Programme de contestation judiciaire

La prolongation de l’entente avec l’Université d’Ottawa en suspens

Ottawa — Le ministre sortant du Patrimoine canadien, Steven Guilbeault, n’a pas encore décidé du sort de l’entente sur la gestion du Programme de contestation judiciaire (PCJ) qui a été confié à l’Université d’Ottawa. Le dossier est arrivé sur son bureau moins d’une semaine avant le déclenchement de la campagne, et le verdict n’est pas encore tombé.

« Décision attendue », est-il écrit au bas d’une note d’information au sujet de la « fin de l’accord de contribution actuel avec l’Université d’Ottawa », qui a été publiée sur un site web gouvernemental la semaine dernière. L’information a cependant été transmise le 9 août dernier à Steven Guilbeault, qui a la responsabilité de ce programme.

Le député réélu n’était pas disponible pour accorder une entrevue à ce sujet, a indiqué une de ses collaboratrices, transmettant nos questions au Ministère. Là, on a offert en guise de réponse : « Une décision est toujours attendue au sujet de l’entente avec l’Université d’Ottawa pour l’administration du Programme de contestation judiciaire ».

Le gouvernement n’a pas rendu public le contenu du document. Quant à la directrice du PCJ, Marika Giles Samson, elle n’a guère été plus loquace. « Nous n’avons pas de mise à jour aux informations disponibles dans la note d’information », a-t-elle signalé dans un courriel.

Pendant la campagne électorale, le chef bloquiste Yves-François Blanchet a exhorté les libéraux à retirer à l’Université d’Ottawa – devenue selon lui « un bras idéologique du multiculturalisme canadien » – les commandes du programme ressuscité en 2017 par le gouvernement Trudeau.

Invité à commenter la lenteur du gouvernement à faire son lit, lundi, le Bloc québécois a réitéré qu’« avant d’attribuer la gestion du programme, un comité doit se pencher sur la question », et y a vu une autre « démonstration que le gouvernement a déclenché des élections même s’il avait des dossiers à régler », a exposé la porte-parole Joanie Riopel.

Le PCJ est un outil permettant à des groupes d’obtenir un financement pour faire valoir leurs droits linguistiques ou leurs droits de la personne qui sont garantis en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés devant les tribunaux. Le Bloc craint qu’il puisse servir de véhicule pour contester la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21).

« Amalgames pas souhaitables »

Dans cette campagne comme lors de celle de 2019, Justin Trudeau n’a jamais écarté la possibilité que le gouvernement fédéral intervienne dans le dossier de la loi 21. Mais, dans le camp libéral, on insiste depuis le retour de ce programme – aboli en 2006 sous les conservateurs – sur le fait que le comité est un organisme indépendant du gouvernement.

C’est également la lecture du professeur de droit Benoît Pelletier. « Les difficultés qu’a l’Université d’Ottawa avec certaines controverses ne changent rien à la confiance que j’ai en cet organisme-là. Et je vous le dis sans parti pris », indique celui qui enseigne à cet établissement et qui se remet de graves complications liées à la COVID-19.

Il juge par ailleurs que le chef Yves-François Blanchet a poussé le bouchon en remettant ainsi en doute l’impartialité du PCJ.

« On comprend le contexte électoral, mais [Yves-François Blanchet] a exagéré et a remis en question sans le prouver, sans le démontrer, l’indépendance de l’organisme en faisant des amalgames qui ne sont pas souhaitables. »

– Benoît Pelletier, professeur à l'Université d'Ottawa

Le PCJ fait valoir et clarifie les droits en lien avec l’article 2 (libertés fondamentales, y compris la liberté de religion, d’expression, de réunion pacifique et d’association), l’article 3 (droits démocratiques), l’article 7 (droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne), l’article 15 (droit à l’égalité) ainsi que l’article 27 (multiculturalisme), entre autres.

L’Université d’Ottawa s’est retrouvée sous le feu des projecteurs ces derniers temps en raison de l’affaire de Verushka Lieutenant-Duval, réprimandée pour avoir utilisé le « mot commençant par n » dans un contexte d’enseignement, et à cause des sorties répétées d’un autre professeur, Amir Attaran, qui se plaît à qualifier le Québec de « raciste » et le premier ministre François Legault de « suprémaciste blanc ».

Le comité de gestion du Programme de contestation judiciaire est présidé par le recteur de l’établissement, Jacques Frémont, qui a été à la tête de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec avant d’entrer en fonction à l’Université d’Ottawa.

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