Électro

Pur envoûtement

Lovers
Kid Francescoli
Audiogram
Quatre étoiles

Avec son cinquième album, Lovers, le Marseillais Kid Francescoli (né Mathieu Hocine) démontre qu’il est un maître de l’électro langoureuse, dansante et mélancolique. 

Nos sens sont hypnotisés dès la pièce d’ouverture, Alive, portée par la voix éthérée de Nassee. Avec un doux parfum de films de la Nouvelle Vague, la musique enjôleuse de Kid Francescoli se distingue par son raffinement et son élégance. Pas étonnant que ses pièces aient magnifié des publicités de Lanvin, Lacoste, Chanel et Lancôme. 

Alors que son ex-flamme Julia Minkin figurait sur ses derniers albums, Kid Francescoli s’est entouré de quatre nouvelles voix féminines pour Lovers, soit IONI, Sarah Rebecca, Nassee et Samantha. Cette dernière chante en portugais sur Eu Quero

Si chaque pièce est une réussite, c’est l’album dans son tout qui crée un doux sentiment d’ivresse.

Pop

Ordinaire

Supervision
La Roux
Believe
Deux étoiles et demie

Nous sommes nombreux à avoir perdu de vue La Roux, qui s’est fait connaître en 2009 avec ses tubes Bulletproof et In for the Kill. Or, Supervision n’est que son troisième album. Elle a pris son temps depuis Trouble in Paradise, sorti en 2014. Si bien qu’il est surprenant de ne trouver ici que huit chansons. Et des chansons somme toute bien ordinaires. 

Il fut un temps où l’on disait qu’un album pop pouvait contenir deux ou trois tubes et du « remplissage ». Or, aucune chanson de Supervision ne ressort du lot. À l’ère de la musique en continu, on pourrait dire que c’est du remplissage de listes d’écoute. 

De la pop d’ambiance avec des arrangements et des sonorités eighties et disco entraînants, mais qui ne sont propulsés par aucun refrain enjôleur… 

Dignes de mention, les textes ont néanmoins une belle profondeur, mais les musiques ne sont pas à la hauteur pour les mettre en relief.

Rock-grunge-psychédélique

Le cauchemar mélodique se poursuit

Fruit-Dieu
Fuudge
Lazy at Work
Trois étoiles et demie

Disons-le d’emblée : avec ce deuxième album long, Fuudge confirme sa place de choix sur la scène rock alternative québécoise, après le succès critique de son premier opus, Les matricides, paru en novembre 2018. 

On retrouve au menu de cette divine et impétueuse offrande le stoner pesant, mêlé de grunge, qui a fait la marque de la formation.

Ces 12 pièces témoignent à nouveau du talent de David Bujold – multi-instrumentiste, chanteur, parolier, compositeur – à extraire de ses entrailles une musique texturée et décapante, dont font foi Le goût de ta chair, Enterré vivant, Une tête comme la tienne, Din vidanges II et autres Beurrée d’marde, qui n’en demeure pas moins mélodique. 

Le maître d’œuvre, entouré de ses complices Olivier Laroche (batterie), Pierre Alexandre (basse) et Vincent LaBoissonnière (synthé), ne craint pas de tremper en eaux moins tumultueuses, entrecoupant çà et là ses riffs virulents, prévalents sur l’album, d’envolées psychédéliques très années 60 (Mourir j’aime trop ça, Tu peux prendre mon âme) et proposant mélodies et harmonies vocales « beatlesques » (Fruit-Dieu n’aurait franchement pas détonné sur Abbey Road).

L’agilité créative avec laquelle Fuudge explore les nuances du rock, tout en restant mordant, en fait déjà une figure de proue.

Offert en vinyle et sur les plateformes numériques

Rock-punk-pop

Robuste, mais générique

Father of All Motherfuckers
Green Day
Reprise

On n’aurait pas cru que Green Day, d’abord remarqué pour son pop-punk d’ado attardé, s’imposerait un jour avec un disque aussi solide qu’American Idiot (2004). Sans aller jusqu’à dire que c’est un accident de parcours, le power trio n’a pas toujours sur transcender ses ambitions par la suite.

Father of All Motherfuckers n’a rien d’un album politique. Sauf si on considère que de ne pas en souffler mot est un commentaire en lui-même… 

Ce très court album – moins de 27 minutes – se veut plus léger et dansant. Les deux premiers morceaux font moins punk que rock garage avec un coup de hanche évoquant The Hives. Il se dégage de ces 10 morceaux une envie de légèreté et d’innocence et un parfum parfois rétro (le rock bluesé Stab You in the Heart). De nostalgie d’adolescence aussi. 

Ça sonne à crever les haut-parleurs, comme toujours chez Green Day, c’est très accrocheur par moments, mais assez générique au bout du compte.

Folk-pop-rétro

Le charme rétro opère

Tu ne mourras pas
Maude Audet
Grosse Boîte
Quatre étoiles

Sur son album précédent, Comme une odeur de déclin, paru en 2017, sacré meilleur album folk au GAMIQ et nommé pour l’album alternatif à l’ADISQ en 2018, Maude Audet mettait de l’avant ses influences grunge.

L’auteure-compositrice-interprète délaisse sur son troisième opus le folk-rock à l’écrin plus épuré qu’on lui connaissait pour une folk-pop orchestrale et satinée ancrée dans les années 60 et 70, évoquant l’univers de Simon and Garfunkel, des sœurs McGarrigle ou de Leonard Cohen. 

Dès la « cohenesque » Tu trembleras encore et la résolument rétro Demande-moi, pièces d’ouverture de cet élégant Tu ne mourras pas, se déploient de somptueux arrangements de cordes, qui font merveille tout au long du disque. Et que dire de cette flûte traversière aérienne (jouée par Anna Frances Meyer, des Deuxluxes), qui contribue délicieusement au cachet rétro de l’album. 

Cette facture à plus grand déploiement magnifie en outre la voix délicate d’Audet, à laquelle se joint celle de Philippe B le temps d’une chanson. Avec des pièces comme Nos bras lâches, Tu ne mourras pas ou Juste un peu de temps, Maude Audet a conçu des mélodies émouvantes comme jamais – et immortelles. 

Si elle remercie son amoureux « d’enlacer le temps avec [elle] », on la remercie de nous enlacer de sa musique soyeuse faisant fi des tendances. Son album ne mourra pas.

Offert en CD, en vinyle et sur les plateformes de diffusion en continu

Électro

Poésie électro

Nos jours ne sont plus les mêmes
Ludo Pin
Chalet Musique
Trois étoiles

Avec ce quatrième album en une douzaine d’années, le Montréalais d’adoption Ludo Pin propose un univers plutôt sombre. En effet, les 10 chansons qui composent Nos jours ne sont plus les mêmes ne laissent pas beaucoup de place à la lumière : le monde va mal, les peines d’amour sont douloureuses, et on va tous mourir un jour. 

Ludo Pin est avant tout un écrivain qui couche sur papier des textes denses et bien construits, une poésie en prose aux images fortes. C’est avec son complice Navet Confit qu’il met ensuite en musique et enrobe les pièces, soutenues par des rythmes électros, des séquences d’échantillonnage, des touches de rap, parfois un peu de guitare. 

Les chansons au tempo majoritairement lent, parfois sans refrain, manquent malgré tout d’air. Et si Ludo Pin, qui dit beaucoup plus qu’il ne chante, fait souvent penser à Jérôme Minière, il lui manque cette légèreté qui rendrait l’ensemble plus assimilable. 

Malgré quelques chansons vraiment réussies – La fin du monde, La mer à boire –, on ressort de l’écoute de cet album plutôt alourdi. Mais si on prend la peine d’écouter les textes, avec aussi l’impression d’avoir découvert une vraie plume. 

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