Médecine

La nuit porte-t-elle vraiment conseil ?

On dit souvent qu’une bonne nuit de sommeil peut permettre d'avoir un nouvel éclairage au réveil sur les questions qui nous tourmentent. Est-ce un simple proverbe ou une réalité scientifique ? Nous avons posé nos questions à Jean-François Gagnon, chercheur en neurosciences à l’Université du Québec à Montréal et au Centre d’études avancées en médecine du sommeil (CEAMS) de l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.

Est-ce possible de comprendre, après une nuit de sommeil, un événement qui est resté inexpliqué pour nous durant la journée ?

En tant que professeur, je dis à mes étudiants à la veille d’un examen : « Dormez-bien ! », et ce n’est pas anodin. En effet, durant notre sommeil, on assiste à un arrêt des stimulations sensorielles et cognitives que l’on subit lorsque l’on est éveillé. On peut alors avoir l’impression au réveil que nos pensées s’éclairent un instant. En l’absence de ces stimulations, nous sommes moins distraits et disposons d’une vision plus globale du problème qui nous assaillait durant la journée. La recherche de solutions devient probablement plus facile au cours de ce moment précieux.

Quels sont les mécanismes cérébraux qui facilitent l’apprentissage et la sélection de nouvelles informations durant la nuit ?

Quotidiennement, nous sommes exposés à de multiples informations, certaines importantes et d’autres, non. Pour sélectionner les plus pertinentes et favoriser les nouveaux apprentissages, notre cerveau dispose de plusieurs outils. Il faut d’abord être vigilant et motivé afin de bien encoder les informations avec nos sens et notre système attentionnel. Par la suite, les apprentissages, les souvenirs doivent se consolider, c’est-à-dire se figer dans notre mémoire. C’est ici que le sommeil intervient. En effet, plusieurs études montrent qu’après une nuit de sommeil, on observe une amélioration importante de la performance à une tâche motrice ou cognitive apprise la veille, et ce, sans pratique additionnelle.

On sait que le sommeil comprend plusieurs phases. Laquelle est la plus propice à la consolidation des informations recueillies pendant la journée ?

Le sommeil a cinq stades qui se répètent de manière cyclique durant la nuit. Ils se caractérisent notamment par des ondes cérébrales et une activité différente de nos neurones. Tout cela est observable grâce à la neuroimagerie. Durant certains stades de sommeil, dont le stade paradoxal, l’activité électrique du cerveau est « rapide » et serait propice au renforcement des liens entre les neurones. Les autres stades, dits « sommeil à ondes lentes », permettraient de rendre disponibles les neurones sollicités à l’éveil et de remettre ceux-ci d’aplomb pour créer de nouveaux liens. Donc tous les stades du sommeil auraient probablement leur rôle à jouer dans la consolidation des informations de notre journée.

Combien d’heures de sommeil sont nécessaires à notre cerveau ?

C’est variable. Certaines personnes ont besoin de huit heures, d’autres seulement de cinq. L’important est de se sentir reposé au réveil. On retrouve plusieurs cycles de 90 minutes dans une nuit de sommeil où se succèdent les phases dites « rapides » et « lentes ». Mais nous ne savons pas encore combien de ces cycles sont nécessaires à une bonne réorganisation des circuits neuronaux. Celle-ci favoriserait l’ancrage des informations dans notre mémoire. On se questionne également sur le rôle des siestes dans l’apprentissage. Qui sait ? Un bon conseil apparaîtra peut-être au cours d’un repos digestif…

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