Démêler les 12 000 logements

Il a fallu que j’insiste beaucoup. Mais je les ai finalement eues. Je vous parle des données concernant le projet phare de l’administration Plante visant la réalisation de 12 000 logements sociaux et abordables à Montréal d’ici à la fin de l’année.

Ces derniers mois, j’ai entendu toutes sortes de chiffres. Ça allait de 0 à 9000, en passant par 3000. On a parlé de projets en développement et d’autres qui étaient construits en mélangeant tout cela allègrement.

Rappelons qu’en juin 2020, la vérificatrice générale de la Ville de Montréal, Michèle Galipeau, écrivait dans un rapport qu’en date de septembre 2019, aucun logement promis dans le cadre du programme AccèsLogis n’était prêt.

Puis, en février 2021, Valérie Plante déclarait lors d’une séance du comité exécutif que « 9329 unités de logement [avaient] été construites », représentant 78 % de la cible des 12 000 logements.

Je ne suis pas promoteur immobilier, mais il me semble que les choses ont roulé en bébitte en 16 mois !

Mais qu’en est-il vraiment ?

Les vrais chiffres, les voici : sur les 12 000 logements sociaux et abordables promis, 11 564 ont été approuvés. De ce nombre, 7019 sont présentement occupés.

En ce qui a trait au logement abordable, sur les 7344 projets approuvés (on a dépassé l’objectif de 6000), 5937 sont présentement occupés.

Là où le bât blesse, c’est sur le plan du logement social : 4220 projets ont été approuvés, mais seulement 1082 sont présentement occupés.

Robert Beaudry, responsable de la gestion et de la planification immobilière ainsi que de l’habitation au comité exécutif, reconnaît qu’il a été plus difficile d’avancer avec le logement social. « On n’a pas les deux mains sur le volant. Malgré le statut de métropole qui nous permet d’adapter le programme, si on n’a pas le financement du gouvernement, on stagne. Quand la CAQ est arrivée au pouvoir, on n’a rien reçu pendant deux ans pour ensuite recevoir 25 millions au cours de la dernière année. Ça nous ralentit considérablement. »

Pour ces raisons, Robert Beaudry affirme qu’il est hasardeux de prévoir le développement du logement social à moyen terme. Un projet peut rester embryonnaire de deux à trois ans. « Chose certaine, les projets qui sont actuellement approuvés ont reçu leur financement. »

Je ne suis pas le seul à m’être égaré dans le magma de chiffres rapportés par la Ville (allez consulter le bilan par arrondissements de la Stratégie des 12 000 logements et dites-moi si vous y comprenez quelque chose). Dans un communiqué publié lundi soir, Balarama Holness, chef de Mouvement Montréal, a accusé Projet Montréal de « diffuser des informations erronées sur les données relatives au logement ».

« Au cours des quatre dernières années, l’administration de Valérie Plante a fabriqué à plusieurs reprises des statistiques sur le logement et n’a pas mis en œuvre les promesses politiques faites lors de l’élection municipale de 2017. Cette désinformation ne peut continuer à être diffusée lors de l’élection municipale de 2021 », lit-on dans ce communiqué.

Mouvement Montréal demande donc à Projet Montréal de publier des données claires et précises relatives au logement abordable et social depuis son arrivée au pouvoir. « Le problème, c’est que leur définition de l’abordabilité est fausse, reprend Balarama Holness. Le règlement sur la métropole mixte dit que 10 % en dessous du prix du marché, c’est abordable. Pour nous, ça ne l’est pas. »

J’ai compris pourquoi l’équipe de Valérie Plante n’était pas pressée de répondre à mes questions sur les 12 000 logements. On savait que la mairesse allait dévoiler mercredi sa promesse de construire 60 000 autres logements abordables si elle est réélue.

On le sent bien, Valérie Plante veut faire de la question du logement un axe majeur de sa campagne. Et un moyen d’attaquer son principal adversaire. Elle a consacré beaucoup de temps ces derniers jours à souligner le fait que Denis Coderre avait fait marche arrière sur la question de la hauteur des tours.

Sur les ondes d’ICI Première, mercredi matin, Patrick Masbourian a demandé à la mairesse de quelle façon elle avait l’intention de lutter contre la densification. Cette dernière a dit : « On peut faire de la densité. Ce n’est pas obligé d’être en hauteur. C’est une vieille façon de faire […] C’est l’occupation du sol, c’est le nombre de pieds carrés par plancher… On pourrait en jaser longtemps. »

Étonnant que la mairesse parle de pieds carrés par plancher, car c’est justement ce que dénoncent les promoteurs du futur projet des Faubourgs. En limitant la superficie à 750 mètres carrés pour les étages supérieurs, la Ville limite la possibilité de créer du logement social, familial et abordable, selon l’Institut de développement économique, qui affirme que cette mesure qui vise les Faubourgs va créer une augmentation des coûts.

On le voit bien, l’état du logement, peu importe le type de clientèle, est devenu un enjeu de taille dans l’actuelle campagne. Il est à souhaiter que les plans proposés par les candidats soient à la hauteur des besoins de la population.

À ce sujet, on pourrait peut-être commencer par une mise à jour du plan d’urbanisme avec lequel composent les administrations depuis… 1992. On ne cesse de dire que Montréal est une ville de son époque.

Parfois, j’en doute.

Appel à tous : le 7 novembre prochain, lorsque vous voterez aux élections municipales à Montréal, quel enjeu aurez-vous en tête ?

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