La CAQ repolitise les tarifs d’Hydro-Québec

Le gouvernement a finalement décidé de plafonner les hausses des tarifs d’électricité à 3 %. La pression était forte pour qu’il revienne sur son choix de lier la hausse des tarifs d’Hydro-Québec à l’inflation. Choix qui, rappelons-le, a été critiqué par la quasi entièreté des intervenants dans le domaine.

Les augmentations récemment annoncées sont uniquement dues à l’inflation et non à des dépenses supplémentaires que l’entreprise aurait engagées. En effet, les prix de la production et de la distribution de l’électricité québécoise ne sont pas affectés par les problèmes d’approvisionnement internationaux qui expliquent en bonne partie l’inflation actuelle. Si l’on se fie à ce qui a été présenté par la société d’État, il n’y a donc rien qui justifie une hausse marquée des tarifs. Toutefois, selon la dernière cause tarifaire d’Hydro-Québec, chaque hausse de 1 % des tarifs rapporte environ 120 millions de dollars à la société d’État. Les hausses de tarifs à venir vont ainsi entraîner une augmentation soudaine des revenus d’Hydro-Québec et, incidemment, de ses profits.

Sachant que 75 % des profits d’Hydro-Québec se retrouvent dans les coffres de l’État sous forme de dividendes (sans compter les redevances sur l’eau), on comprend un peu mieux la volonté de François Legault de maintenir la présente hausse tarifaire.

Par exemple, si le gouvernement gèle effectivement la hausse de tarifs d’Hydro-Québec à 3 %, il s’assure tout de même des revenus récurrents d’environ 270 millions directement liés à sa loi déposée en 2019. Rappelons qu’entre 2007 et 2019, la hausse annuelle moyenne des tarifs d’électricité accordée par la Régie de l’énergie du Québec était de moins de 1,5 %.

L’augmentation des tarifs de distribution d’électricité, même plafonnée à 3 %, contribuera à diminuer le pouvoir d’achat des ménages et, dans le contexte actuel, à maintenir l’inflation à la hausse.

Plus la hausse des tarifs dépasse indûment le véritable prix de distribution, plus les entreprises devront augmenter leurs prix, plus l’inflation croîtra. Au contraire, une hausse basée sur les véritables prix de distribution, qui serait certainement sous la barre des 3 %, participerait à contenir l’inflation dans les années à venir. En ce sens, les choix de la CAQ contribueront activement à alimenter la spirale actuelle de la hausse des prix.

Le rôle de la Régie

Par le passé, et avant la mise en place de la Régie de l’énergie, Hydro-Québec ne rendait des comptes qu’en commission parlementaire. Les faibles connaissances des députés en matière de tarification laissaient un pouvoir démesuré à la société d’État. De plus, lorsqu’elle annonçait des hausses tarifaires élevées, sa demande occupait l’ensemble des débats politiques et pouvait même se transformer en enjeu électoral de premier plan. Ce déséquilibre a été corrigé par la création de la Régie de l’énergie, un tribunal juridique qui détermine les hausses des tarifs de transport et de distribution d’électricité en se basant sur des informations déposées publiquement par la société d’État. La Régie se doit de considérer l’enjeu de la fixation des prix du point de vue à la fois de la clientèle résidentielle, commerciale et institutionnelle, mais aussi des groupes environnementaux. L’instauration de ce mécanisme a ainsi contribué à dépolitiser les décisions relatives à la fixation des tarifs d’électricité.

Alors que le gouvernement a déterminé qu’il soustrayait Hydro-Québec à l’autorité de la Régie quatre années sur cinq en fixant les hausses en fonction de l’inflation, il participe activement à repolitiser cette question et à affaiblir les institutions démocratiques du Québec.

Il est d’ailleurs à parier que le sujet reviendra dans le cadre des prochaines élections.

Pourtant, la CAQ avait l’occasion de changer d’avis. Personne ne lui en aurait tenu rigueur dans le contexte de la crise sociosanitaire et de la crise de l’inflation qu’elle a entraînée. Au contraire, le premier ministre s’est entêté à maintenir les tarifs d’Hydro-Québec plus élevés que si la Régie de l’énergie les avait fixés.

Il est donc malheureux de voir la CAQ s’attribuer le mérite pour le gel des tarifs alors que la hausse actuelle découle d’une de ses propres décisions arbitraires passées – une pratique qui semble en droite ligne avec celles du parti de Maurice Duplessis.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.