Lac-Mégantic Un an plus tard

Survivre à un déversement de 100 000 litres de pétrole

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la rivière Chaudière depuis la tragédie de Lac-Mégantic, il y a un an, mais elle en porte toujours les stigmates. 

Parce que l’on trouve constamment des traces de pétrole dans son lit, la veine nourricière de la Beauce fait encore aujourd’hui l’objet d’efforts de décontamination des gouvernements. Et suscite l’inquiétude des écologistes.

« La contamination des sédiments de la Haute-Chaudière est importante, par son étendue et par les dépassements des valeurs de référence et des critères de qualité », conclut le dernier bilan de santé officiel de la rivière, publié il y a quelques semaines à peine. « Cette contamination risque d’avoir des effets négatifs sur les organismes aquatiques exposés. »

Toujours dans la Haute-Chaudière – qui s’étend de Lac-Mégantic à Saint-Georges-de-Beauce – , 57 % des échantillons de sol analysés dépassaient le seuil de contamination acceptable, selon les experts qui ont rédigé le document gouvernemental.

L’eau, les poissons et les microorganismes peuplant la Chaudière, pour leur part, se portent relativement bien, ajoute le document.

Même si quelque 100 000 litres de pétrole de schiste s’y sont engloutis, « la rivière est encore vivante », assure Jean-Marc Lachance, du ministère de l’Environnement.

« En ce qui concerne l’eau, c’est peu problématique. En ce qui concerne les poissons, tout va bien. »

— Jean-Marc Lachance, du ministère de l’Environnement

De son bureau de Sainte-Marie-de-Beauce, le fonctionnaire doit surveiller et traiter sa patiente de 185 kilomètres de long.

Ce printemps, c’est l’impact de la crue qui l’a tenu occupé. Le niveau de la rivière a monté de façon importante. De faibles quantités de pétrole se sont échouées sur les terrains inondables, souvent utilisés comme champs agricoles en Beauce.

À cet égard, M. Lachance se fait rassurant. « Il y a très très peu d’hydrocarbures. Quelques concentrations, mais c’est en deçà du critère A de la politique, a-t-il dit, faisant référence à la catégorie de contamination la plus basse. On a démontré que ça n’avait pas eu d’impact. […] Il n’y a pas de préoccupation au sujet de ces dépôts. »

MIEUX ET PLUS VITE

Les écologistes voient toutefois les choses d’un autre œil.

Pour eux, il aurait été possible d’atténuer l’impact de la crue printanière en accélérant les travaux de décontamination à l’été et à l’automne derniers.

« Après le déversement, les hydrocarbures qui étaient en suspension ont été lessivés, dilués, emportés, et une partie s’est déposée dans les sédiments et est restée là, explique Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace pour le Québec. Il y a eu du relargage ce printemps en raison d’un manque d’intervention de la part du gouvernement. »

M. Bonin montre surtout du doigt le temps qu’aurait mis le gouvernement à caractériser – analyser – les sédiments qui se trouvent au fond de la Chaudière. « On se rend compte que le gouvernement a attendu en septembre et en octobre pour faire l’échantillonnage, a-t-il déploré. On était deux mois après la catastrophe. Ç’aurait dû être fait bien avant. »

Daniel Green, de la Société pour vaincre la pollution (SVP), est du même avis. Lui aussi estime que les autorités auraient dû faire mieux et plus vite. Au moins, ajoute-t-il, elles auraient dû publier leurs données concernant la contamination au fur et à mesure de leur réalisation, plutôt que d’une traite, plusieurs semaines plus tard.

Jean-Marc Lachance proteste. « Dès les premières heures, on était sur place. On a commencé à pomper, on a installé des estacades, on a évalué les berges. Dès juillet, on a mis en place des mesures de nettoyage des rives, s’est-il défendu en entrevue. Je vois difficilement où on aurait pu aller plus rapidement. »

SECTEURS JUGÉS PROBLÉMATIQUES PAR LE MINISTÈRE

PK 4,5

(Segment de la rivière situé à 4,5 kilomètres du barrage Mégantic)

« Dix des dix-neuf échantillons analysés dépassent les valeurs de référence pour un effet chronique ou aigu » des contaminants sur l’environnement.

PK 5,2

(Situé à 5,2 kilomètres du barrage Mégantic)

« Quatre des douze échantillons présentent une concentration en hydrocarbures pétroliers supérieure à la limite. »

Barrage Sartigan

(À environ 85 kilomètres du barrage Mégantic, près de Saint-Georges-de-Beauce)

« Un seul des treize échantillons présente une concentration en hydrocarbures pétroliers supérieure à la limite. »

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