Si seulement nous pouvions sauver la vie d’autres femmes…

Le Québec est secoué par une vague de décès liés à la violence conjugale depuis le début de l’année 2021. Les homicides conjugaux sont en majorité commis par des hommes à l’endroit de femmes et souvent précédés par d’autres évènements de violence, d’où l’importance d’être attentif aux signes précurseurs. La période de séparation est d’ailleurs une étape critique : le risque d’escalade des violences et d’homicide conjugal est particulièrement élevé.

En temps de crise, la violence faite aux femmes a tendance à augmenter. La pandémie de COVID-19 ne fait pas exception. Au Québec, les maisons d’hébergements et SOS violence conjugale ont rapporté une augmentation de la violence conjugale, des appels d’aide et des demandes d’hébergement. En raison de l’augmentation du stress, des tensions, des insécurités liées à la COVID-19, le confinement est devenu prétexte à la violence et à la séquestration.

Le confinement diminue considérablement les contacts avec l’extérieur du foyer, ce qui a pour effet d’accentuer l’isolement des femmes, de réduire leurs possibilités de trouver de l’aide.

Des violences difficiles à dépister

Les violences en contexte de relations intimes peuvent se manifester de façon sournoise. Elles ne sont pas toujours reconnues par les filles et les femmes qui en sont victimes, ni par les proches et parfois par les intervenants eux-mêmes parce qu’elles sont difficiles à dépister.

Cependant, ce que nous fait ressentir la violence ne ment pas.

Vous avez l’impression de marcher sur des œufs avec votre partenaire ? Vous sentez que peu importe ce que vous faites, ce n’est jamais suffisant ou jamais correct ?

Vous devez vous justifier sur vos allées et venues ? Vous avez l’impression qu’à tout moment, il peut exploser ? Ces signes précurseurs doivent être pris au sérieux, mais ils sont souvent ignorés.

Pourquoi ? Les victimes évoquent différentes raisons pour refuser de quitter une relation violente : parce que l’agresseur dit qu’il nous aime, parce qu’on l’aime, parce qu’il a promis qu’il allait changer, parce qu’il y a de bons côtés à notre relation intime et qu’on s’y accroche quand ça va moins bien, parce qu’on a nulle part où aller ou pas les moyens, parce que si l’on quitte, on a peur de ce qui pourrait nous arriver et arriver à nos enfants, à nos proches, ainsi de suite.

Les violences faites aux femmes nous concernent tous et toutes !

Parce que cette violence nous concerne tous et toutes, des initiatives de sensibilisation et de formation à grande échelle doivent être mises en place globalement : pour les femmes, les hommes, les proches et les intervenants. Il est primordial de sensibiliser la population aux divers visages de ces violences (physique, psychologique, sexuelle, économique) et d’être en mesure de distinguer les conflits des signes de violence.

La violence n’apparaît pas tout à coup à l’âge adulte, elle est vécue dès les premières relations amoureuses. Selon l’enquête « Parcours amoureux des jeunes », 58 % des jeunes de troisième et quatrième secondaire ont rapporté au moins un épisode de violence dans leurs relations amoureuses au courant des 12 derniers mois.

Les dynamiques de violence tendent à se maintenir dans le temps et à perdurer jusqu’à l’âge adulte, alors qu’un jeune sur trois est revictimisé dans le contexte de ses relations intimes et sexuelles.

La prévention des violences devrait se mettre en place dès un jeune âge en abordant les relations intimes positives, en outillant les jeunes à développer de saines stratégies de gestion des conflits et en soutenant leur capacité à solliciter de l’aide. On doit déboulonner les mythes entourant les rapports de genre et la sexualité, proposer des modèles de masculinité et de féminité positifs et égalitaires et condamner les normes qui sanctionnent la perpétration des violences à l’égard des femmes. Bref, développer les compétences de communication et d’affirmation des besoins des jeunes, puis favoriser le développement de leur jugement critique en les impliquant activement dans les interventions qui leur sont destinées.

Comment notre gouvernement peut-il faire une différence ? Il faut dès maintenant accroître le soutien financier aux organismes communautaires, former les intervenantes et intervenants pour qu’ils soient mieux en mesure de déceler les signes précurseurs de violence dans les relations intimes et mettre en place des stratégies proactives pour rejoindre les femmes et les familles vulnérables (ex. : garde d’enfants, service de relève).

*Les auteures sont membres de l’Équipe violence sexuelle et santé (ÉVISSA), membres du partenariat de recherche sur les trajectoires de violence conjugale et de recherche d’aide (Trajetvi) et chercheuses régulières au Centre de recherche interdisciplinaire sur les problèmes conjugaux et les agressions sexuelles (CRIPCAS).

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