Karl Tremblay (1976-2023)

Jérôme Dupras rend hommage à son « frère »

« Karl, mon ami, mon frère, 27 ans ensemble dans un band, ça ne développe pas une amitié, ça forge l’éternité. » C’est avec ces mots que Jérôme Dupras, bassiste des Cowboys Fringants, a commencé un long hommage publié dimanche sur Facebook à son compagnon Karl Tremblay, mort la semaine dernière. « Tu étais un géant habité d’une force tranquille : le plus grand chanteur que j’ai entendu, le clown des loges, l’entrepreneur pour le jeu et l’amitié, le power forward des ligues de bière, le père aimant, l’ami loyal, le guerrier devant la maladie, l’indéfectible joueur », poursuit-il. Les deux autres membres du groupe, la conjointe de Karl Tremblay, Marie-Annick Lépine, et le guitariste Jean-François Pauzé, ont également livré de touchants hommages sur Facebook. — La Presse

Critique de Crocodile distrait

Laurent Paquin séduit le public de l’Olympia

Pour son cinquième one-man-show, l’humoriste Laurent Paquin a choisi d’explorer le thème du bonheur qui ne lui vient pas facilement. Son personnage bougon, râleur, pessimiste et baveux a fait mouche la semaine dernière au Théâtre Olympia, dix mois après le début de sa tournée québécoise... Qu’il relance à Québec cette semaine.

Il faut rendre à César ce qui est à César. Laurent Paquin livre ses histoires avec aplomb et précision.

Son sens du timing, son flow, sa calme assurance et sa capacité d’improviser autour de ses thèmes de prédilection font de lui un solide humoriste. Crocodile distrait, dont le titre est tiré d’une blague qu’il a racontée à l’âge de 5 ans, fait cette fois l’économie des blagues de bizounes, dont l’humoriste a parfois le secret. On l’en remercie.

Construit autour de ce bonheur qu’il pourchasse souvent sans succès, ce nouveau one-man-show a la qualité d’aller dans plusieurs directions tout en restant arrimé – jusqu’à la fin – à ce thème du bonheur glissant.

Pendant près d’une heure trente, Laurent Paquin tentera de percer le secret des gens heureux… avec toute la mauvaise foi du monde.

Dénonçant les bons sentiments que l’on exprime (consciemment ou non) pour trouver des embellies dans le monde angoissant qui nous entoure, le personnage de Laurent Paquin se réfugie plutôt dans des pensées négatives. C’est plus fort que lui… Mais il tentera devant nous de changer son fusil d’épaule.

Son point de départ ? Depuis qu’il a l’âge que son père avait quand il est mort, l’humoriste se dit que sa fin approche… Plus de temps à perdre, donc. Il est temps d’être heureux, de faire ce qu’on a toujours rêvé de faire, de vivre le moment présent et d’arrêter de « s’obstiner avec des épais ».

« On peut rire des épais », lance-t-il après un long préambule, « parce qu’ils n’ont jamais été une minorité… » Et vlan ! L’humour de Laurent Paquin peut être tranchant.

Dans un des segments les plus punchés de son spectacle, Laurent Paquin s’en prend au « mythe » du bonheur qu’on retrouve dans la nature. Il en vient à se demander si les animaux sont heureux. « Il faut avoir peur pour survivre », conclura-t-il en décrivant le comportement « paranoïaque » des écureuils. « Les animaux ne sont pas heureux. »

Autre moment fort de Crocodile distrait : le ras-le-bol de l’humoriste pour les dictons, les proverbes ou les « phrases toutes faites » qu’il s’amuse à déboulonner.

« Prenez l’exemple de la phrase : vivre chaque jour comme si c’était le dernier, avance Laurent Paquin. Si je savais que c’était mon dernier jour sur terre, j’appellerais tous mes proches et mes amis en pleurant… (je paraphrase). Mais si je refaisais ça tous les jours, c’est sûr qu’ils vont souhaiter que ce soit mon dernier jour sur Terre ! »

Son passage sur le moment présent est de la même trempe. Sa tentative d’isoler le temps présent (qui ne cesse de nous échapper) donne lieu à un monologue drolatique où il est entre autres question du décalage entre ce que l’on voit et ce que l’on vit – il emploie ici la métaphore des rayons du soleil qui mettent sept minutes à se rendre jusqu’à nous…

Ne vous attendez pas ici à des commentaires politiques, Laurent Paquin – qui pourrait baisser sa voix d’une octave afin d’être moins criard – fait dans la comédie d’observation et s’amuse à déceler les contradictions de notre quotidien.

Et même si certains thèmes ont été exploités ad nauseam, la livraison de l’humoriste est efficace.

Têtu, il défendra les petites habitudes qui lui procurent un certain bonheur, tout en plaidant pour notre nécessaire évolution. Il s’en prendra notamment au livre de Pierre-Yves McSween, En as-tu vraiment besoin ?. « Si je veux m’acheter un épluche-patates qui brille dans le noir juste pour voir la réaction de mon beau-frère, si ça me rend heureux, même si j’en ai pas besoin, je vais le faire ! »

Après avoir fait la démonstration de toute sa mauvaise foi, Laurent Paquin nous dévoilera tous ces petits riens qui le rendent heureux, en concluant que « c’est ce que tu fais avec ce que tu as qui va te rendre heureux ».

On ne s’obstinera pas avec lui.

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