CRITIQUE INSTRUCTIONS POUR UN ÉVENTUEL…

Brillant duo d’acteurs

Les critiques de l’économie libérale avancent parfois que le capitalisme serait mené par des pulsions de mort… « Ignorer Freud en économie, c’est à peu près l’équivalent d’ignorer Einstein en physique ! », a écrit le journaliste et économiste français Bernard Maris.

Avec sa pièce Instructions pour un éventuel gouvernement socialiste qui voudrait abolir la fête de Noël (décidément, c’est la saison des longs titres !), l’auteur anglais Michael MacKenzie expose la faille sous l’armure des rois de la haute finance. Dans un drame à deux personnages aux antipodes : un courtier multimillionnaire de Wall Street et une jeune autiste, surdouée en mathématiques – le genre qui peut calculer en une nanoseconde les facteurs de risque sur tel investissement.

Luc Picard joue Jason, courtier de la haute finance. L’acteur fait ici un brillant retour sur les planches. La scène débute dans son bureau, la nuit où a commencé la crise financière de 2008, quelques heures après que la banque d’investissement Lehman Brothers eut déclaré faillite. Il est donc très fébrile et expéditif avec son assistante (Sophie Desmarais, bouleversante dans le rôle de Cass, aussi intelligente dans son domaine que vulnérable en société !).

Celle-ci est de retour d’un congé de maladie. Elle fait souvent référence à « l’épisode », sans en dire plus, car son patron semble mal à l’aise avec le sujet ; comme, d’ailleurs, avec tous les sujets qui ne concernent pas l’argent et les profits faramineux.

Alors que MacKenzie aurait pu écrire un lourd pamphlet, une œuvre didactique sur les méfaits du capitalisme sauvage, il a plutôt fait un thriller, intelligent et captivant (la traduction signée Alexis Martin est parfaite).

Sur les murs de chaque côté du plateau, le metteur en scène Marc Beaupré (qui a bien dirigé la partition et ses interprètes) fait défiler des séries de gros chiffres. Des nombres décroissants qui rappellent à la fois la volatilité de la dette nationale, la chute du portefeuille du courtier vorace, ou simplement le temps qui s’écoule.

Car la pièce expose bien sûr le paradoxe de la sécurité financière. La part d’abstraction dans l’économie à risque et les cotes de la Bourse. Alors que la réalité humaine existera toujours envers et contre le marché.

Du haut de ses milliards, Jason s’illusionne. Et le roi va se retrouver nu.

Au Théâtre d’Aujourd’hui, jusqu’au 2 novembre.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.