Résumé du chapitre précédent

L’enquête de Roger Panneton prend un tour inattendu dans un endroit tout aussi surprenant : les toilettes du département. Le policier entrevoit, sur l’avant-bras de son patron, un mystérieux tatouage… qui lui en rappelle un autre.

Un homme détestable Notre polar estival

Chapitre 27 : Le boucher des vanités

Le meurtre par balle de Lucia Lamaca procura à Nick Sardano une sensation perverse de pouvoir et de domination comme il n’en avait jamais ressentie auparavant. Pour la première fois de sa vie plus qu’ordinaire, le jeune Nick se sentit important, puissant et quasiment géant. Il flottait dans son grotesque costume de clown.

En quittant discrètement le stationnement de la salle de réception de Saint-Léonard, Nick se demanda comment les médias allaient maintenant le baptiser. Le boucher de Saint-Léonard ? Le Ted Bundy de la Petite-Italie ? L’idée le fit sourire. Allait-il enfin se défaire des surnoms blessants qui lui collaient à la peau depuis la petite école ? Sûrement. Il était un professionnel, maintenant.

Si l’exécution de la splendide Lucia se fit presque trop facilement, il en fut autrement pour celle d’Antoine Meursault, sa toute première victime. Comme la commande provenait directement d’Enzo Battaglia, Nick avait intérêt à ne rien faire foirer. Il élabora donc minutieusement son plan d’attaque.

D’abord, Nick dut payer grassement un de ses amis barman aux Chevaliers de Saint-Antoine pour qu’il verse une infime quantité de poison à rat dans le scotch du grand Meursault. Comme prévu, Meursault sortit seul dans la ruelle mal éclairée – et peu surveillée – pour prendre l’air et vomir. Nick Sardano l’assomma et fourra le corps athlétique de Meursault dans le coffre arrière d’une longue camionnette noire. Ni vu ni connu. Direction : le sous-sol du Caffe Ambrosia.

Nick Sardano avait décidé d’y installer sa boucherie artisanale. Il y serait tranquille. Les genoux usés et la goutte du vieil Angelo, son ancien patron au café, ne lui permettaient plus de descendre autant de marches sans souffrir le martyre.

La pièce éclairée au néon était entièrement recouverte de toiles en plastique, un truc que Nick avait piqué à Dexter dans la télésérie policière du même nom. Meursault était solidement attaché à la longue table de métal. Il respirait péniblement à travers son bâillon. Les yeux de Mersault faillirent sortir de leurs orbites quand ils aperçurent le matériel de torture que Nick Sardano déballait avec un soin maniaque.

Nick était excité et suait abondamment. Toutes ces heures passées à faire des recherches sur les armes allaient enfin servir sur un humain et non sur des chats de ruelle. Il mit la radio – un poste de musique classique – et entreprit de scier l’avant-bras droit de sa victime. À froid.

Meursault se tordit de douleur et perdit connaissance de façon quasi instantanée. Nick le sadique l’acheva en lui tirant dans le cœur avec son vieux fusil sicilien. La nuit allait être chargée. La liste de ce qu’il fallait faire avec le cadavre, dont remplir une bouteille de son sang, était longue. Et les nombreux détails techniques nécessitaient sa pleine concentration. Nick ne posait pas de questions sur les ordres reçus. Il les exécutait. Point final.

Tania, la pute démembrée du Centre-Sud, c’était aussi son œuvre sordide. Nick s’était toutefois emballé avec Tania. Il avait vu le film Zodiac de David Fincher tellement de fois qu’il se cherchait, lui aussi, une signature-choc pour identifier chacun de ses assassinats. Sur Tania, étranglée dans son studio emboucané, il avait tenté de reproduire les mêmes gestes barbares que sur Antoine Meursault : avant-bras droit sectionné, bas de la jambe gauche tranché, mais il avait dû s’arrêter à la tête, car il avait oublié au café son énorme fendoir de boucher. Tant pis. Il avait abandonné le corps tout sec de la prostituée sur un terrain vacant appartenant à la STM, rue Bellechasse.

En voyant les restes de la pie bavarde Tania aux nouvelles, les patrons de Nick Sardano avaient paniqué. Comment leur protégé, pourtant si efficace et rigoureux, pouvait-il être à ce point insouciant ? Ne savait-il pas que les crimes signés faisaient frétiller la police et qu’ils attiraient toute la racaille journalistique en ville ?

Pour « passer » l’inspecteur Robert « Bob » Maheu, Nick changea donc de tactique et opta pour la bonne vieille bombe, dissimulée sous la voiture. Un classique. Il aurait préféré tester sur le policier vedette ses nouveaux jouets bien affutés, mais bon, il tenait trop aux enveloppes bourrées de billets verts qui lui étaient acheminées au Caffe Ambrosia, une fois sa tâche du jour complétée.

Ce soir, pour fêter ses quatre premiers trophées de chasse, Nick pourrait facilement se payer trois ou quatre danseuses du Solid Gold, des filles bien roulées au silicone comme il les aimait. Et s’il était chanceux, l’une d’entre elles l’accompagnerait peut-être au motel Idéal pour finir la soirée en beauté.

Demain

Rima Elkouri : L’homme qui cherche son âne

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.