extrait

À proximité des milieux urbains ?

Un peu partout dans le monde, la destruction de l’habitat des espèces est la principale cause de la perte de la biodiversité. Le plus grand défi que rencontre la protection des milieux naturels réside donc, comme le disent plusieurs chercheurs, dans l’expansion incontrôlée des villes. Ainsi, la solution se trouve au cœur des décisions des municipalités.

Bien sûr, les milieux naturels sont d’abord l’habitat de plusieurs espèces végétales et animales. Celles-ci ont besoin de cet endroit pour vivre, se nourrir et se reproduire. Sans un environnement adéquat pour évoluer, les espèces dépérissent jusqu’à en mourir.

On sait aussi que les animaux et les plantes auront besoin de milieux naturels pour se déplacer. En effet, le réchauffement climatique entraîne une sérieuse transformation des écosystèmes, obligeant diverses populations à migrer à raison d’environ 42 kilomètres par décennie, ce qui est facilement envisageable pour un cerf ou un renard… mais beaucoup moins pour une plante (30 kilomètres/10 ans) ou un arbre (15 kilomètres/10 ans). Donc, oui, les milieux naturels sont importants pour la faune et la flore, mais qu’en est-il pour les villes et les humains ?

En ce qui a trait à la qualité de l’air, les milieux naturels valent leur pesant d’or. Chaque hectare de forêt en milieu urbain absorbe 110 kg de polluants atmosphériques par année.

Selon François Reeves, un cardiologue québécois de renommée internationale, la présence de verdure dans notre milieu influence grandement la survenue ou non de maladies cardiovasculaires.

En effet, dans une étude liée à l’agrile du frêne (un insecte ravageur qui s’attaque aux frênes) ayant été menée aux États-Unis, les chercheurs concluent que la diminution d’arbres dans un milieu urbain est directement associée à une augmentation des risques de mourir d’une maladie liée au système cardiovasculaire.

En matière d’emploi, les milieux naturels jouent aussi un rôle majeur dans le développement économique. Pensons-y : environ 340 000 Québécois et Québécoises pratiquent au moins une activité de loisir liée à la faune et à la nature, et dépensent environ 2010 $ par année, ce qui crée environ 32 100 emplois au Québec.

Quant aux services rendus aux municipalités, les milieux naturels agissent comme de véritables infrastructures naturelles au service des villes, qu’on pense à un arbre quelconque à Saint-Henri, au petit boisé à proximité de la maison ou encore au mont Saint-Bruno et aux hectares d’étangs et de marais à La Prairie.

En ce qui concerne la prévention des inondations, les milieux naturels auraient pu jouer un rôle de premier plan pour contrôler les zones inondées en 2017 et en 2019 dans le sud du Québec. Lors de ces crises, 261 (2017) et 310 (2019) municipalités ont été touchées. Il faut savoir que la destruction des milieux humides orchestrée au cours des dernières décennies a affecté de façon considérable la régulation des crues de plusieurs bassins versants et que le maintien de ces milieux humides permet de diminuer d’environ 38 % les coûts engendrés lors d’inondations. Il aurait donc fallu y penser deux fois avant de les détruire ; ils sont les tuyaux et les bassins de rétention naturels qui sont nécessaires à nos villes.

New York s’est d’ailleurs donné comme objectif de gérer son eau pluviale par le biais d’infrastructures naturelles telles que des saillies de trottoir végétalisées ou encore des parcs qui permettent de percoler le premier pouce d’eau de pluie à travers le sol, diminuant ainsi les chances de connaître des inondations.

Ajoutons à cela le constat du Bureau d’assurance du Canada voulant que « l’augmentation de la fréquence des évènements météo extrêmes, tels que les pluies diluviennes qui se sont abattues sur le Québec au cours des dernières années, a révélé la fragilité des infrastructures à certains endroits ». L’inquiétude pour le secteur financier est donc bien réelle. Garder nos milieux naturels dans nos villes est la stratégie la plus efficace pour ne pas encombrer nos canalisations et nos stations d’épuration d’eau. En bref, les milieux naturels contrôlent les eaux de ruissellement, préviennent les inondations en gérant l’eau pluviale, contrôlent l’érosion et diminuent la quantité d’eau qui va dans les infrastructures. Prenons-en soin.

Selon les recherches de Jérôme Dupras, titulaire de la Chaire de recherche en économie écologique de l’Université du Québec en Outaouais, chaque hectare de forêt urbaine et périurbaine rend, grâce à tout ce qu’elle accomplit, des services d’une valeur équivalant à 25 000 $ par année à la municipalité.

Pensons-y avant de détruire une forêt.

La Ville de Québec l’a bien compris. De son côté, elle a décidé, en 2019, de protéger 82 terrains autour de sa prise d’eau, le lac Saint-Charles, de manière à utiliser ces milieux naturels comme un véritable filtre pour en assurer la qualité. En protégeant ces emplacements, elle évite que d’autres routes et d’autres constructions viennent affecter son bassin versant. Résultat ? En protégeant le couvert forestier de sa prise d’eau, elle diminue la quantité de produits chimiques nécessaire pour traiter son eau potable, un facteur important d’augmentation des frais liés à l’eau potable pour les villes.

Bref, les milieux naturels se retrouvent souvent sous la pression du développement immobilier. Cependant, avant de décider si l’on veut détruire des milieux naturels ou non, il faudrait savoir quels services ils nous offrent. Ici, nous avons pu voir qu’ils sont nécessaires pour la faune, qu’ils filtrent l’air, qu’ils nous rendent moins sujets aux maladies cardiovasculaires, qu’ils créent des emplois, qu’ils rendent nos villes plus résilientes face aux inondations et à la chaleur, et qu’ils filtrent notre eau potable.

Les milieux naturels rendent plusieurs services aux villes et à la population.

Ce sont donc des infrastructures que l’on peut appeler naturelles.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.