MUSIQUE ALACLAIR ENSEMBLE
L’ « antimarketing » selon Alaclair
HIP-HOP
Alaclair Ensemble
Indépendant
La Presse
Un an à peine a passé depuis le marquant
, et déjà, le collectif rap – ou post-rigodon – étend les tentacules de son imaginaire à la fois réfléchi et débridé, absurde et habité. Sans maison de disques ni imprésario, Alaclair Ensemble prouve une fois de plus que la musique est d’abord affaire d’occasions plutôt qu’occasion d’affaires. À Dare to Care, label auquel plusieurs bands rêvent de se joindre un jour, ils ont préféré Instagram, Facebook, Twitter et Gmail. Pour les mélomanes branchés, tous les chemins virtuels mènent tôt ou tard à un de leurs concerts, raison d’être et vache à lait du groupe.Sur
, les six membres d’Alaclair cuisinent une troisième galette pas plate du tout où l’afrobeat ( ) se mêle à l’électro ( ), à la ballade ( ) et au rap américain, un bagage éclectique qui témoigne d’influences diverses, fibre pop en filigrane.Peu enthousiasmés par la scène rap actuelle, ils succombent d’autant plus à l’appel de l’exploration. « Nous avons beaucoup d’outils dans notre coffre, mais le rap en est un qui revient souvent, dit le chanteur Maybe Watson, attablé au café Placard, avenue du Mont-Royal. C’est quoi le rap, sinon que de rimer sur du rythme ? »
« Jean Leloup rappe, Dédé Fortin rappait, Red Hot Chili Peppers rappe aussi… Après, c’est une question d’enrobage et d’étiquette, continue son collègue Ogden Ridjanovic, gestionnaire web de l’univers Alaclair.
« Dire qu’on fait du post-rigodon, c’est aussi une manière de ne pas se limiter. »
— Ogden Ridjanovic
La nouvelle offrande a été composée et enregistrée en 10 jours l’hiver dernier à Stoneham, dans les Laurentides. « Dix jours de party », mais aussi d’intense création.
Encore une fois, Alaclair charrie un jargon et défend une terre riche : sur la pochette de
, le premier ministre « Stivon Harpon » arbore fièrement les couleurs de la république libre du Bas-Canada, ce pays fantasmé qui a pourtant existé – très provisoirement – sous l’égide du patriote anglophone Robert Nelson. C’est d'ailleurs ce personnage historique qui sert d’alias à Ogden Ridjanovic, dont le nom trahit les origines polonaises.Post-rigodon, Bas-Canada, patriote : les références identitaires sont subtiles et secondaires, mais suffisantes pour susciter des raccourcis qui ont agacé les musiciens. « Oui, on a des positions politiques, mais on n’a pas de plan pour quoi que ce soit, dit Ogden. Par exemple, moi, je me considère comme souverainiste, mais on ne veut pas que notre groupe soit associé à une cause, parce qu’on parle autant d’animaux, de bouffe et de nos chums dans nos chansons, et on préfère qu’il n’y ait pas de hiérarchie dans nos thèmes ». « Quoique la bouffe est pas mal au top », confesse Maybe Watson en riant.
Alaclair a donc préféré se jouer des associations et simplement… jouer. En créant un monde fictif, quoiqu’ancré dans le passé ; en engloutissant ses positions dans l’absurde ; et surtout, en misant sur cette complicité rare qu’ils entretiennent avec leurs fans de toutes allégeances.
Une formule qui paie, à voir le public qui se déplace à chacun des concerts d’Alaclair. « Toute est impossible, mais on fonce pareil », lance Ogden.