Gestion des centres de tri

Le ton monte encore d’un cran entre Ricova et Montréal

Menacé de voir plusieurs de ses contrats résiliés, le géant du recyclage Ricova monte le ton et accuse maintenant l’administration Plante d’avoir fait de l’aveuglement volontaire dans le dossier de la gestion des centres de tri.

En entrevue avec La Presse, l’avocat principal de Services Ricova, dorénavant représentée par la firme de communication stratégique Ryan Affaires publiques, dénonce l’attitude « accusatoire » de la Ville. « Traiter l’entreprise de fraudeuse, c’est non seulement néfaste pour la compagnie en cause, mais surtout, c’est tellement, mais tellement contraire aux faits. C’est extrêmement frustrant. On regarde nos droits, mais on espère qu’on n’aura pas besoin de faire un litige à la cour avec ça », soutient MJean Legault.

L’entreprise se trouve dans l’embarras depuis qu’elle a été épinglée par l’inspectrice générale. En mars, son bureau avait appelé à rompre les contrats de Ricova « dès que possible » au terme d’une enquête.

Celle-ci avait révélé des « manœuvres dolosives » de Ricova pour éviter de remettre à la Ville sa juste part des profits réalisés sur la vente des matières recyclables récupérées sur son territoire.

MLegault déplore toutefois le fait que Montréal « connaît la situation depuis le début ». « Quand Services Ricova a pris en charge les contrats d’exploitation des centres de tri de Lachine et Saint-Michel, elle a continué, comme c’était avant, de faire affaire avec Ricova International, qui est un acheteur de ballots de matières recyclées depuis plus de 20 ans. La Ville est au fait de ça depuis le début », plaide l’avocat.

Services Ricova vend toutes les matières recyclables à Ricova International, une société du même groupe, qui les revend ensuite parfois le double du prix sur le marché, a révélé l’enquête du Bureau de l’inspecteur général (BIG).

L’administration Plante était également insatisfaite de la gestion des centres de tri par Ricova, dont les problèmes ont conduit à des débordements ou à l’enfouissement de milliers de tonnes de matières.

Or, l’entreprise allègue que la Ville tente « d’obtenir une marge bénéficiaire qu’elle n’a jamais eue ». « Ce n’est pas le métier des exploitants des centres de tri de faire de l’exportation. Maintenant, parce que Ricova International et Services Ricova sont des parties liées, soudainement, cette marge bénéficiaire reviendrait à la Ville ? […] C’est inexact contractuellement parlant », fustige le procureur.

Il affirme que les deux sociétés ont mis en place des mesures pour s’assurer que le prix payé soit toujours « au moins égal ou supérieur au prix du marché », et ce, pour que Services Ricova « ne soit pas pénalisée » en vendant ses produits.

« La Ville était là avant. Et elle sait que Ricova International est un acheteur de produits recyclés. Elle a pourtant des conclusions accusatoires en utilisant le rapport du BIG. Il n’y a rien de frauduleux dans notre comportement. La fraude, c’est quand on vole quelqu’un. Ces entreprises ne volent personne », insiste-t-il.

Des contrats en voie d’être résiliés ?

Selon nos sources, des contrats avec Ricova pourraient être résiliés prochainement par la Ville, particulièrement au centre de tri de Lachine, duquel l’administration municipale est propriétaire. Le dossier avancerait « rondement » en ce sens. Au centre de tri Saint-Michel, la situation serait toutefois plus délicate, étant donné le rôle de locataire qu’y joue la Ville.

Au cabinet de la mairesse Valérie Plante, on rappelle d’ailleurs que la Ville « n’a pas donné de contrats à Ricova ».

« C’est une relation d’affaires qui a été imposée par le syndic de faillite de l’entreprise Rebuts Solides Canadiens (RSC) qui, elle, avait été mandatée par la Ville avant de faire faillite. »

— Catherine Cadotte, attachée de presse de la mairesse Valérie Plante

« Malgré le fait que l’apparence de conflit d’intérêts de Ricova a été soulevée dès le début, devant des situations litigieuses comme celles-là, il faut faire les choses dans l’ordre. Et c’est exactement ce qui a été fait par l’inspectrice générale. Ricova avait l’obligation de respecter les mêmes modalités du contrat qui avait été signé entre la Ville et RSC », ajoute-t-elle.

Le BIG a transmis son rapport à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) pour évaluer la pertinence de mener une enquête criminelle. L’UPAC n’a toutefois pas indiqué quelle suite elle avait donnée à l’affaire, puisqu’elle ne révèle jamais ses enquêtes en cours, soutient son porte-parole, Mathieu Galarneau.

Vente au local

En mai, Services Ricova a écrit à l’administration pour lui proposer des « ajustements » afin de régler le litige. Elle disait alors, dans une lettre obtenue par La Presse, avoir entrepris des démarches pour que « toutes les matières recyclées autres que les matières carton/papier mixtes et la vitre soient vendues directement […] aux entreprises locales disposées à prendre le volume en cause ».

Ricova suggère aussi d’obtenir mensuellement « au moins deux offres de prix pour chaque type de matières recyclées ».

Dans la mesure où Services Ricova n’obtiendrait pas de prix pour un type de matière, elle aurait alors à démontrer toutes les démarches effectuées pour l’obtenir, et « ferait rapport à la Ville chaque mois ». « Toutes ces options-là ont été communiquées lors d’une rencontre avec le contrôleur général. Et on n’a jamais eu de nouvelles. […] En fait, les occasions de se parler sérieusement ont existé à une reprise en novembre 2020. Depuis ce temps-là, on n’a pas de son, pas d’image », explique MJean Legault.

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