Centenaire de naissance de Fernand Nault

Pour un patrimoine vivant

Le 27 décembre 1920, naissait à Montréal Fernand Nault, danseur et chorégraphe émérite connu pour son ballet Casse-Noisette. Le centenaire de sa naissance est souligné tout au long de l’année avec l’évènement Faire danser le patrimoine. Au programme : capsule vidéo historique, exposition itinérante et projet de roman graphique biographique sur la vie de ce « géant de la danse ».

Il a été danseur et maître de ballet pendant plus de 20 ans pour l’American Ballet Theatre à New York, un exploit en soi dans les années 1940 pour un Canadien français issu d’un milieu populaire. Se joignant aux Grands Ballets Canadiens (GBC) en 1965 en tant que codirecteur artistique et chorégraphe attitré, il créa pour la compagnie montréalaise (et d’autres compagnies à l’international, dont le Washington Ballet) près d’une trentaine de pièces, dont les plus connues sont Casse-Noisette, Carmina Burana (programmée lors de d’Expo 67) et Tommy, un ballet rock sur la musique de The Who.

Fernand Nault, qui a été accablé dans les dernières années de sa vie par la maladie de Parkinson, détenait un « savoir incroyable », estime André Laprise, fiduciaire du Fonds chorégraphique Fernand Nault (FCFN). Ce dernier sait de quoi il parle, car il a travaillé de très près, pendant de nombreuses années comme répétiteur au sein des Grands Ballets, avec M. Nault. « Je le suivais comme un chien de poche ! », lance-t-il en riant.

C’est lui qui a convaincu le créateur, d’abord réticent, de faire en sorte que son répertoire ne disparaisse pas avec lui. Ainsi a été fondé, en 2003, soit trois ans avant le décès de M. Nault, ce fonds chorégraphique qui est une fiducie – une première au Canada – dont l’objectif est d’assurer la pérennité du répertoire chorégraphique de Fernand Nault, et de rendre accessibles ses œuvres auprès de diverses compagnies et écoles de formation au Québec, mais aussi à travers le monde. Par exemple, en 2019, le Colorado Ballet a repris son Carmina Burana, un ballet qui a remporté un vif succès, nous apprend M. Laprise.

« Fernand Nault est le Michel Tremblay, le Félix Leclerc, le Gilles Vigneault, le Robert Charlebois de la danse. Au Québec, on n’est pas trop fidèle à notre patrimoine. C’est important de reconnaître ce qu’il y a eu avant, d’aller au-delà de la société du jetable.  »

– André Laprise, fiduciaire du FCFN

Des initiatives diversifiées

Ce centenaire, amorcé à la fin 2020, s’étirera sur toute l’année 2021, et même au-delà. Il s’est organisé de façon « assez spontanée ». En tant que « chef de locomotive », M. Laprise a trouvé différents collaborateurs souhaitant contribuer, à leur façon, à garder vivant l’héritage du créateur. « Je voulais faire parler de la danse autrement, de la façon la plus diversifiée possible », déclare-t-il.

Ainsi, Postes Canada a lancé le printemps dernier un timbre commémoratif à l’effigie de Fernand Nault. Une exposition itinérante intitulée Fernand Nault : une passion, un legs, s’appuyant notamment sur des objets du Musée de la civilisation et des documents de la BAnQ et du FCFN, sera présentée à la galerie Montcalm, à Gatineau, en 2022, mais sans doute aussi en marge des prochaines représentations de Casse-Noisette par les Grands Ballets. Une capsule historique, avec la participation de l’historienne Marie Beaulieu, actuellement en montage, devrait être diffusée au cours des prochains mois.

Une vie « étonnante » en roman graphique

Une autre initiative est le roman graphique M. Nault, un projet mené par le duo mère-fille Catherine et Kerry-Anne Saouter. Diplômée de l’École des Beaux-Arts, la première est enseignante retraitée en sémiologie de l’image à l’UQAM, et se consacre désormais entièrement au dessin ; la seconde, diplômée de l’Université York, est recherchiste au contenu dans le monde du documentaire et vit en Écosse depuis cinq ans.

Ce n’est pas tout à fait un hasard si les deux femmes ont eu envie de raconter le parcours exceptionnel de Fernand Nault ; ancienne petite danseuse aux Grands Ballets, Kerry-Anne a dansé quelques fois dans Casse-Noisette – elle a même interprété le rôle-titre de Clara – à l’époque où M. Nault était encore en vie. Les deux femmes l’ont donc côtoyé, ainsi que M. Laprise.

« Le projet est né il y a six ans, à l’occasion du 50e anniversaire de Casse-Noisette. Lors d’un évènement, j’ai croisé M. Laprise, qui m’a lancé spontanément l’idée de faire un film sur la vie de M. Nault », raconte la jeune femme.

Avec l’idée de faire un documentaire en tête, Kerry-Anne Saouter a écrit un scénario, mais le projet n’a jamais abouti. En 2018, le projet du roman graphique s’est imposé, car évidemment, elle avait la personne toute désignée pour créer les illustrations : sa mère.

« Quand elle m’en a parlé, j’ai eu le trac ! L’idée était passionnante, mais je n’étais pas certaine d’être à la hauteur, confie Mme Saouter. Faire une bande dessinée, c’est un travail de moine, un marathon ! Mais très vite, j’ai embarqué à 100 %. »

« La contribution que Fernand Nault a faite à l’évolution culturelle du Québec est tout à fait passionnante, et elle mérite d’être connue. »

– Catherine Saouter, illustratrice du roman graphique M. Nault

Pourquoi cette histoire vaut-elle la peine d’être racontée ? « L’histoire de M. Nault est très peu dite, très peu racontée. Autant sa vie est incroyable et surprenante, autant on a très peu de traces de sa présence, mis à part ses ballets qui, eux, restent, grâce au travail de M. Laprise. Ce livre, il se veut vraiment comme une mémoire pour laisser une trace. Un ballet, s’il ne se danse pas, peut être oublié, et c’est la même chose pour une histoire », lance Kerry-Anne Saouter.

« La vie de M. Nault est une véritable chronique du XXe siècle, qui passe par de grands évènements de l’histoire internationale de façon tout à fait étonnante ; il était à Cuba au moment des dernières élections démocratiques, il a dansé en Russie à l’époque du rideau de fer, il a été reçu à la Maison-Blanche… », énumère Catherine Saouter.

Le roman graphique est aujourd’hui presque achevé. La prochaine étape : trouver un éditeur prêt à publier cette biographie romancée qui raconte, en une centaine de planches où on retrouve aussi des documents et photos d’archives, la vie de M. Nault, de son enfance, en 1925, alors qu’il découvre les comédies musicales dans un cinéma de la rue Sainte-Catherine, d’où naîtra sa passion pour la danse, en passant par son exil de 20 ans à New York et tous les moments forts de sa carrière. « On a eu la chance d’avoir accès aux lettres personnelles de M. Nault, une première, et c’est ce qui fait l’unicité de ce livre, car on a accès à sa parole, à une certaine intimité », conclut Kerry-Anne Saouter.

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