OPINION

Savoir utiliser les termes « violence conjugale »

Un article au titre très accrocheur publié récemment dans La Presse+ présentait des données recueillies par Statistique Canada sur la violence conjugale.

Quelques personnes de mon entourage ont partagé le texte avec moi, se questionnant sur les informations comprises à l’intérieur de cet article. Je préciserai de prime abord que je crois et suis persuadée que des hommes sont victimes de violence conjugale et que je souhaite qu’ils aillent chercher et qu’ils reçoivent l’aide nécessaire. Ce qui me dérange, c’est l’utilisation des termes « violence conjugale » à toutes les sauces.

Dans le plan d’action gouvernemental 2012-2017 en matière de violence conjugale du secrétariat à la condition féminine, on donne cette définition : « La violence conjugale comprend les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi que les actes de domination sur le plan économique. Elle ne résulte pas d’une perte de contrôle, mais constitue, au contraire, un moyen choisi pour dominer l’autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. »

Le climat dans lequel les actes de violence sont posés est primordial, et c’est pour cette raison que je ne crois pas que l’on puisse parler de violence conjugale dans ledit rapport, mais plutôt de violence dans les relations amoureuses ou conjugales.

La violence conjugale s’inscrit dans un contexte de domination et de contrôle d’un conjoint sur l’autre. Il n’est pas précisé que c’est ce concept qui a été étudié par Statistique Canada. Comment peut-on alors dire qu’il s’agisse de violence conjugale ? Certains actes de violence s’inscrivent dans un climat de contrôle ou de domination, c’est-à-dire les formes graves présentées dans le rapport « agressées sexuellement, battues, étranglées ou menacées avec une arme à feu ou un couteau ».

Celles-ci, vous remarquerez, sont majoritairement rapportées par des femmes. Les autres actes de violence rapportés dans l’étude, « Ont reçu des coups de pied ou ont été mordues, frappées ou frappées avec un objet ; ont été poussées, empoignées, bousculées ou giflées ; ont été menacées d’être frappées ou on leur a lancé quelque chose », peuvent s’inscrire, oui, dans un contexte de violence conjugale, mais aussi dans un contexte de résistance (ou de légitime défense), ainsi qu’un contexte de conflit qui dégénère entre conjoints. Le contexte, le climat dans ces deux types de situations, est bien différent de celui de la violence conjugale. Les actes ne sont pas moins graves, mais ne disons pas d’emblée qu’il s’agit là de violence conjugale.

De plus, ce qui est dommage lorsqu’on lit ce rapport, c’est qu’on se rend compte que seules deux formes de violence ont été abordées : la violence physique et la violence sexuelle. Qu’en est-il de la violence verbale ? Psychologique ? Économique ? La violence conjugale ne se traduit pas simplement par des actes physiques, et dire que le rapport présente un état de la violence conjugale est trompeur puisqu’une portion importante de sa définition est mise de côté.

Le fait que l’on considère les résultats de l’étude comme étant des données sur la violence conjugale me dérange et montre qu’encore aujourd’hui, on ne sait pas réellement ce qu’il en est.

Si on s’en tient à la définition réelle de la violence conjugale, ce sont malheureusement encore les femmes qui en sont le plus victimes. Je vous invite à consulter les données contenues dans l’étude de Statistique Canada avec prudence, en ne tirant pas de conclusions hâtives sur un concept et une méthode de collecte de données très peu détaillées.

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