Un homme détestable Notre polar estival

Chapitre 18 : La nausée et le nunzio

La Nonciature apostolique ? Pourquoi diable la Nonciature apostolique s’intéressait-elle à lui ?

Panneton était payé pour trouver des réponses. Mais pour l’heure, il n’avait qu’un rapport d’enquête où s’empilaient les questions.

Il semblait avoir hérité de l’enquête la plus nauséabonde et la plus compliquée de l’histoire du pays. Une histoire si tordue que, dans Columbo, on aurait dit que le scénariste en avait fumé du bon.

Cette histoire sans queue ni tête n’avait malheureusement rien d’une fiction. Panneton devait faire un vrai Columbo de lui-même. Il devait mettre de l’ordre dans ce désordre. Il était jaloux du héros de sa télésérie préférée. Jaloux de son flair. Columbo connaissait toujours l’assassin dès le début de l’épisode. Dès lors, il ne lui restait plus qu’à attacher quelques ficelles pour prouver sa culpabilité.

Panneton n’avait pas eu cette grâce. Contrairement à Columbo, il ne connaissait pas l’assassin, mais il connaissait l’assassiné du temps où, comment dire… il avait encore une tête. Juste à y penser, Panneton en avait la nausée.

Panneton avait l’impression de patauger dans un étang glauque et sulfureux où flottaient trois cadavres en décomposition. Celui de Meursault, crucifié, décapité et démembré. Celui de Tania, la mystérieuse maîtresse dont le corps avait été mutilé. Et ce troisième cadavre calciné qu’il pensait enfoui à tout jamais. Ce cadavre sorti tout droit du placard de ses 14 ans. Quel fil funeste les liait tous les trois ?

Panneton décida de rebrousser chemin et de retourner au QG. Au moins, là, personne ne pourrait l’épier, se dit-il. Les mandats de filature allaient attendre. Rien ne sert de suivre une piste si l’on est soi-même suivi. Il devait savoir qui l’épiait et pourquoi.

Il était 17h30. Il appela à la maison. Il tomba sur le répondeur. « Vous êtes bien chez Roger et Louise. Laissez-nous un message au son du timbre. » Bizarre, se dit-il. À cette heure, sa femme était toujours à la maison.

Il laissa un message. « Salut, c’est moi... Ne m’attends pas pour souper. J’ai trop de travail. Je t’appelle quand j’ai fini. OK ? À tantôt. »

L’air déterminé, Panneton se dirigea vers son bureau. Il se dit qu’il devait d’abord élucider cette étrange histoire de Nonciature dont lui avait parlé de Léon. Il alluma son ordinateur. Dans le moteur de recherche, il tapa « Nonciature apostolique ». Il avait beau avoir été enfant de chœur, il ne savait plus très bien ce que c’était.

Il tomba sur des sites qui lui expliquaient que le nonce (de l’italien « nunzio » et du latin « nuntius », c’est-à-dire « messager ») est un représentant du Saint-Siège à l’étranger. Celui qui était en poste à Ottawa s’appelait Giuseppe Bianchi. Quel lien entre cet homme et son enquête ?

Panneton regardait dubitatif la photo du nunzio aux cheveux blancs, portant une calotte et une cape d’un fuchsia flamboyant. Il repensait à ce que de Léon lui avait dit. Une fausse piste, la religion ? Si c’est une fausse piste, il y a des gens qui se donnent beaucoup de mal pour nous la faire avaler, se dit-il.

C’est ce moment que choisit Lessard pour passer derrière son bureau. « Ah ! Ben ! Ah ! Ben ! Panneton. Justement le gars que je voulais voir… »

Quand son patron s’approchait de lui, Panneton avait l’impression de redevenir l’adolescent chétif et timide qu’il avait déjà été. Devant Lessard, il n’était plus un inspecteur-chef. Devant Lessard, il rentrait les épaules comme s’il avait 14 ans.

« Alors, cette enquête ? Coudonc ! Es-tu si avancé que t’as le temps de te magasiner en ligne un voyage organisé au Vatican ? », dit-il, sourire en coin, en pointant à l’écran la photo du nunzio.

Panneton n’eut pas le temps de répondre. Le portable de Lessard sonna. D’un mouvement sec du pouce, il répondit. « Allô ? »

Renfrogné, Lessard interrompit son interlocuteur. « Attendez-moi deux secondes. » Il fila vers son bureau. Il s’empressa de fermer la porte derrière lui. Et il chuchota : « Panneton a l’air de savoir quelque chose. »

Demain

Michèle Ouimet : Ainsi soit-il, que le diable soit avec vous

Résumé du chapitre précédent

Lucia Lamaca n’est pas seulement la dernière femme en titre d’Antoine Meursault, elle est aussi concierge au club très privé des Chevaliers de Saint-Antoine. Et les services qu’elle offre aux membres sont très, très étendus…

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