Chronique

La nounou et le fisc

Ah la rentrée ! Les zigzags dans le trafic pour arriver avant 18 h à la garderie. Le souper préparé en cinquième vitesse. Les otites, les conjonctivites, les gastroentérites. Beurk !

Et s’il était possible de freiner ce train d’enfer en embauchant une nounou à domicile ? Avec la modulation des frais dans les garderies subventionnées, cette formule devient de plus en plus avantageuse. Surtout que le fisc donne un bon coup de main.

Je vous rappelle que depuis 2015, les familles « riches » qui gagnent plus de 50 545 $ doivent payer une surcharge quand leur enfant fréquente une garderie subventionnée.

En incluant le tarif de base de 7,55 $, le coût peut atteindre 20,70 $ par jour pour le premier enfant et 14,13 $ pour le deuxième si la famille gagne plus de 159 000 $ environ. Il n’y a pas de supplément pour un troisième enfant.

Malgré tout, la facture reste corsée pour les familles nombreuses : pour trois enfants, il faut allonger jusqu’à 42,32 $ par jour. Voilà qui donne à réfléchir.

« Ma conjointe et moi envisageons sérieusement d’avoir une gardienne à domicile pour nos trois enfants. Les avantages sont nombreux et la dépense n’est pas tellement plus élevée que la garderie privée », me confiait récemment un lecteur.

En effet, une gardienne à la maison coûte entre 300 et 400 $ pour une semaine de 40 heures, selon SOSgarde, une plateforme web pour trouver de l’aide à domicile. Cela équivaut à 60 ou 80 $ par jour.

Avec deux ou trois enfants, la nounou peut donc coûter moins cher qu’une garderie privée qui demande 35 $ par jour, voire davantage dans les grands centres urbains.

Et aussi surprenant que cela puisse paraître, une nounou peut même coûter moins cher que la garderie subventionnée, quand on considère la fiscalité.

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Il faut savoir que les frais de garde donnent droit à une déduction de revenus au fédéral qui permet de payer moins d’impôt, mais aussi de toucher davantage de prestations, notamment la généreuse Allocation canadienne pour enfant.

Mais attention : comme les frais de garde déductibles sont plafonnés à 8000 $ pour les enfants de moins de 7 ans, et à 5000 $ pour les enfants de 7 à 16 ans, il faut diviser le salaire de la nounou par le nombre d’enfants dont elle prend soin.

Si la nounou reçoit 20 000 $ par année pour s’occuper de trois enfants à temps plein, les frais de 6666 $ par enfant seront entièrement déductibles dans la déclaration du parent qui a les revenus les moins élevés.

Voilà des économies d’impôt de plusieurs milliers de dollars. Et ce n’est pas fini…

De son côté, Québec offre un crédit d’impôt pour les frais de garde. Québec rembourse entre 26 % et 75 % des frais de garde, selon les revenus de la famille. Mais le crédit ne s’applique pas aux frais des garderies subventionnées puisque Québec les finance déjà autrement.

Quand on additionne tout cela, les résultats sont étonnants. Imaginons une famille de trois enfants d’âge préscolaire dont l’un des conjoints gagne 60 000 $ et l’autre, 40 000 $.

Dans une garderie subventionnée, les parents paieront 23,33 $ par jour après impôts pour leurs trois cocos. Si la famille parvient à engager une gardienne à 400 $/semaine, il ne leur en coûtera que 19,58 $ par jour après impôts.

C’est 3,75 $ de moins qu’à la garderie subventionnée. Presque 1000 $ de moins par année !

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Toutefois, les parents qui embauchent une nounou à la maison ne doivent pas avoir peur de la paperasse.

Si la gardienne travaille chez vous à temps plein, il s’établit une relation employé/employeur, prévient André Boulais, auteur de l’ouvrage Réduisez vos impôts.

« Vous devrez donc faire des prélèvements à la source comme si vous étiez un entrepreneur à la tête d’une petite entreprise. Ce n’est pas hyper compliqué, mais il faut comprendre la mécanique », m’a dit le comptable.

Comme employeur, vous devez payer votre part à la Régie des rentes du Québec, au Fonds des services de santé, à l’Assurance-emploi et au Régime québécois d’assurance parentale. Au total, il vous en coûtera 10,9 % du salaire de l’employé. La contribution de l’employé s’élève à 7,4 % de son salaire.

Vous avez aussi l’obligation de vous inscrire à la CNESST, qui vous fera payer une cotisation en fonction de la dangerosité de l’emploi (autour de 2 % pour une nounou). Vous devrez faire des remises tous les mois et produire une déclaration annuelle avant le 15 mars de l’année suivante.

Chaque année, vous devrez également payer une cotisation de 0,08 % pour le financement des normes du travail. À cet effet, un relevé d’emploi sommaire doit être produit au plus tard le dernier jour de février.

Et bien sûr, vous devrez prévoir un versement de 4 % pour les vacances, même si, dans la pratique, il est possible de continuer à payer la nounou lorsqu’elle prend ses vacances.

« Au lieu de s’aventurer tout seuls, les néophytes devraient se faire encadrer par leur comptable pour partir comme il faut », conseille M. Boulais. Pour les clients qui sont dans cette situation, le comptable prépare un tableau et synchronise toute l’information pour les aider à faire leurs remises. Les clients n’ont plus qu’à le consulter à la fin de l’année pour la production des feuillets fiscaux.

Bon, d’accord, tout cela est un peu laborieux. Mais si la formule vous permet d’améliorer la qualité de vie de la famille, elle en vaut peut-être le coût, surtout pour les parents qui ont des horaires atypiques.

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