MAISON / CÔTÉ JARDIN

Mutualisme au potager

Les avantages et vertus du jardinage sont connus depuis longtemps, mais plus que jamais, mettre ses mains à la terre et en récolter ses fruits, légumes et autres petits trésors fait du bien.

Vous n’avez pas de terrain pour aménager un potager, mais avez le pouce vert et l’envie de plonger les mains dans la terre ? Ou au contraire, c’est le temps et la motivation qui vous manquent pour faire de votre cour un lieu verdoyant ? Le cojardinage vous invite à faire équipe.

Le cojardinage est cette nouvelle façon de jardiner de manière conviviale. Plus besoin de posséder un jardin pour jardiner ou de jardiner pour pouvoir manger des légumes fraîchement sortis de terre. Le travail se fait en équipe, dans un système donnant-donnant : l’un fournit le terrain, l’autre, l’énergie et les bras. Et les dépenses sont partagées, tout comme le fruit des récoltes.

Alors que les listes d’attente s’allongent dans les jardins communautaires, jardiner chez son cinquième voisin devient une option attrayante et si remplie de bon sens qu’on se demande pourquoi aucune plateforme, au Québec, n’encourage ce type d’échanges qui ne datent pourtant pas d’hier. L’idée commence toutefois à germer…

Initiative outre-atlantique

Depuis près d’une décennie, le site Plantercheznous.com met en contact les jardiniers et propriétaires de jardins de l’Europe francophone. La Toulousaine Chantal Perdigau est à l’origine de cette initiative, implantée en 2011 dans sa ville du sud de la France, avant de s’étendre à tout le pays et d’en franchir les frontières.

« En observant mon entourage, j’ai remarqué que beaucoup de gens jardinaient sur leur balcon, alors que d’autres laissaient leur terrain en friche », raconte l’ingénieure en environnement, qui y a vu une possibilité de verdir son milieu de vie tout en favorisant les échanges entre citoyens.

Un petit espace suffit souvent à faire le bonheur d’un autre, observe Chantal Perdigau, elle-même propriétaire d’un terrain de 20 m2 qu’elle n’a pas le temps d’entretenir. Elle le partage depuis quatre ans avec une cojardinière à la retraite rencontrée grâce à ses petites annonces. « Souvent, les gens deviennent amis parce que ça dure longtemps. Ça permet aussi de créer des liens. »

« L’avantage est de partager. Contrairement aux jardins communautaires, c’est complètement gratuit et les frais de semences ou de plants sont partagés. » 

— Chantal Perdigau, fondatrice de Savez-vous planter chez nous ?

En plus de ses petites annonces de rencontres jardinières, le site s’est enrichi au fil du temps d’une boutique de produits de jardinage, d’un calendrier événementiel, d’un blogue et d’un onglet permettant aux professionnels et petits producteurs de plantes d’annoncer leurs services et produits, l’idée étant de soutenir les productions locales et indépendantes.

Il explore maintenant au-delà des besoins potagers avec du troc en apiculture. Certains offrent leur terrain pour l’installation de ruches en échange de connaissances et d’une partie de la production du miel. « Des membres ont aussi planté des arbres fruitiers, des fleurs…, souligne Chantal Perdigau. Ça va au-delà du potager. »

Embryonnaire chez nous

Les petites annonces de Savez-vous planter chez nous ? comptent plus de 30 000 membres, assez bien répartis entre les personnes qui prêtent et celles qui cherchent un jardin, observe la fondatrice du site. Ces cojardiniers sont dispersés à travers la France, la Suisse, le Luxembourg et la Belgique. Au Québec, le projet tente une percée. Très peu d’annonces y sont toutefois visibles. Le projet a démarré il y a deux ans, sans publicité aucune.

Cette idée du cojardinage a néanmoins séduit une Montréalaise impliquée dans le verdissement de son quartier. Ingrid Holler y a vu des affinités avec ce qui se trame au Québec et a décidé de contribuer à faire connaître ce concept en distribuant d’abord des prospectus dans les rues de son arrondissement.

L’urbanisme des villes québécoises fait en sorte que ce type d’initiative a un énorme potentiel, estime-t-elle, et beaucoup d’espaces restent à exploiter en ville. « Un locataire d’un troisième étage qui voudrait cultiver quelques légumes serait sûrement heureux de le faire sur le terrain inexploité de la maison d’à côté, indique cette mère de famille du Plateau Mont-Royal. Je pense que ça va complètement dans le sens de l’autonomie alimentaire, du verdissement de la ville et du mouvement local et bio. »

L’initiatrice du projet en France abonde dans le même sens. « Je pense que c’est vraiment dans l’air du temps de prendre soin de l’environnement et de faire attention à ce qu’on mange, dit-elle. Et ce, même à l’heure de la COVID-19. Il n’y a pas de raison de ne pas respecter les distanciations au jardin. Je pense que les gens ont envie de sortir et de jardiner malgré tout. »

D’ailleurs, alors que le déconfinement se fait graduellement en France, le trafic des petites annonces prend de l’essor, remarque-t-elle. La saison du cojardinage est bel et bien lancée !

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