Un homme détestable, le dénouement
Les coupables s’envolent…
Collaboration spéciale
Panneton laissa de côté le bouquin de Mario Puzo, but une gorgée de ce délicieux nectar blanc, car il avait fait le deuil du rouge à jamais, fit un tour d’horizon sur cette magnifique vision qu’est la Méditerranée et se décida enfin à lire la série d’articles que De Léon avait écrits et qu’il avait accumulés sans y jeter un coup d’œil. Il était prêt. Il lut avant tout les titres des articles qui l’attendaient depuis un certain temps :
Il savait pourtant ce qu’il y trouverait. La vérité ? Non, la vérité déguisée, des questionnements subtils. Il savait que personne, à part Sardano, ne paierait le prix de cette machination diabolique. De Léon n’avait pas eu raison, ce n’était pas l’argent ou la religion qui avaient motivé ces êtres infâmes. C’était le pouvoir, l’ambition.
Non, les lecteurs ne sauraient jamais que M
Bianchi était à l’origine de ces plans machiavéliques. Ils ne sauraient pas qu’il avait vu ses ambitions naître lorsqu’il avait rencontré des élèves retors au Collège Saint-Antoine. Il avait reconnu en eux le désir de plaire, l’ambition d’obtenir un grand pouvoir, de faire naître la crainte chez ceux qui les entouraient. Des êtres sans scrupule. Il les recruta d’abord par la religion.Il leur laissa miroiter subtilement le pardon de leurs péchés par la souffrance physique. Fais ce que tu veux, si tu expies par la douleur, tu seras pardonné.
M
Bianchi était doté d’une grande intelligence et nourri par une grande ambition. Son regard se tournait déjà vers le Vatican. Il croyait fermement qu’il arriverait à ses fins par la manipulation. Il n’avait pas tort. Il a réussi à s’infiltrer dans les milieux politiques, juridiques et sociaux avec finesse. Il a certainement fait des victimes sur son passage, sans jamais y être mêlé ouvertement. Un être dangereux s’il en est un. Pire que ses acolytes.Ce Nick Sardano avait tout fait échouer. Négligent, il avait laissé des traces, découvertes après analyses au labo. Sa plus grande erreur : la relation, probablement consentante, qu’il avait eue avec Tania avant de la martyriser et la tuer. Sans compter que De Léon et moi-même avons fait un sacré bon boulot. Il sourit à cette pensée qu’il n’aurait jamais eue auparavant. Pour la première fois de sa vie, il relaxait. Décidément, cette retraite lui allait à merveille. Il n’avait plus à penser à Tougas, mort on ne sait trop comment ou pourquoi, ou à cette tentative de chantage qui dévoilerait son implication dans la mort de cette sans-abri en 1973. Qui l’avait menacé ? Un mystère qui demeure.
Et que dire de Lessard ? Le plus bourru certes, corrompu, il va sans dire, mais tout de même au service de la population. Il avait quelques bons coups à son actif. Il n’était pas particulièrement aimé du corps policier, il était plutôt craint, mais il faisait tout de même un bon travail, mis à part ses interventions, qui avaient dû être fréquentes, pour protéger Battaglia et ses mafieux.
Après la découverte de sa relation avec les autres par Panneton et De Léon, il semblait normal pour ce dernier de publier ce qu’il savait. Panneton, lui, voulait des preuves. Les deux ont donc passé une entente et mis sur pied un plan pour coincer les intervenants. Aucune preuve n’existait, sauf divers morceaux de casse-tête d’informations éparses qui ne constituaient pas des preuves. Il fallait pousser des personnages puissants au pied du mur. Panneton se rendit au QG après la visite au collège et se mit en frais de crier par monts et par vaux qu’il avait de solides pistes qui feraient tomber des têtes de haut niveau. Lessard le convoqua à son bureau. Il était nerveux, surtout lorsque Panneton lui dit qu’il arrivait du collège et qu’il avait fait deux plus deux après avoir vu une photo de groupe de la classe 501, enseignée par nul autre que M
Bianchi.Panneton examina le visage de Lessard, qui se voulait normalement imperturbable. Décomposé, blanc comme un linge, il articulait à peine en posant ses questions. Évidemment, Panneton omit de lui dire qu’il l’avait reconnu. Ce que Lessard ne savait pas, c’est que Panneton avait pris ses précautions : téléphone de Lessard et autres suspects sur écoute, haute direction au courant des faits. Il choisit sciemment de mentionner à son chef le nouveau rapport de labo qui indiquait que le sperme trouvé chez Tania correspondait à celui d’un dénommé Nick Sardano, déjà accusé de tentative de viol sur une danseuse et relâché après que la danseuse se fut rétractée.
Lessard sauta sur son téléphone cinq minutes plus tard. Son appel était pour Battaglia. Si Nick parlait, ils étaient tous foutus. On devait arriver avant les flics. Peine perdue, car Sardano était déjà arrêté.
Le tournant fut la confession de Sardano, qui se sentait le héros du jour. Il avait eu une mission de Dieu pour punir des méchants et le chef de la mafia lui avait fait confiance. Il était fier de faire la une des journaux. Il s’emballait à donner de sordides détails sans impliquer qui que ce soit et prenait tout sur son dos. Le clan sentait la soupe chaude et il était clair que Nick ne ferait pas long feu. Effectivement, on le trouva pendu dans sa cellule. Les tentacules de la coalition du mal s’étendaient partout. Panneton comprit qu’on n’étalerait pas le complot au grand jour. Seuls les appels de Lessard pourraient peut-être aider à consolider une preuve.
Il fallait être réaliste, on aurait à s’attaquer au milieu politique, à la religion, au système de justice. Ce n’était plus du ressort de Panneton. Et lorsqu’on lui offrit une possibilité de retraite, il accepta. Il en soupçonnait le prix. De Léon, lui, continuerait la bataille. Il la savait perdue lui aussi, mais il avait le pouvoir des mots, il pouvait soulever des soupçons subtilement. Ce qu’il ferait.
Il y avait au moins une partie du réseau qui serait démantelée. Mission presque accomplie.
Le téléphone de Panneton sonna. Un SMS. Il perdit le sourire. Le message disait : « Roger, nous savons ».