Pénurie de personnel dans les écoles

« Des choix déchirants »

La pénurie de personnel dans les écoles force les centres de services scolaires à faire « des choix déchirants », dit l’Association des directions générales scolaires du Québec. Si, au Lac-Saint-Jean, on a choisi de réduire le nombre de classes de maternelle 4 ans, ailleurs, on doit se résigner à maintenir les services « de base » aux élèves, sans en ajouter.

Mardi, le centre de services scolaire du Pays-des-Bleuets a annoncé qu’il avait pris la décision de fermer la moitié de ses classes de maternelle 4 ans à la prochaine rentrée en raison du manque d’enseignants.

Son directeur général, Patrice Boivin, a expliqué en entrevue à La Presse qu’il s’agissait d’une décision mûrement réfléchie. Le lendemain, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a déploré la fermeture prévue de ces classes et attribué la sortie du directeur général à son manque d’expérience.

Or, des sources qui ont demandé l’anonymat font remarquer que M. Boivin est dans le milieu scolaire depuis une trentaine d’années, comme enseignant, mais aussi comme gestionnaire. « C’est un gars d’expérience », dit l’une d’elles.

Le centre de services scolaire du Pays-des-Bleuets a indiqué jeudi que son directeur ne ferait pas de commentaires sur la déclaration du ministre. Une rencontre doit avoir lieu prochainement entre les deux hommes.

Il reste que la situation vécue au Lac-Saint-Jean « illustre éloquemment les choix déchirants auxquels font face [les] directions générales de centres de services scolaires dans un contexte de rareté de main-d’œuvre sans précédent », dit Lucien Maltais, président de l’Association des directions générales scolaires du Québec.

« Devant l’ampleur du défi que pose cette rareté, les directions générales font preuve de beaucoup d’ingéniosité et de créativité, en plus de déployer des efforts insoupçonnés de recrutement », poursuit M. Maltais.

Des services qui ne sont pas offerts

Il n’y a pas qu’au Lac-Saint-Jean que la pénurie force à revoir quels services on offre aux élèves.

En Abitibi, le centre de services scolaire de l’Or-et-des-Bois n’a pas fermé de classes de maternelle 4 ans, mais a lui aussi dû « réaménager » les services en orthopédagogie « dans quelques écoles seulement pour le moment », dit sa porte-parole, Caroline Neveu.

Elle précise que 10 % des enseignants sont non légalement qualifiés (c’est-à-dire qu’ils n’ont pas le brevet d’enseignement), mais « possèdent une expertise/formation en lien avec leur matière ».

Sur la Côte-Nord, le directeur du centre de services scolaire du Fer, Richard Poirier, explique qu’il n’a pas eu à prendre des « mesures aussi drastiques » que de fermer des classes, mais ajoute qu’il « y a certains services qui ne sont pas mis en place, faute de main-d’œuvre ».

Il cite l’exemple du tutorat qui ne peut être offert ou d’orthopédagogues qui deviennent titulaires de classe en l’absence d’enseignants. Dans la mesure du possible, ajoute-t-il, on tente de maintenir les services de base et d’éviter les ruptures de service.

« On pourrait recruter facilement une quinzaine d’enseignants additionnels demain matin. J’ai besoin de personnel professionnel, de personnel de soutien… », énumère M. Poirier.

Dans la région de Portneuf, près de Québec, on observe également que le recrutement de personnel est ardu.

« Nous sommes parfois à découvert dans certains corps d’emploi pour quelques jours, mais nous arrivons (jusqu’à présent) à nous débrouiller », écrit la directrice générale du centre de services scolaire de Portneuf, Marie-Claude Tardif.

« Nous n’envisageons pas non plus de devoir réduire les services complémentaires aux élèves pour le moment. Les augmenter sera plus difficile, par contre, faute de personnel… »

– Marie-Claude Tardif, directrice générale du centre de services scolaire de Portneuf

Chez les directions, on dit aussi qu’il faut faire des choix. « Il y a des subventions qui ne sont pas utilisées parce qu’on manque de personnel », dit Carl Ouellet, président de l’Association québécoise du personnel de direction des écoles.

« On essaie de ne pas couper dans les services, on priorise, mais parfois on n’a pas le choix : on n’offre pas le service », dit Carl Ouellet, qui estime qu’en l’absence de personnel suffisant, le problème sera « récurrent » pour « les huit ou dix prochaines années ».


EN SAVOIR PLUS

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Source: Source : ministère de l’Éducation (au 7 décembre 2022)

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Source: Source : ministère de l’Éducation (au 7 décembre 2022)

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