Un homme détestable Notre polar estival

Chapitre 22 : Concordia salus

La radio de son Chevrolet Caprice était ouverte à Espace Musique et quand il tourna la clé, Panneton entendit un solo de saxophone de Jan Garbarek.

– Stie de jazz, se dit-il, cherchant à syntoniser au plus vite la chronique judiciaire de Glaude Prunier.

« …Et mes sources me disent qu’on est très près d’un développement majeur dans le dossier Meursault, en fait un témoin important serait présentement interrogé par la police… »

– Stie de journalistes, se dit Panneton.

En roulant vers le laboratoire de police scientifique, Panneton avait l’esprit encore légèrement engourdi par le parfum et le charme inattendu de Lucia.

Elle avait un mobile, sans doute. Mais qui, en ville, n’avait pas de raison de tuer Antoine Meursault !

Il avait été crucifié comme le Christ. Décapité comme Jean, le Baptiste. Brûlé comme Jeanne d’Arc. Martyrisé comme les premiers Jésuites. Empoisonné comme le pape Clément XIV. Mais tiré à bout portant comme un misérable mafieux.

Saint-Antoine ! C’est quoi, cette histoire… Saint Antoine, priez pour nous, disait en souriant Panneton, qui se souvint tout d’un coup de sa mère, qui invoquait Antoine de Padoue pour retrouver le moindre objet perdu.

Fièrement installé devant un bras posé de manière presque comique sur une table, le Dr Pathel attendait Panneton en compagnie de Bernie. Comme un médecin qui voudrait présenter un nouveau-né à un père ayant loupé l’accouchement.

– Roger, c’est un beau morceau, les plaies sont superbes !

Panneton, toujours légèrement nauséeux en entrant dans une salle d’autopsie, trouvait que les pathologistes manipulent avec un peu trop d’enthousiasme et de détachement les restes humains. Pathel était cependant le champion toutes catégories.

– Ce qui veut dire ?

– Un : le bras est bien celui de Meursault ; deux : il a été prélevé, pour ainsi dire, avant l’explosion, et non séparé par celle-ci.

À son bureau, Panneton sentit le besoin de faire le point. Y avait-il plusieurs meurtriers ? Y avait-il un seul meurtrier qui voulait brouiller les pistes en multipliant les causes de la mort ?

Et si un seul meurtrier avait agi pour plusieurs clients ? Plusieurs clients qui, au lieu de se faire concurrence pour assouvir leur vengeance avant les autres, avaient mis sur pied une mortelle collusion… Un contrat dont le cahier de charge complexe supposait plusieurs exécutions… Chacune venant brouiller l’autre…

Au moment où Panneton commençait à faire le schéma des différentes hypothèses, un texto entra sur son portable. De Léon lui donnait rendez-vous au monument place Jacques-Cartier.

– Venez en vélo, on va aller faire un tour…

Panneton, arrivé 15 minutes à l’avance devant l’hôtel de ville, immobilisa son vieux 10 vitesses Raleigh.

« Concordia salus », disait l’armoirie de la ville. Le salut par la concorde, sauvés par l’entente, traduisit pour lui-même l’enquêteur.

De Léon était en retard.

– Stie de cyclistes, ronchonna le policier.

Demain 

Patrick Lagacé : Un relevé d’appels

Résumé du chapitre précédent

L’inspecteur Panneton arrive enfin à interroger la femme de Meursault, Lucia Lamaca. La jeune femme se défend d’avoir commandité le meurtre de l’homme d’affaires : elle semble bouleversée par la fin horrible de son mari et de Tania, son ex-employée.

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