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Se tourner vers l’écofiscalité pour les budgets municipaux

Au cours des prochains jours, les municipalités québécoises vont adopter leur budget 2022. D’autres villes l’adopteront dans les semaines à venir.

La crise des derniers mois, jumelée aux différents évènements météorologiques, a démontré la difficulté des villes à s’adapter rapidement à de telles contraintes. C’est pourquoi le gouvernement québécois doit régulièrement venir en aide aux municipalités. Ces dernières doivent également piger dans leur surplus ou abandonner des projets importants pour répondre à ces nouvelles contraintes financières. Cette situation est intenable à moyen terme, d’autant que la crise sanitaire n’est pas terminée et que la crise climatique va s’amplifier dans les prochaines années et décennies.

Si les villes doivent devenir plus résilientes face aux différentes crises, le budget des villes doit le devenir tout autant. Elles doivent avoir la flexibilité financière nécessaire pour mettre en place des mesures et investir dès aujourd’hui dans des infrastructures qui permettront de s’adapter aux crises actuelles et à venir, dont le réchauffement planétaire.

Aujourd’hui au Québec, sur la totalité des revenus des municipalités, la taxe foncière représente 50 %. Dans certaines villes, la proportion des revenus fonciers est beaucoup plus élevée, pouvant aller jusqu’à 78 %, par exemple, dans le cas de la ville de Québec.

Les deux autres principales sources de revenus pour les municipalités proviennent des services rendus et de la tarification (18,6 %), et des transferts de Québec (17 %).

Mettre fin à la dépendance à la taxe foncière

Pour être plus autonomes, les villes doivent avoir une plus grande diversité de sources de revenus. Ceci contribuerait à les rendre moins dépendantes de Québec. Elles doivent tout d’abord utiliser toutes les marges de manœuvre qu’elles détiennent. Nous parlons plus particulièrement des pouvoirs de tarification qu’elles peuvent diversifier pour réduire la proportion de la taxe foncière.

Pour ce faire, les villes devraient rapidement adopter des mesures d’écofiscalité. Sous le principe de pollueur-payeur, cette orientation budgétaire leur offrirait une plus grande marge de manœuvre financière à court et à moyen terme, tout en œuvrant efficacement contre certaines nuisances environnementales.

Voici quelques exemples de mesures d’écofiscalité que les villes pourraient utiliser.

La première est la tarification des matières résiduelles envoyées au dépotoir. Déjà, plusieurs villes le font au Québec.

Au Canada, les Québécois sont en queue de peloton en envoyant annuellement au dépotoir 385 kg de déchets par personne.

Cette mesure fiscale aurait pour effet d’induire de meilleurs comportements chez les citoyens, tout en réduisant les coûts liés à l’enfouissement pour les villes.

Ensuite, les villes pourraient utiliser la tarification de la surconsommation d’eau potable et son utilisation commerciale. Encore une fois, les Québécois sont les champions avec une consommation de 400 litres d’eau par jour, comparativement à 329 litres en moyenne par Canadien. On doit envisager l’utilisation des compteurs d’eau chez tous les utilisateurs de la ressource.

Plusieurs entreprises font des profits grâce à l’eau potable produite par les villes. Au Québec, les villes ne peuvent pas faire de profits sur des biens et services qu’elles produisent. Le gouvernement devrait modifier cette lacune législative, ce qui permettrait aux villes de facturer plus cher l’utilisation de l’eau potable à des fins commerciales.

Par exemple, les villes pourraient imposer un tarif plus élevé sur l’utilisation de l’eau potable qu’elles produisent servant à la fabrication de la bière et de boissons gazeuses.

L’imposition d’un tarif plus élevé lors de l’émission de permis de construction selon le taux de minéralisation du sol des projets immobiliers devrait aussi être sérieusement envisagée. Plus le sol est imperméable, plus l’eau de pluie se déverse dans les conduites d’égouts. Les coûts des refoulements d’égouts, des bris de conduites et des inondations saisonnières augmenteront avec la crise climatique. Il faut donc prendre tous les moyens pour réduire la minéralisation des sols en ville.

Finalement, on ne peut parler d’écofiscalité sans parler de la tarification sur l’utilisation de l’auto solo. Au Québec, c’est l’une des premières causes des émissions de gaz à effet de serre. Certaines villes ayant de plus grandes densités de population devraient utiliser davantage la tarification des stationnements commerciaux et sur rue. On doit aussi envisager sérieusement l’utilisation des péages routiers dans certains cas.

Les villes peuvent déjà agir pour diversifier leurs sources de revenus. En utilisant les principes de l’écofiscalité, cela aura un impact double grâce à la réduction de certaines dépenses. Néanmoins, nous ne pouvons envisager une plus grande autonomie fiscale sans revoir le pacte fiscal avec Québec. C’est ce dont nous parlerons dans le prochain texte.

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