Réplique

Transition énergétiquE
Le travail inachevé de la Caisse de dépôt

En réponse au texte de Kim Thomassin de la Caisse de dépôt et placement du Québec, « Investir dans la transition énergétique », publié le 16 août

Kim Thomassin, vice-présidente responsable de l’investissement durable à la Caisse de dépôt et placement du Québec, a récemment signé une lettre faisant état du travail accompli par notre institution collective dans un contexte d’urgence climatique.

Chaque pas fait par nos institutions pour résoudre cette crise est important et doit être souligné. Il est cependant extrêmement important de cerner les lacunes de la stratégie de la Caisse et de les corriger sans attendre.

La première lacune importante est que les mesures adoptées par la Caisse ne sont pas proportionnelles aux efforts que la science nous montre qu’il faut faire pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C.

Bien qu’elle ait un objectif de décarbonisation complet pour 2050 et qu’elle soit arrivée en deux ans à diminuer de 20 % son empreinte carbone par dollar investi, elle ne s’est fixé aucun objectif intermédiaire qui respecterait les exigences de la science climatique.

En plus, aucun mécanisme ne la contraint à ce que les émissions totales liées à son portefeuille continuent de diminuer rapidement d’ici 2030. Il faut en effet diminuer globalement nos émissions de CO2 d’environ 50 % d’ici 2030, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), pour se donner une chance raisonnable de limiter le réchauffement à 1,5 °C, seuil au-delà duquel les risques d’emballement du climat sont très importants.

Ensuite, la Caisse affirme qu’elle voit dans la transition énergétique des occasions pour investir dans des actifs rentables et porteurs pour l’avenir, mais occulte complètement le piètre rendement actuel et antérieur de ses placements dans les énergies fossiles.

Alors qu’il était directeur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney avait bien expliqué pourquoi les investissements dans les énergies fossiles deviendraient des actifs échoués. Il avait ainsi tracé le chemin qu’aurait dû suivre la Caisse pour éviter les pertes financières.

La coalition Sortons la Caisse du carbone a mis en lumière une perte cumulative de 11 milliards entre 2011 et 2019 pour les 50 plus importants placements boursiers de la Caisse dans le pétrole et le gaz, cela en comparaison avec la performance des marchés boursiers. Avec la crise actuelle que traverse l’industrie du pétrole et du gaz, la Caisse est en voie d’augmenter cette perte à 13 milliards à la fin de 2020. La Caisse devrait reconnaître – comme pour les subprimes – son échec avec ses actifs échoués dans les énergies fossiles.

La Caisse ne peut plus se contenter de dire qu’elle continuera de réduire son exposition à la production de pétrole. C’est clairement insuffisant. Elle doit programmer sa sortie de toutes les énergies fossiles, dont le gaz et les infrastructures comme les pipelines et les gazoducs, et arrêter immédiatement d’y investir. Les demi-mesures nous font perdre des milliards chaque année, et son rapport d’investissement durable nous montre qu’il faut liquider ces entreprises pour arriver à diminuer son bilan carbone de moitié en 2030.

Le travail amorcé doit certes être reconnu, mais la Caisse ne peut plus le laisser inachevé. Elle doit apporter une contribution qui soit à la hauteur de l’urgence climatique.

Lisez « Investir dans la transition énergétique »

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