d’ici Noël – afin de minimiser les risques de dérapages en matière de gestion des sols contaminés.

Et la ministre Sonia LeBel a donné son aval à cet amendement après de légères modifications.

On précise désormais que « le traitement et la valorisation des sols contaminés doivent être favorisés » dans le cas des projets qui vont être accélérés. Le principe est bon, voyons voir, maintenant, comment il sera mis en application.

Le problème, c’est qu’on précise aussi que des mesures de traçabilité de ses sols devront être adoptées… mais seulement quand le système que Québec veut mettre en place va être opérationnel.

La balle est maintenant dans le camp du ministère de l’Environnement. C’est que le règlement sur la traçabilité des sols contaminés demeure encore à l’état de projet. Il devait pourtant être en vigueur l’automne dernier !

Bref, il reste encore du chemin à faire. Mais le fait est que la mise au jour du scandale du chantier du REM nous aura permis de faire, cette semaine, un pas de plus dans la bonne direction.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.