Art mural

L’ art pour marquer la distanciation

Appelé à réagir aux conséquences de la COVID-19, l’organisme MU, spécialisé dans la création d’œuvres murales et les services éducatifs pour jeunes, vient de lancer une activité : « l’art de la distanciation », ou comment transmettre un message de façon artistique… Le projet a débuté dans Ville-Marie et va se poursuivre dans le Quartier des spectacles et sur l’avenue du Mont-Royal. 

De bien curieux blocs de ciment colorés ont commencé à apparaître à l’intersection de plusieurs rues, à l’extrémité est de l’arrondissement de Ville-Marie. Des blocs dessinés par l’artiste urbain Roadsworth à la suite d’une collaboration avec MU, qui s’est lancé dans… l’art de la distanciation.

La pandémie a fait fondre la moitié des contrats de MU dans le milieu scolaire, ce printemps. Et a obligé sa directrice, Elizabeth-Ann Doyle, à trouver d’autres avenues.

« Pour 2019-2020, on avait des ateliers artistiques et des projets dans une vingtaine d’écoles, dit-elle. Forcément, on a dû mettre à pied tous ces employés artistes. Durant l’été, ces artistes médiateurs travaillent normalement auprès d’adolescents de clientèles plus vulnérables (entre autres en milieu HLM), donc là non plus, pas gros de travail cet été ni même cet automne… »

MU s’est donc inspiré de la situation sanitaire pour mettre de l’avant un « art de la distanciation physique ». Pour joindre l’utile à l’agréable et faire travailler des artistes plutôt que des entreprises de signalisation.

« Cette initiative reste totalement alignée sur la mission de MU, soit d’embellir des milieux de vie par l’art, faire travailler et rayonner les artistes et avoir un engagement social, dit Mme Doyle. C’est un manifeste pour la beauté, car les signes pour la distanciation ne sont pas obligés d’être laids et poches !  »

MU a donc pris contact avec la Ville de Montréal et plusieurs établissements pour leur proposer son offre de service artistique pour du marquage au sol et de la signalisation dans des lieux publics et privés visés par une obligation de distanciation. MU a obtenu un premier contrat avec l’arrondissement de Ville-Marie.

Une quarantaine de blocs de ciment ont déjà été peints par Roadsworth et déployés rue de Rouen, aux intersections des rues situées entre la rue Lespérance et la rue Bercy. La rue de Rouen a été convertie pour l’été en rue familiale, réservée pour la promenade, le vélo et les jeux d’enfants.

« Les blocs de béton visent à sécuriser les tronçons de rues fermées partiellement ou en totalité », selon Marilyne Laroche Corbeil, relationniste à la Ville de Montréal.

Roadsworth (de son vrai nom Peter Gibson) est un artiste montréalais spécialisé dans la signalisation artistique en milieu urbain. Maître du pochoir, il a créé d’innombrables marquages au sol au Québec au cours des 20 dernières années, à la fois pour informer, décorer et faire sourire.

Pour la rue de Rouen, il a choisi des couleurs correspondant à une ambiance familiale.

« On ne voulait pas que ce soit déprimant, mais plutôt dans l’esprit du “Ça va bien aller”. J’ai donc retenu des couleurs qui font penser à des bonbons pour créer un certain effet. »

— Roadsworth

Des lampadaires ont aussi été peints avec les mêmes couleurs. Des barrières ont été installées aux côtés des blocs peints ainsi que des panneaux de signalisation informant les citoyens du changement de fonction de la rue.

De tels blocs devraient apparaître ailleurs à Montréal, notamment dans le Quartier des spectacles, selon Mme Doyle. « On va inviter des illustrateurs et des bédéistes à peindre des tables de pique-nique pour la Grande Bibliothèque à partir de lundi pour égayer les lieux, mais en distanciation », dit-elle.

Un autre artiste urbain, Thomas Csano, designer graphique réputé, a été retenu par MU pour des projets d’art de la distanciation. Il a créé plusieurs dizaines de visuels qui pourront être utilisés pour du marquage au sol.

« On a aussi un projet qui s’en vient sur l’avenue du Mont-Royal, piétonnière cet été, dit Mme Doyle. Au lieu de faire du marquage au sol sur 3 km avec des motifs qui se répètent, on va plutôt demander à 30 artistes de créer 30 tableaux et d’investir la rue en créant un véritable parcours déambulatoire. Ça permettra aux gens de découvrir des œuvres pendant qu’ils font leur magasinage ou qu’ils sont en file d’attente. »

Parmi les artistes participants : Bryan Beyung, Jason Cantoro, Kevin Lado, Labrona, Meky Ottawa, Rafael Sottolichio, Antoine Claes, Julian Palma, Cyndie Belhumeur et Roadsworth.

L’activité est inspirée de Nuit blanche sur tableau noir, l’événement d’art urbain créé par Michel Depatie en 1995 alors qu’il était directeur général de la Société de développement de l’avenue du Mont-Royal.

« Ce ne sera pas une carte blanche donnée aux artistes comme pour Nuit blanche sur tableau noir. Et ce ne sera pas aussi éphémère. »

— Elizabeth-Ann Doyle, directrice de MU

« Ça se veut un geste plus graphique, plus uniforme, dit Elizabeth-Ann Doyle. On le fera avec des partenaires comme l’agence de paysage et de design urbain Castor et Pollux ou encore l’OBNL Îlot 84 qui revitalise les espaces urbains. Pour faire du mobilier éphémère, des terrasses et de la signalétique. Ce sera super beau !  »

Cette activité de marquage au sol artistique devrait débuter dans les prochains jours et les artistes seront à l’œuvre dès la semaine prochaine. « L’idée de l’art de la distanciation, c’est d’être résilient et de trouver des façons de faire travailler les artistes afin d’être cohérent avec la mission de MU, dit Mme Doyle. Je pense que ça va fonctionner. On va avoir un bel été !  »

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