Décès d’une journaliste en Centrafrique

La communauté journalistique salue la jeune Camille Lepage

Le corps de la photojournaliste française Camille Lepage a été retrouvé mardi dernier par une patrouille près de la frontière camerounaise, en République centrafricaine. Elle a probablement été assassinée lors d’une embuscade, selon les informations diffusées dans la presse européenne. La jeune femme de 26 ans, très respectée par ses collègues et la communauté journalistique en général, était entièrement dévouée à son métier de journaliste, qu’elle pratiquait à la dure, en couvrant les conflits oubliés dans des conditions souvent difficiles.

Son dernier message Twitter, datant du 6 mai, montre à quel point elle se trouvait au cœur de l’action : « Je voyage avec les anti-Balaka jusqu’à Amada-Gaza, à environ 120 km de Berbérati. Nous avons quitté à 3 h 30 du matin afin d’éviter les postes de contrôle des Misca et il nous a fallu huit heures de moto, car il n’y a pas de routes praticables jusqu’au village. Dans la région d’Amada-Gaza, 150 personnes ont été tuées par les Seleka depuis le mois de mars. Une autre attaque a eu lieu dimanche qui a coûté la vie à six personnes. Le colonel Rock, anti-Balaka, a décidé d’envoyer ses hommes pour patrouiller et ramener à la maison, en toute sécurité, les gens qui s’étaient enfuis. »

Depuis 48 heures, les témoignages affluent sur les réseaux sociaux. En voici quelques-uns, recueillis sur Twitter et Facebook.

« Camille, c’était une jeune femme passionnée par ce qu’elle faisait. Elle en avait envie depuis une dizaine d’années, du photojournalisme. Elle était toujours dans cette logique d’aller sur des conflits où les médias n’allaient pas. Les conflits oubliés. Et elle recherchait des journaux assez libres de pensée. »

— Sa mère, en entrevue au Nouvel Observateur

« Elle était un être humain extraordinaire et une photographe talentueuse, et tellement jeune. Elle était en République centrafricaine avant beaucoup d’entre nous et a continué à couvrir l’histoire bien après le départ de plusieurs. Elle comprenait et portait profondément attention à ce qui se passait autour d’elle. Elle a passé les deux dernières semaines de sa vie dans un des endroits les plus reculés de la République centrafricaine, documentant des massacres dont personne n’avait entendu parler, se déplaçant à pied et en moto, dans des endroits sans route. »

— Peter Buckaert, Human Rights Watch, sur Facebook

« Elle a couvert la révolution égyptienne en 2011, elle était au Soudan du Sud en 2012. Puis elle est partie en République centrafricaine avant même les débuts de l’opération Sangaris. Selon ses confrères, elle s’est illustrée par son courage, allant toujours au-devant de l’action, au contact des ex-Seleka dans les quartiers de Bangui ou couvrant les opérations de désarmement. »

— Publié sur le site de Reporters sans frontières

« Ce n’était pas du tout une tête brûlée. Elle savait exactement ce qu’elle faisait. Elle prenait des risques pour faire son travail. »

— Virginie Terrasse, cofondatrice de l’agence Hans Lucas,
qui représentait Camille Lepage, citée par L’Express

« Elle était venue nous voir il y a environ deux ans, recommandée par un autre photographe. On a regardé son travail et on s’est dit qu’elle allait exploser dans les prochaines années. »

— Wilfrid Estève, responsable de l’agence Hans Lucas, cité par l’AFP

« Et tu avais compris que la compréhension ne s’acquiert pas en deux ou trois jours passés sur le terrain. Tu avais compris ce que la majorité d’entre nous, tes collègues, ne comprenons pas. Et qu’importe s’il te fallait vivre pauvrement, tu étais de celles qui vivaient leur métier comme une vocation. Et cette vocation, tu l’avais. Et tu avais du talent. Beaucoup. »

— Témoignage du journaliste Jonathan Pedneault, Facebook

Journalistes morts sur le terrain

2014 : 18 journalistes, 10 net-citoyens et citoyens-journalistes

2013 : 78 journalistes, 48 net-citoyens et citoyens-journalistes

SOURCES : LE BAROMÈTRE DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE, REPORTERS SANS FRONTIÈRES

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