Résumé du chapitre précédent

Le journaliste Vincent de Léon pose un geste étonnant en remettant à l'inspecteur Panneton un dossier d'enquête très fouillé sur les affaires d'Antoine Meursault.

Un homme détestable Notre polar estival

Chapitre 14 : Orgies et Vatican

Panneton échappa un long soupir de soulagement en prenant place dans la Chevrolet Caprice du Service. Il avait encore en tête l’échange qu’il venait d’avoir avec son patron Lessard, au sujet de cette rencontre avec le journaliste de Léon.

– J’essaie de voir ce qu’il sait, avait dit Panneton. Il sait souvent des choses. Ça m’aide à avancer.

– Niaise-moi pas, Panneton, je le sais que c’est une game de donnant-donnant. Toi, tu y donnes quoi, à de Léon ?

– Rien. Des niaiseries, pour qu’il pense que je suis une de ses sources…

Ce bluff était le seul que Panneton avait pu trouver, dans la nanoseconde qui avait suivi la fin de la question de Lessard au sujet de cette rencontre au DIX30 avec le journaliste d’Aujourd’hui+. Lessard avait semblé acheter cette explication. En tout cas, il s’était dépompé en l’entendant.

En jetant un œil dans le rétroviseur, en s’engageant sur Sherbrooke au sortir du parking de la Section des homicides, Panneton sursauta : il y aperçut la moitié gauche d’un visage. Il le reconnut aussitôt :

– De Léon ! Qu’est-ce que tu f…

– Faut qu’on se parle.

Panneton échappa un autre long soupir semblable à celui de Bruce Willis, dans ces films où l’Américain jouait un flic sur le retour qui ne manquait jamais de dire « I’m getting too old for this shit », dans un moment particulièrement dramatique du film. Cette enquête taxait décidément trop le vieux cœur de Panneton.

– En quittant le DIX30, hier, j’ai été suivi, Panneton.

– Moi aus…

– Ben oui, vous aussi, l’interrompit le journaliste. Mais moi, je m’en suis rendu compte.

– …

– J’ai réussi à semer l’auto qui m’a suivi, dans L’Île-des-Sœurs. J’ai même réussi à suivre le char, Panneton. Et à prendre le numéro de plaque.

– Une voiture du Service ?

– On va se reparler de ça. OK, tournez ici, vite, vers le tunnel. VITE !

Panneton s’exécuta et la Caprice grinça de tous ses joints. Léon se retourna vers la lunette arrière, puis annonça : « C’est beau, on les a semés. » Ils roulèrent en silence jusqu’au IKEA de Boucherville. Panneton coupa le contact. Le journaliste avait déjà sorti son téléphone intelligent et le mit sous le nez du policier.

Panneton reconnut aussitôt le décor de la vidéo : celui d’un salon du club privé les Chevaliers Saint-Antoine. Il reconnut aussi les deux hommes assis dans les épais fauteuils dudit salon : Antoine Meursault et William Désormeaux. Il écouta la conversation.

Meursault : « C’est de la bullshit, tu le sais ben. »

Désormeaux : « Ah oui ? Pourquoi les gars de Enzo me disent le contraire ? Pourquoi ils ont des photos ? »

Meursault, la voix moins assurée : « Des photos ? »

Désormeaux, la voix un peu plus glaciale : « Oui, Antoine. Des photos de toi, avec ma femme, sur ton bateau. Y a d’autres femmes aussi, Antoine. Pis tu sais c’est quoi le plus surprenant ? »

Meursault : « Non, Bill. Quoi ? »

Désormeaux : « TOUT LE MONDE EST À POIL ! »

Meursault : « Ta femme est… »

Désormeaux, en se levant : « Je suis un homme très croyant, Antoine. Tu le sais. J’ai pas de tolérance pour ces affaires-là. Des, des… Des orgies. C’est ça le mot. Ma femme, Antoine. Ma femme. C’est MA femme. »

Meursault : « Bill, je pense que… »

Désormeaux : « Je pense que tu devrais lire la Bible plus souvent, Antoine. »

L’enregistrement prit fin au moment où le premier ministre quittait le salon, l’air furieux. Toujours assis, Meursault était tétanisé.

Panneton se retourna vers Vincent, qui semblait trouver cette affaire très drôle. La jeunesse, sans doute. Panneton, lui, avait le vertige.

— Le premier ministre qui…

— On parlera de ça après. Là, il faut qu’on parle du char qui me suivait hier.

— Les affaires internes du Service ? risqua Panneton.

— Non. Les plaques sont ontariennes. Je les ai fait retracer à une adresse à Ottawa : 724, rue Manor.

— Et ?

— Et c’est l’adresse de la Nonciature apostolique.

Demain

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