hockey camp d’évaluation de la lnh

Moments choisis de la dernière journée du camp d’évaluation des espoirs de la LNH, à Buffalo

Dans la salle d’entrevue du Canadien

Buffalo — Michael Hage avait une certaine idée de ce qui l’attendait dans la loge du KeyBank Center où le Canadien menait ses entrevues. Après tout, le mot commence à se passer. Depuis plusieurs années déjà, Montréal demande systématiquement aux joueurs de dire quel animal ils sont sur la glace et en dehors de la glace.

Mais Hage, un Ontarien aux racines québécoises qui joue pour le Steel de Chicago, ne s’attendait pas à ceci.

« Le psychologue m’a fait une mise en situation, a raconté Hage, en entrevue à La Presse vendredi. On est à l’hôtel, on joue au Madison Square Garden le lendemain. Ton cochambreur décide de sortir à 23 h et rentre à 3 h du matin. Le lendemain, Martin St-Louis te demande si c’est vrai que ton cochambreur est rentré à 3 h. »

Hage a réfléchi.

« Je ne le dénonce pas.

— Donc tu ne veux pas te débarrasser des gars qui ne veulent pas gagner ? a lancé une des personnes de hockey du CH dans la pièce.

— C’est mon coéquipier, je vais probablement lui parler pour le ramener dans le droit chemin. Mais s’il ne change pas, ma réponse changera peut-être. »

Hage semblait plutôt fier de son coup en nous racontant l’histoire. « Je pense qu’ils ont aimé ma réponse. Si tu dis en partant que tu dénonces ton coéquipier, ils vont t’accuser d’être une taupe. »

Le DDave Scott, conseiller en psychologie, est réputé depuis quelques années pour des questions du genre aux espoirs que le Tricolore interviewe au camp d’évaluation de la LNH, qui s’est tenu encore cette année à Buffalo. Les joueurs sondés ne l’ont pas appelé par son nom, mais tous ont mentionné le « docteur » ou le « psychologue » dans la salle.

Du reste, les membres de l’état-major du CH qui assistaient aux entrevues variaient d’un joueur à l’autre. Martin Lapointe, directeur du recrutement amateur, était systématiquement nommé parmi les personnes présentes dans la pièce. Certains ont reconnu Nick Bobrov, codirecteur du recrutement amateur. Kent Hughes et Jeff Gorton ? Tout dépend du moment de la semaine, puisqu’ils ont quitté la ville en milieu de semaine. John Sedgwick, directeur général adjoint, a aussi assisté à ces rencontres. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.

Une bataille fictive avec Xhekaj

Sacha Boisvert a lui aussi eu droit à une mise en situation fictive.

« Au début, les questions portent sur ta famille, raconte le Trifluvien, considéré comme un possible choix de 1er tour cette année. Ensuite, M. Lapointe m’a fait une mise en situation avec Arber Xhekaj. C’était à l’entraînement : tu as cinq batailles pour la rondelle contre lui, et tu gagnes les quatre premières. Il vient te voir et te dit : “Laisse-moi gagner la cinquième.”

— Je suis un compétiteur, aucune chance que je le laisse gagner, de répondre Boisvert.

— OK, le lendemain, tu as un match contre lui. Que penses-tu qu’il fait ?

— Il me demande de me battre.

— Tu dis quoi ?

— Je n’ai pas le choix de me battre contre lui, ça ne me dérange pas ! »

Boisvert, réputé pour son amour du jeu rude, a donc offert une réponse qui allait de pair avec le genre de joueur qu’il est. « Ensuite, l’autre gars dans la pièce m’intimidait, il me regardait avec un look intense pour voir si j’allais craquer. J’ai gardé ma game face. »

« Ils essayaient d’être durs, d’intimider. J’ai aimé ça, c’était un challenge différent des autres équipes », a poursuivi le jeune homme.

A. J. Spellacy, un Américain membre des Spitfires de Windsor, raconte que c’est Martin Lapointe qui a principalement mené son entrevue. Mais le « psychologue », comme il l’appelle, est aussi intervenu.

« Il m’a demandé : “Tu es en avion et le pilote te demande si tu préfères qu’il réussisse son atterrissage ou qu’il fasse de son mieux.” J’ai dit que s’il fait de son mieux, il va réussir l’atterrissage. C’est pour ça qu’il est le pilote ! »

— A. J. Spellacy

Personne n’a semblé traumatisé outre mesure par l’exercice, même que plusieurs joueurs ont semblé apprécier l’expérience. Plusieurs de ces espoirs ont été interviewés par plus de 20 équipes ; Michael Hage en a rencontré 31. Dans ces circonstances, ces joueurs ne disent pas non à un brin de variété.

« Ça se démarque des autres équipes et c’était plaisant, a estimé Sam Dickinson, un des défenseurs les plus en vue de la cuvée 2024. Ils sont forts pour voir comment tu réagis à la pression et si tu vas modifier ta réponse. »

Berkly Catton, un attaquant attendu dans le top 10, croit que c’est surtout « en te demandant pourquoi » que le Tricolore se distingue. « C’est facile de donner une réponse, mais pas de la justifier. Comment peut-on savoir que tu dis la vérité ? J’ai vraiment aimé cette entrevue. »

Artyom Levshunov, un Biélorusse à la personnalité très forte, a utilisé le feu contre le feu. « Après une de mes réponses, ils m’ont demandé de me justifier et j’ai dit : “Vous, vous en pensez quoi ?” » Voilà qui peut expliquer pourquoi un des membres de l’état-major de Montréal nous l’a décrit comme « tout un personnage ».

Au bout du compte, ces entrevues menées par le CH ne sont qu’un élément du complexe processus d’évaluation qui mènera au repêchage dans trois semaines.

Le boulot abattu par les recruteurs en cours de saison et les entrevues avec les entraîneurs des jeunes comptent évidemment pour beaucoup.

Les tests physiques auxquels se prêtaient les espoirs samedi apportent un autre élément. Lapointe, Bobrov, Billy Ryan (directeur de l’évaluation des joueurs et dépisteur amateur) et Dale Lablans (entraîneur du conditionnement physique) ont été aperçus sur les lieux.

Les jeux de l’Avalanche

Cela dit, Montréal n’a pas le monopole des questions hors norme.

Les entrevues de l’Avalanche du Colorado ont aussi retenu l’attention. Depuis quelques années, les anciens Nordiques se distinguent en invitant les espoirs à participer à des jeux au fil de la rencontre.

Spencer Gill, par exemple, a été invité à un jeu dont le but est de tirer des mini-rondelles avec un élastique. « Tu peux choisir contre qui tu joues parmi leur personnel et ils affichent un classement. J’ai choisi d’affronter le meneur. Et tu dois jouer pour une personne, donc j’ai choisi le dernier », a décrit le Néo-Brunswickois, défenseur de l’Océanic de Rimouski.

L’Avalanche a également tenté de coincer Gill en lui demandant comment il s’y prendrait pour affronter Nathan MacKinnon et Cale Makar, mais surtout ce qu’il dirait au vétéran Andrew Cogliano pour l’aider à s’améliorer. « J’ai juste dit que je pouvais l’aider en le poussant dans les entraînements. Il joue dans la ligue depuis 16 ans. Je ne vais pas lui donner des trucs ! Juste le pousser, c’est la meilleure réponse. »

Deux espoirs ont rapporté une question des Predators : Si tu étais dans l’armée, serais-tu pilote, ambulancier ou tireur d’élite ?

Enfin, Zayne Parekh s’est fait demander quelle était sa cote de passager sur l’application Uber. Beau joueur, il n’a pas voulu identifier l’équipe, mais il semble que la question émanait de l’Utah.

Dans le calepin

Un espoir controversé, un protégé de Hughes, un ami des Lapointe

En 2020, c’était Mitchell Miller. En 2021, c’était Logan Mailloux.

Il arrive de temps à autre que des espoirs du repêchage soient rattrapés par leur passé. Chaque cas est évidemment différent, ce qui déterminera si la LNH, les équipes et le public passeront l’éponge ou non. Les Coyotes, puis les Bruins, ont vite compris que les erreurs de Miller étaient indéfendables. Mailloux a quant à lui été soumis à une période de probation, et ses efforts lui ont permis de disputer un premier match dans la LNH en toute fin de saison 2023-2024.

Cette année, l’espoir dans cette situation se nomme Trevor Connelly. En février dernier, The Athletic a publié un rigoureux dossier sur cet espoir au passé entaché.

Le principal incident : sa publication sur Snapchat, en 2022, où on voit un de ses coéquipiers devant des blocs pour enfants assemblés pour former une croix gammée. Il a reconnu sa faute pour cette publication et s’est excusé.

Mais d’autres allégations ont été soulevées par The Athletic : des insultes racistes, un cas où il aurait uriné sur les biens d’un camarade de classe et de nombreux témoignages de parents disant qu’ils ne voulaient pas que leur enfant soit coéquipier de Connelly. Ce dernier ne reconnaît toutefois pas ces allégations, et pour l’une d’elles (l’incident de l’urine), il s’agirait d’une réponse de Connelly à une initiation dont il a été victime.

Bref, le reste de l’histoire n’est pas en noir et blanc, mais la famille a menacé de poursuivre The Athletic.

C’est dans ce lourd contexte que Connelly s’est présenté à Buffalo cette semaine. L’intérêt pour cet ailier du Storm de Tri-City (USHL) est manifeste. Tous les classements d’experts le considèrent comme un espoir du 1er tour, si bien qu’il dit avoir rencontré 22 équipes.

Le Canadien fait partie de ces 22 équipes. Pour ce que ça vaut, au moment où Connelly effectuait ses tests physiques samedi (il faisait partie du groupe de 13 h 30, le dernier du jour), les représentants du CH qui y assistaient ont été aperçus en train de quitter les lieux.

Il a également rencontré les médias, comme l’ont fait la majorité des 100 espoirs sur place. La mêlée de presse était un malaise en continu. Entre des questions sur sa délicate situation s’inséraient des trucs plus frivoles sur ses idoles au hockey et ses qualités sur la glace.

Et sans que l’on comprenne trop pourquoi, le directeur de la Centrale de recrutement de la LNH, Dan Marr, a assisté au point de presse et s’est même improvisé journaliste, lui demandant ce qu’il faisait pour se sortir de ses léthargies.

Le message de Connelly aux équipes qu’il a rencontrées ? « Je leur ai dit que j’ai beaucoup travaillé sur moi-même et que j’ai fait du travail dans la collectivité, du bénévolat. Je ne veux pas m’apitoyer sur le passé. Je veux aller de l’avant, être la meilleure personne que je peux être. »

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On en a parlé plus tôt cette semaine, mais les soupers des espoirs avec les dirigeants d’équipes font toujours jaser.

On rappelle cependant que la valeur de ces soupers est relative. C’est d’autant plus vrai que deux choix potentiels parmi le top 5, les Russes Ivan Demidov et Anton Silayev, n’étaient pas à Buffalo. De plus, des équipes peuvent très bien convier des espoirs à une deuxième entrevue sans que ce soit autour d’un riz au tempeh. C’est ce qu’avait fait le Tricolore avec Juraj Slafkovsky en 2022, par exemple.

Voici ce que nous avons pu glaner comme soupers des équipes qui parlent avant le Canadien, en excluant San Jose de l’exercice, puisque le choix de Macklin Celebrini semble aller de soi. La liste ne se veut pas exhaustive et est évidemment à prendre avec un grain de sel. Ou avec Mongrain de sel, diront les nostalgiques.

• Chicago (2rang) : Artyom Levshunov

• Anaheim (3rang) : aucun souper révélé par les joueurs

• Columbus (4rang) : Tij Iginla, Cayden Lindstrom, Beckett Sennecke

• Montréal (5rang) : Tij Iginla, Cayden Lindstrom

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Notre entrevue avec Cole Hutson a eu lieu mardi en fin de journée. Le jeune frère de Lane Hutson n’avait alors pas encore rencontré le CH. Il nous avait confié s’être préparé pour la question de l’animal et prévoyait répondre à Montréal qu’il se voyait comme un terrier, clin d’œil au nom de l’équipe de Boston University, où il jouera l’automne prochain.

Or, le petit chenapan a changé d’idée entre-temps. « J’ai fait mes recherches 20 minutes avant l’entrevue et j’ai pris un narval, une baleine au museau pointu. Je l’ai choisi parce que c’est un animal rare et unique », a décrit le dynamique défenseur.

Hutson a dit avoir apprécié sa rencontre avec Montréal, notamment parce qu’il connaissait « pas mal de monde ». « On a fait comme si on ne se connaissait pas », a-t-il précisé.

C’est Martin Lapointe qui menait l’exercice, peut-être le membre de l’état-major qu’il connaît le mieux. Hutson vient en effet de la région de Chicago, où la famille Lapointe est installée depuis des années. « J’ai grandi avec Noah [un des fils de Martin]. J’ai joué avec lui ces deux dernières années. On joue ensemble depuis que j’ai environ 8 ans. On est super proches. C’est une bonne famille. »

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Un autre qui était en territoire connu, c’est Teddy Stiga. On parle ici d’un attaquant attendu au 2tour au plus tôt, membre du Programme national de développement des États-Unis, qui sera admis à Boston College l’automne prochain.

Stiga jouait pour les Eagles junior de Boston en 2021-2022. Et qui était l’entraîneur-chef de cette équipe ? Kent Hughes lui-même ! C’est au cours de cette saison que Hughes a été embauché comme directeur général du Canadien.

Les jeunes savaient-ils que leur coach était en train d’accepter un des postes les plus en vue du hockey ? « Un peu. Il a eu l’emploi juste avant les championnats nationaux, donc il a été parti un certain temps, mais il est revenu pour les championnats. C’était cool. On était tous contents pour lui. »

Hughes a assisté à l’entrevue de Stiga avec le Tricolore. « C’était plaisant de le revoir, et pas vraiment gênant. C’est un bon gars, donc c’était facile. »

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