Résumé du chapitre précédent

Deux semaines avant le meurtre d’Antoine Meursault, sa femme, Lucia Lamaca, avait revendu à fort prix à la ville de Montréal un terrain de L’Île-des-Sœurs qu’elle avait acquis d’un caïd du crime organisé...

Un homme détestable Notre polar estival

Chapitre 15 : Au Caffe Ambrosia

Comme chaque matin, Nick Sardano arriva le premier au Caffe Ambrosia de Saint-Léonard. Il aimait ce moment calme où il préparait la salle avant l’arrivée des premiers clients.

Il ne s’appelait pas Nick, ni même Niccolo. Il s’appelait Nunzio, comme son grand-père, tradition oblige. Mais à la petite école, les autres élèves, surtout les francophones, faisaient des blagues cruelles avec le mot nunzio… Nick en était resté blessé et c’est depuis ce temps qu’il soupçonnait tous les gens hors de sa famille d’être méchants.

Il préparait les cafés au Ambrosia, comme le lui avait enseigné le vieil Angelo qui ne travaillait plus, à cause de sa goutte, et qui passait la journée à jouer aux cartes.

À 28 ans, Nick vivait avec sa mère et sa grand-mère, deux veuves qui le choyaient, le chouchoutaient, le plaignaient… Il avait réussi à terminer ses études secondaires, exploit rare dans la famille, et avait même pensé brièvement à s’inscrire dans un cégep. Sa grand-mère, Filomena, l’appelait Dottore.

Nick ne mangeait que les plats préparés par ces deux femmes. Même son casse-croûte du midi lui était livré de la maison au Ambrosia. Il considérait toute autre nourriture comme « pas bonne ».

À part les cafés, Nick faisait des petits boulots. Il se rendait, avec d’autres ragazze, sur les chantiers de construction pour intimider des travailleurs ou entrepreneurs qui avaient trop d’opinions. Il embauchait des membres de gangs de rue pour des boulots sales, leur donnait des directives, de l’argent.

Avec ses copains, ils tabassaient les mauvais payeurs de dettes de drogue ou de jeu, les clients qui maltraitaient les prostituées et les danseuses… Nick aimait beaucoup les danseuses. Il tombait amoureux au moins une fois par semaine et ça faisait rire les filles.

Son autre passion était les armes. Les armes de poing ou d’épaule, les armes blanches qu’il savait où planter dans le corps pour avoir fait des recherches sur l'internet. Sa préférée était un vieux fusil sicilien au canon scié, qui avait appartenu au vieux Nunzio et que sa nonna lui avait offert pour son 16e anniversaire.

Une fois par mois, Nick accompagnait sa mère, Francesca, une femme toute petite et nerveuse, au regard noir, comme lui, à l’église de la Madonna-della-Defesa, rue Dante, où il avait été baptisé. Pendant que sa mère priait, Nick allait remettre une enveloppe bien épaisse au curé et puis il se rendait admirer le tableau où l’on voyait Benito Mussolini sur un cheval blanc. Les vieux lui avaient raconté que c’était un cadeau du gouvernement italien, accompagné d’une somme importante, à la communauté au cours des années 30. Des parades de chemises brunes avaient eu lieu dans les rues de Montréal. Pendant la guerre de 1939-45, on avait simplement recouvert le tableau d’un drap.

Vers midi ce jour-là, Nick vit entrer Enzo Battaglia au Caffe Ambrosia, précédé et suivi de quelques costauds. Un silence pesait sur la salle pendant que le patron serrait des mains et recevait des accolades en souriant. Battaglia était aussi craint que respecté.

Le patron avait adressé un signe amical à Nick et ce dernier avait compris.

Enfin, il aurait une mission importante, une vraie. Nick attendait ce jour depuis longtemps, le jour où il allait montrer son véritable talent, le jour où il prouverait qu’il était un bon soldat.

Les médias diraient qu’il s’agit « du travail d’un professionnel ».

Le petit Nick Sardano, celui que l’on surnommait Le Docteur, était fier, mais un peu nerveux.

Demain

Katia Gagnon : Au nom de l’honneur

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